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En conflit avec Chanel, World Tricot joue sa survie

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20 mai 2006

LURE (Haute-Saône), 20 mai 2006 (AFP) - Carmen Colle n'élève pas la voix, assure n'avoir aucune "rancoeur" mais elle ne peut cacher son inquiétude : sa petite entreprise de textile World Tricot est en conflit avec la prestigieuse maison Chanel, son ancien principal client, et joue sa survie.


Carmen Colle, PDG de l'entreprise World Tricot à Lure, le 18 mai 2006 - Photo : Bruno Ferrandez/AFP

"L'ambiance est très tendue ici. J'aimerais pouvoir dire à ma vingtaine d'employées que tout va continuer comme avant mais je n'en sais rien", confie Mme Colle, 58 ans, le regard embué derrière de petites lunettes ovales.

Basée à Lure (Haute-saône) et spécialisée dans la maille de luxe, la PME World Tricot a assigné Chanel en justice le 27 septembre pour "contrefaçon et parasitisme" et "rupture abusive de relations contractuelles". Elle réclame deux millions d'euros de dommages et intérêts.

Mme Colle affirme avoir reconnu un de ses échantillons de tissu dans la vitrine d'une boutique Chanel à Tokyo en mars 2005 et soutient que l'enseigne de luxe a "sans raison", et drastiquement, réduit ses commandes à partir de la fin 2004.


Campagne publicitaire Chanel printemps-été 2006

Chanel réfute ces accusations. Jointe par l'AFP, une des porte-parole estime que "l'exécution d'un échantillon par un sous-traitant ne permet pas de revendiquer la création d'un modèle" et assure que le chiffre d'affaires réalisé avec World Tricot en 2005-2006 "est en ligne" avec celui de 1999, au début de leur collaboration.

La maison de haute couture réclame 500 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à l'image.

Après plusieurs audiences, le tribunal de commerce de Paris a décidé le 12 mai de nommer un expert qui devrait rendre ses conclusions d'ici à décembre. "Ca pourrait même prendre un an", estime Me Solange Doumic, l'avocate de World Tricot.

"Ce délai, c'est très long pour nous. Ca va être dur de tenir", assure Carmen Colle qui affirme que les carnets de commande se sont désespérément vidés. "80 % de notre activité était liée à Chanel", affirme-t-elleLa collaboration avec la prestigieuse maison de luxe avait débuté en 1999. World Tricot, spécialisée dans le tricot, le remaillage et la création d'échantillons de tissus, comptait déjà parmi ses clients des grands noms de la mode tels que Christian Lacroix, Thierry Mugler, Hermès ou Givenchy.


La société de textile "World Tricot" à Lure, le 13 octobre 2005 - Photo : Bruno Ferrandez/AFP

L'arrivée de Chanel sonnait comme une ultime consécration pour cette PME qui avait vu le jour en 1990 grâce à "un chèque de 20 000 francs" (3 000 euros) de l'abbé Pierre, et dont la finalité était de faire travailler des femmes immigrées en difficulté d'insertion.

La collaboration avec Chanel est fructueuse jusqu'à ce jour de mars à Tokyo. "J'ai reconnu sur un top et un cardigan un de nos échantillons que Chanel n'avait pas retenu. C'était un choc", affirme Mme Colle. Convaincue que l'échantillon appartient à World Tricot, elle engage une action en justice.

"Depuis, notre activité est en baisse. J'ai dû licencier quatre employées, le pire moment depuis la création de la PME", affirme cette ancienne militante associative.

Chez Chanel, on affirme que World Tricot a "fait l'objet d'un redressement judiciaire en 1994" et que la société "avait déjà perdu 68 % de ses autres clients" à la clôture de l'exercice 2003-2004 "pour des raisons qui n'ont rien à voir avec Chanel".

Par Jérémy TORDJMAN

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