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27 juin 2017
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Kumano, la cité nipponne des pinceaux de maquillage

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27 juin 2017

Poils d'écureuil, de chèvre, de cheval ou de blaireau, le Japonais Tesshu Takemori fait la différence en un instant et déroule alors les propriétés de chacun pour la confection de brosses et pinceaux de maquillage, 100 % fait main.


« Taille, forme, souplesse, dureté, tout compte et décide de la nature du pinceau, de son usage (poudre, fond de teint...). Si la pointe d'un poil est abîmée, c'est fichu. Cette connaissance et ce savoir-faire se transmettent de père en fils », confie l'artisan de l'ouest du Japon.

Tesshu Takemori est l'héritier de l'atelier de pinceaux créé en 1952 par son père Kazuo, président de Chikuho-Do, société de Kumano, localité située à une vingtaine de kilomètres de Hiroshima. 

Environ 80 % des pinceaux japonais, pour la peinture, la calligraphie et le maquillage, proviennent de cette agglomération de 24.000 habitants, où oeuvrent quelque 1.500 artisans d'entreprises familiales, dont 20 « maîtres » officiellement reconnus comme tels, parmi lesquels Tesshu Takemori. A Kumano, on brandit le pinceau comme un emblème et on lui consacre même des cérémonies religieuses.

Chikuho-Do est aussi le créateur attitré de brosses pour des marques de cosmétiques aussi connues que Shiseido, RMK ou Kanebo et les pinceaux de Kumano sont réputés jusque dans les loges des vedettes du monde entier.

« Garder la pointe »

« Il y avait déjà un artisanat des pinceaux d'écriture dans d'autres régions du Japon comme Nara ou Harima (ouest), mais il y a 180 ans environ, les gens de la région de Kumano ont pensé qu'ils pouvaient en produire de moins chers et cela s'est développé », raconte Tesshu Takemori en faisant visiter son entreprise logée entre de belles demeures traditionnelles au pied des montagnes.

A l'époque, il s'agissait de pinceaux d'écriture façonnés au sein d'ateliers familiaux et « la qualité n'était pas exceptionnelle ».

Aujourd'hui, chez Chikuho-Do, une centaine d'employés, surtout des femmes, s'affairent pour confectionner des milliers de brosses, avec comme principaux outils, leurs mains, leurs yeux... et surtout pas de ciseaux, ni d'ordinateur.

« Le secret, c'est de garder la pointe des poils, de ne pas la couper, car c'est là que se trouve leur fonction essentielle qui les différencie de nombreux modèles étrangers », insiste l'artisan.

« La première étape consiste à répartir en couches les poils qui nous viennent de Chine, Russie, ou d'autres pays sous forme de boules. C'est le seul endroit où intervient une machine », précise Tesshu Takemori. « Le travail manuel est impossible à automatiser », assure-t-il.

Et les outils essentiels sont fabriqués spécialement, comme les « koma », sortes de moules en bois qui servent à créer la forme de chaque pinceau, enchaîne le petit-fils, Yutaro Takemori.

Actrices et mannequins 

Tout au long du processus, « les poils rebelles et espiègles sont retirés un à un avec une sorte de lame métallique qui, couplée à l'index, fait office de pince, une technique locale de tri qui diffère de celles employées ailleurs dans le monde », explique Tesshu Takenori. Il y a ainsi des « waza », petits secrets de fabrication qui font la différence.

« L'important pour nous est de répondre aux besoins des artistes maquilleurs, nous ne sommes pas des vendeurs de produits de catalogue, mais des artisans du sur-mesure », souligne l'octogénaire Tesshu.

« Les maquilleurs d'actrices internationales et de mannequins, notamment ceux des défilés de Paris, apprécient énormément les pinceaux et brosses de Kumano », selon Yoko Miyake, qui accompagne les artisans de la région dans leur développement à l'étranger.

La cité les exporte aux Etats-Unis, qu'en Europe et en Asie, précise l'Association des fabricants de Kumano.

« Bien sûr, on sait qu'il y a des mouvements de protestation contre l'usage de poils naturels, mais nous ne tuons pas les animaux spécifiquement pour faire des brosses », insiste le jeune Yutaro. Pour lui, l'emploi de poils synthétiques n'est pas forcément une solution plus en harmonie avec la nature, compte tenu de l'utilisation requise de produits chimiques.

« La création de la pointe en nylon est désormais possible, mais on n'arrive pas encore à reproduire les cuticules des poils naturels », renchérit son grand-père Tesshu.

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