Eau de Cologne 4711 : un avenir incertain pour le doyen des parfums

BERLIN, 13 sept 2006 (AFP) - Embaumant encore de sa fraîcheur bicentenaire les armoires et le cou de nos grandes-tantes, la véritable Eau de Cologne 4711, d'abord vendue comme un remède aux vertus vivifiantes avant de s'imposer comme la célèbre marque allemande d'eau de toilette, se prépare à un avenir incertain.

Eau de cologne 4711

Reconnaissable à son petit flacon flanqué d'une étiquette "bleue comme le ciel et or comme le soleil", comme le scandait une publicité d'antan, la plus ancienne marque de parfum sur le marché s'apprête à changer de propriétaire.

Le groupe américain Procter and Gamble veut se séparer de la marque 4711, dont il s'est emparé en 2003 lors du rachat du groupe de cosmétiques allemand Wella.

Une décision "stratégique" pour une marque jugée trop locale par Procter and Gamble qui prévoit de céder également le magasin situé au numéro 4711 de la Glockengasse, un pôle touristique dans la plus grande ville rhénane.

Le potentiel de la marque, exportée dans plus de 60 pays, "est loin d'être épuisé", rétorque le maire de Cologne, Fritz Schramma. Dès qu'il a appris la nouvelle début août, il est entré en contact avec le détenteur des couches Pampers et de la lessive Ariel.

"Cologne et le 4711 sont des noms indissociablement liés", au même titre que le carnaval ou la cathédrale de la ville, observe M. Schramm qui exige que "la marque, la maison, et le nom, tout cela doit être préservé".

Tandis que Procter and Gamble est convaincu de "trouver un acheteur adéquat", le risque de voir s'évaporer un jour la légendaire eau de toilette flotte dans la lourdeur de l'air colonais. Quelques gouttes à tamponner sur les tempes, le front, la nuque et les articulations ou à appliquer sur le mouchoir des hommes: quel autre parfum s'applique encore de la sorte?

Sa disparition entraînerait ainsi celle de tous ces gestes qui l'accompagnent depuis ses origines en 1792. La légende rapporte qu'un moine chartreux offre au jeune Wilhem Mühlen la recette d'une "aqua mirabilis" pour son mariage. L'entrepreneur reconnaît vite la valeur de cette potion et ouvre une petite manufacture dans la Glockengasse.

A l'époque, cette eau miraculeuse aux vertus vivifiantes était vendue comme un remède contre les maux de tête, la fatigue ou les courbatures avant d'être officiellement déclarée eau de toilette en 1810.

C'est sous l'occupation française de Cologne à la fin du 18e siècle que la fragrance gagne en popularité, les soldats de la Révolution française puis de Napoléon Ier rapportant régulièrement de "l'eau de Cologne" à leurs femmes, et qu'elle s'enrichit d'un numéro qui la distinguera de toutes les autres eaux de Cologne concurrentes.

Le commandant français de la ville, le général Daurier, fit numéroter les maisons et le 4711 fut attribué par hasard à celle de la Glockengasse, où la famille Mülhen fabriquait la "Kölnisch Wasser".

Plus tard, l'ajout de l'adjectif "véritable" devait souligner le caractère unique de ce produit dont la composition est jusqu'à aujourd'hui gardée secrète. On sait seulement que ce cocktail, qui ne dévoile son bouquet qu'après une longue maturation en fût de chêne, renferme des huiles essentielles d'agrumes et un soupçon de romarin et de lavande.

Au XIXème siècle, il est prisé davantage par les hommes que les femmes: le tsar de Russie, le Prince de Galles, Johann Wolfgang von Goethe et même Richard Wagner, qui en commande trois litres et fait ainsi jaser les habitants qui le soupçonnent de le boire pur. Plus tard, à en croire les affiches publicitaires de l'époque, il s'adresse aux femmes plutôt mondaines et voyageuses.

Il semblerait qu'avec son étiquette inchangée depuis 1881, ce classique prend avec la mondialisation une senteur surranée. A croire que ce parfum, qui incarne le sent-bon des seniors, sente un peu le renfermé.

Par Anne PADIEU