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Paul Kaplan
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14 janv. 2018
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Le nouvel âge industriel de Prada

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Paul Kaplan
Publié le
14 janv. 2018

Cette saison, Prada a changé l'emplacement de son défilé, mais aussi son concept et son atmosphère. À vrai dire, tant mieux.


Prada - Automne 2018 - PixelFormula


Le défilé avait lieu dans l'entrepôt de Prada - le lieu où la fondation artistique de la maison italienne stocke ses oeuvres. Le décor était donc raccord avec cet emplacement : des boîtes géantes en aggloméré, entre lesquelles les mannequins arpentaient un podium en métal perforé.

« Nous voulions faire honneur à la facette industrielle de la culture Prada », expliquait Miuccia Prada après avoir présenté une collection si rigoureuse qu'elle semblait avoir été coupée et cousue par des machines. Son idée principale était d'utiliser l'un des éléments signatures de Prada, son nylon ultra technique unique, pour construire de nouvelles proportions, en l'associant avec des accessoires inattendus.

Par conséquent, les tailleurs étaient accompagnés de jupes courtes et de grandes tuniques matelassées; les manteaux étaient coupés tantôt en denim mat, tantôt en laine à carreaux - qui se transformait mystérieusement en cuir aux poignets et à l'ourlet.

La maison a demandé à « quatre esprits créatifs reconnus » - pour être exact, six individus puisque deux d'entre eux sont des duos : Ronan et Erwan Bouroullec, Konstantin Grcic, Herzoz & de Meuron et Rem Koolhaas - de créer des objets uniques à partir de nylon noir, évidemment. Prada va d'ailleurs probablement remporter le prix de l'invitation la plus compliquée : une élégante boîte contenant une flopée d'informations : croquis, photos, courts essais et portraits de ces collaborateurs invités.

Mais les vêtements ont-ils eux-mêmes profité de ce projet ? La mode et les objets ont été révélés en même temps dans l'entrepôt, un nouvel espace acheté par le PDG, Patrizio Bertelli, il y a deux ans, dans le sud de Milan, à quelques pas de la Fondazione Prada.
 
« C'est là que nous conservons nos oeuvres, dans ces boîtes », plaisantait ce dernier en désignant les immenses boîtes en aggloméré. La plupart avaient été ornées de nouveaux logos, dont une typo du nom Prada aux relents Sixties, estampillée sur de nombreux sacs et écussons du défilé. Miuccia Prada a aussi présenté de superbes pardessus, coupés dans des imprimés merveilleux de sirènes, de poissons et de rouges à lèvres.
 
« Nous avons déliré sur ce que pourraient contenir ces boîtes et nous l'avons disséminé sur les vêtements », a précisé la Signora Prada, qui a même fait broder de petits écussons à l'effigie des mannequins.
 
Les frères Bouroullec ont conçu un peu surprenant carton à dessins; Konstantin Grcic a proposé un sac de pêche « abstrait », en partie pour rendre hommage au fameux gilet de pêche de Joseph Beuys. Celui qui écrit ces lignes disposant d'une petite expérience dans le domaine de la pêche à la mouche, il peut assurer son lecteur que ce drôle d'objet manquerait totalement d'efficacité au bord des majestueux lacs à truites du Donegal. 

Le duo d'architectes suisses Herzog & de Meuron a imaginé une chose étrange, appelée « Language Restraint » (frein linguistique), un encombrant harnais en toile de nylon. « Le langage a perdu son pouvoir révélateur. Il a perdu sa puissance de séduction », précisaient les deux architectes sur une note explicative. Ceux qui se souviennent des prouesses oratoires de Barack Obama et la comparent aux absurdités qui émanent actuellement de la Maison-Blanche devraient acquiescer.

En un mot : un changement de vitesse bienvenu chez Prada, même si son retour au très classique nylon noir semblait légèrement décalé par rapport à l'ambiance maximaliste qui règne en ce moment sur le monde de la mode.

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