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3 avr. 2017
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Isabelle Ginestet-Naudin (Bpifrance) : « Nous avons un besoin fondamental de financer ces entreprises car c’est une des forces de notre pays »

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3 avr. 2017

Bpifrance a annoncé en février dernier le lancement d’un prêt destiné aux « industries créatives ». Ce nouvel outil vient renforcer les actions de Bpifrance auprès des jeunes entreprises évoluant dans le domaine de la création, en plus du fond Mode & Finance 2, qui investit de façon minoritaire dans de jeunes griffes. Isabelle Ginestet-Naudin, en charge des fonds industries créatives de la banque publique, revient pour FashionNetwork sur ces évolutions et sur leurs objectifs.

Isabelle Ginestet-Naudin, en charge des fonds industries créatives de Bpifrance


 
FashionNetwork : Comment vont s’articuler les actions de Bpifrance entre le prêt aux industries créatives et le fonds Mode & Finance 2 ?

Isabelle Ginestet-Naudin : Les deux s'articulent bien, le prêt a été souhaité et conçu pour compléter le continuum de financement et d'accompagnement proposé par Bpifrance. L’articulation est véritablement voulue, ce nouveau prêt vient en appui de notre action en fonds propres. Notre investissement en fonds propres via Mode & Finance n’était pas toujours suffisant pour avoir un levier de financement bancaire. Nous avons travaillé à ce que la définition des « industries créatives » soit la nôtre et qu'elle recoupe avec celle nous adoptons déjà dans notre métier d'investisseur.

FNW : Les candidatures pour le prêt vont être ouvertes au mois d’avril, comment cela va se passer ?

IG-N : Nous avons mis en place le site pour recueillir les dossiers. C’est désormais dans les mains des chargés d’affaires de financement, qui vont examiner les demandes. Nous avons une enveloppe de 30 millions d’euros sur deux ans ce qui nous permettra de financer environ 200 entreprises sur la période qui pourront donc bénéficier d'un financement global de 60 millions d'euros. Le prêt étant nécessairement associé à un co-financement d'un montant au moins égal. Nous ne pouvons pas anticiper sur les candidatures ; à partir du mois de mai, nous allons voir comment ça se déroule dans le temps.

FNW : Concernant Mode & Finance 2, où en êtes-vous ?

IG-N : Il nous reste encore un peu d’argent à investir, à peu près 6 millions (sur les 18 millions de départ, ndlr). Nous avons encore de quoi faire, mais pas non plus énormément, car nous devons compter les réinvestissements dans nos participations à qui nous laissons le temps de se déployer. Donc peut être encore trois ou quatre opérations dont une qui devrait bientôt se finaliser dans les deux prochains mois. C’est une entreprise qui évolue dans le domaine de l’équipement de la personne.

FNW : Y aura-t-il ensuite un Mode & Finance 3 ?

IG-N : J’espère bien. Mais pour l’instant, ce qui est acté, qui découle de notre plan stratégique et qui vient, au même titre du prêt, pour optimiser le développement des entreprises, c’est le fonds Patrimoine & Création 3. Il est en cours de décision, mais nous espérons qu’il verra le jour au 2nd semestre de cette année. Il est destiné aux entreprises plus matures, qui réalisent plus de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires et qui sont structurellement rentables, comme Paule Ka, qui faisait partie du premier millésime. La nouveauté de ce fonds pour cette troisième génération est la création d’une poche de capital risque pour les entreprises de médias. Nous voulons parier sur de nouveaux modèles plus disruptifs, qui viennent bousculer les modèles classiques, à l’image de ce que nous avons fait avec Bonne Gueule, quand  nous avons investi via le fonds Mode & Finance 2. La marque s’éloignait de notre cœur historique, Bonne Gueule avait un parti pris et un accès au marché différent en étant communautaire et prescripteur.

FNW : Pensez-vous qu’il y aura une évolution dans vos critères de sélection ?

IG-N : Nous avions déjà mis en place une nouvelle stratégie d’investissement avec Mode & Finance 2 en nous élargissant aux entreprises proposant de l’accessoire, de la bijouterie, des cosmétiques ou du parfum. Mais je pense aujourd’hui que la nécessité impérieuse est d’avoir un binôme créateur gestionnaire solide. Il faut toujours avoir à l’œil le prisme créatif; sous réserve que le projet soit vraiment entrepreneurial. Mais pour l’instant, nous n’avons pas encore assez de recul sur nos investissements pour savoir si nous devons changer des choses. Nous sommes fiers de notre portefeuille ; nous, notre rôle est de faire émerger les marques pour les mettre dans le radar d’investisseurs qui vont pouvoir prendre notre relais. La doctrine de Bpifrance est de rester investisseur minoritaire, c’est peut-être là qu’on aura la limite de notre modèle.

FNW : Quelles autres actions avez-vous mis en place ?

IG-N : Nous avons profité d'un des axes majeurs de Bpifrance, qui est l’accompagnement, pour envoyer une délégation et nos entreprises en Corée du Sud en décembre dernier, avec Bpifrance export et Business France. Pendant cinq jours, ils sont partis se rendre compte de ce qui se passe sur le marché coréen, qui est très friand de mode et de lifestyle. Cela a permis à nos entreprises de mode et de déco de rencontrer des industriels et des distributeurs locaux, et de nouer des premiers contacts pour des relations futures. Pour certains, cela a été très bénéfique et pour d’autres, comme Bonne Gueule, cela leur a permis de se rendre compte que leur offre n’est pas adaptée à ce marché et de pouvoir hiérarchiser leurs priorités. Nous avons bien envie de pouvoir répéter ça à une fréquence annuelle.

FNW : Enfin, que pensez-vous de la décision de LVMH de créer sa propre identité pour soutenir des marques de luxe en devenir, alors que vous les aviez vous-même contacté ?

IG-N : Je pense que cela n’échappe à personne que nous sommes dans un monde qui bouge beaucoup dans la mode mais pas que, dans les parfums, la cosmétique... Pour un acteur comme LVMH, qui est au cœur de toutes ces évolutions, ils ont sans doute eu le besoin, sinon la nécessité, d’être présents au-delà de leurs marques ancestrales et bien établies. Je ne suis pas sûre que ce soit exclusivement dans la mode qu’ils vont intervenir. Je vois cela d’un très bon œil. Nous avons un besoin fondamental de financer ces entreprises au sens large car c’est véritablement une des forces de notre pays et de notre ADN.  Plus il y a d’investisseurs et de financiers pour stimuler le marché, plus on pourra débrider la créativité. Je regrette qu’ils ne nous aient pas financé à un moment donné, cela nous aurait donné de l’allure, mais on pourra éventuellement  faire des opérations ensemble, j’y suis totalement favorable. 

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