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12 déc. 2017
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Habillement : la "roue du commerce" va-t-elle s'arrêter ?

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12 déc. 2017

A l'occasion du séminaire Perspectives 2018, l'Institut Français de la Mode s'est penché sur l'évolution de la distribution française au cours des quarante dernières années. Entre explosion des surfaces de vente, érosion du rendement de ces espaces, nombre croissant d'enseignes étrangères et débat sur le rôle du magasin, cette analyse posait notamment la question de la pertinence des outils de mesure à l'heure du multicanal.


Evelyne Chaballier, professeur de l'Institut Français de la Mode - MG/FNW


De 57 enseignes d'habillement étrangères en 2000, le marché tricolore est passé aujourd'hui à 112, qui représentent ensemble 22,9 % du chiffre d'affaires national et 13,3 % du nombre de boutiques, avec 3 200 adresses. Une situation préoccupante ? "Oui et non, affirme Evelyne Chaballier, professeur à l'IFM, car les chaînes françaises se sont dans le même temps elles aussi internationalisées. Aujourd'hui, 50 % du parc des chaînes françaises se situe à l'étranger", développe l'experte.

Mais l'évolution la plus surprenante au cours de cette décennie est l'explosion de 117 % des surfaces de vente de l'habillement en France, tandis que la consommation de vêtements et chaussures à prix constant s'est seulement renforcé de 9 %. "On est face à une déconnexion totale entre les surfaces et la consommation", relève Evelyne Chaballier, pointant au passage que les multimarques indépendants ont perdu un quart de leurs surfaces de vente sur la période.

Se pose donc la question du rendement au mètre carré, ce dernier ayant en moyenne chuté en France de 3 689 euros en 2005 à 3 498 euros en 2016. "Mais nous avons là un indicateur qui perd de plus en plus son intérêt à l'heure d'internet et du questionnement sur le rôle d'un magasin auprès du consommateur", développe Evelyne Chaballier. Pour la spécialiste s'opposent désormais avant tout le consommateur roi et le ROI (retour sur investissement). "Si le premier profite de prix réduits, de créations plus mode et de services permanents, le ROI est pour sa part menacé par les investissement numériques, la baisse de la fréquentation, la hausse des loyers et des coûts de services XXL".

Qu'attendre alors pour les années à venir ? Trois grands phénomènes sont annoncés. Premièrement, la généralisation des magasins connectés semble se profiler, via notamment la disparition des caisses, le développement des expériences personnalisées et la systématisation des applications mobiles accompagnant le client en magasin. Vient ensuite le besoin de cristallisation des acteurs du web, des pure-players développant des showrooms aux jeunes marques vendant en direct, en passant par la montée en puissance du C to C. Dernière tendance de fond : le consommateur maker, via le financement collaboratif, les achats groupés et le relais dans les communautés de consommateurs. "Dans les influenceurs du futur, il y a les community managers, mais aussi les vendeurs/conseillers, insiste Evelyne Chaballier. C'est une métier qui est aujourd'hui mal considéré ; on ne les paie pas bien ; le turnover est important. Il y a une révolution à faire".

L'experte de l'IFM a également profité de cette analyse pour alerter sur l'évolution des outils d'analyse induite par la transformation du marché. "On parlera de moins en moins en termes de réseaux de distribution. Quand les start-up investissent dans les dinosaures, quand Amazon acquiert des magasins physiques et quand Les Galeries Lafayette rachètent La Redoute, tout se mélange".

Ainsi s'arrêtera, dans sa forme pure, la "roue de la distribution", théorie de Malcolm P. McNair qui, dans les années 50, prédisait notamment l'apparition cyclique de nouveaux modèles, entraînant des baisses de coûts et de prix, qui progressivement s'embourgeoisent avant de se faire éclipser à leur tour par d'autres modèles plus attractifs. "Ce ne sont plus désormais des formes de distribution mais des acteurs, marques et enseignes qui croîtront ou disparaîtront", pour Evelyne Chaballier.

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