Publié le
30 janv. 2018
Temps de lecture
5 minutes
Télécharger
Télécharger l'article
Imprimer
Taille du texte

Commerce : le jour où la caisse disparaîtra

Publié le
30 janv. 2018

C’est fait : Amazon a déployé à Seattle sa première supérette sans caisse. Un domaine auquel se frotte son compatriote Walmart, l’e-commerçant chinois JD.com ou encore le français Monoprix. Reste à savoir dans quelle mesure ce concept peut se décliner dans la mode, le luxe et la beauté, la seule certitude étant l’intolérance croissante des consommateurs aux files d’attente.

Les bornes d'accès Amazon Go - AFP


L’ironie veut que le premier Amazon Go, dont l’objectif premier était d’éliminer le temps d’attente aux caisses, ait pour son lancement connu une file d’attente aux caisses. Il faut dire que la présentation en 2016 du magasin pilote, alors réservé aux employés du géant américain de la vente en ligne, avait suscité un fort intérêt chez consommateurs et professionnels. Amazon a pris l’habitude de donner le « la » à l’univers du commerce, de la livraison en 24 heures jusqu’à l’abonnement premium, en passant par l’automatisation logistique et le concept de livraison par les airs.

Mais le concept Amazon Go répond surtout à un fait désormais bien établi : les files d’attente sont les repoussoirs du commerce physique. Une étude Synqera évaluait en septembre que le passage en caisse est désormais la partie la plus détestée de l’expérience d’achat pour 78 % des Américains. De ce côté de l’Atlantique, au même moment, le Shopper Observer Havas soulignait que 74 % des Français supportent également mal l’attente en caisse.

 


Et ce n’est sans doute pas un hasard si ce sont deux géants du e-commerce, dont le développement est sans doute à l'origine de ce désir d’instantanéité commerciale, qui ont ouvert la voie vers les magasins sans caisses. Amazon n’a en effet pas tardé à être rejoint par JD.com, numéro 2 chinois de la vente en ligne, qui dévoilait l’an passé sa propre approche du problème. A la « computer vision » qui permet à Amazon Go de savoir quand un produit est pris ou replacé dans un rayon, JD.com ajoute la reconnaissance faciale et le suivi des trajectoires. Des centaines d’adresses sont annoncées par le groupe en partenariat avec China Overseas land & Investment.

Mixité des paiements

Un déploiement qui se fera en parallèle du réseau Amazon qui, en Amérique, entend capitaliser sur un réseau physique comptant déjà les 470 magasins Whole Foods acquis l’an passé. Et les choses pourraient aller d’autant plus vite que le « projet Kepler » du leader de la distribution américain, Walmart, commence à se préciser. Un concept de magasin physique qui (mais est-ce vraiment une surprise ?) aurait, selon la presse locale, été confié à un spécialiste du e-commerce. A savoir Mike Hanrahan, cofondateur et directeur des opérations de Jet.com, portail de vente acquis pour 3,3 milliards de dollars par Walmart il y a deux ans.

Visuel explication du concept de magasin sans caisse de JD.com - JD.com


En France, Monoprix s’offrait en décembre 2016 une parodie de la vidéo initiale d’Amazon Go (voir plus haut) pour vanter, en anglais, sa solution Livraison à domicile +. Une pirouette marketing aussi efficace que lorsque le PDG de Vente-Privée annonçait la « livraison par téléportation » pour railler, déjà, Amazon. Mais, pour autant, l’enseigne du groupe Casino a lancé son propre projet.

Alors que les caisses automatiques sont désormais largement implantées dans l’Hexagone, le concept Monop’easy permet, dans les adresses parisiennes de Madeleine et des Halles, de payer via smartphone, en évitant la caisse. Il ne s’agit pas cependant d’une disparition des caisses, dont la forme classique continuera d'exister en parallèle. La prudence est en effet de mise, dans un pays où les paiements par chèque représentent toujours 10 % des transactions, selon la Banque de France. Néanmoins, Monoprix entend décliner son système mobile dans l’ensemble du réseau dès le premier semestre 2018.

« Au stade de l'expérience »

Mais peu de professionnels croient pour l'heure à la disparition des caisses. Et préfèrent se poser une autre question : le « sans-caisse » se prête-t-il à tous les secteurs ? Interrogation particulièrement prégnante dans la mode et le luxe où, plus que jamais, le rôle du vendeur et des services sont au centre d’une « expérience client » devenue l’alpha et l’oméga des réseaux.

Monoprix avait parodié la vidéo Amazon Go, avant de proposer sa propre solution sans caisse


« Le sans-caisse en est au stade de l'expérience aujourd'hui, souligne Olivier Chiono, directeur de l'offre retail du spécialiste de l'équipement magasin Cegid. Mais cela illustre le fait qu'il y aura à terme moins de caisse fixes, ce qui implique de travailler sur l'équipement des vendeurs. Ceux-ci doivent  pouvoir aider pour le conseil et l'encaissement du client. Et en termes d'économie de temps, une génération de magasins émerge pour lesquels la RFID (identification par radiofréquence) joue son rôle, permet de scanner d'un seul geste tout un panier et de jouer le rôle d'antivol. Au final, tout dépendra du consommateur. Mais la disparition des caisses n'est pas à ce jour une priorité des enseignes. »

Mais, parmi ces dernières, certaines ont néanmoins fait montre d’initiative dans le domaine. A l’instar de Naf Naf qui, pour son concept store des Champs-Elysées, proposait un magasin sans caisse où les produits sélectionnés par les clients étaient ensuite livrés à domicile. Un concept depuis décliné dans le concept store inauguré à Lyon le 26 janvier 2018. Dress in the City s’était également frotté au sans-caisse il y a un an, dans le cadre d’un pop-up store.

Reste que le secteur de la vente a maintes fois démontré que certaines révolutions se produisent plus tardivement qu'escompté, à l'instar d'une explosion du m-commerce intervenue plus tard que ce que les experts prédisaient. Dans l'habillement et le luxe, les récents bouleversements de consommation inspirent cependant une certaine prudence aux professionnels : il y a quelques années, nombre d'entre eux prédisaient l'échec assuré des ventes en ligne d'habillement.

Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 FashionNetwork.com