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Les filles de 15-20 ans, une "génération formatée maigreur"

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18 sept. 2006

PARIS, 18 sept 2006 (AFP) - Les filles de 15 à 20 ans dans les sociétés occidentales ne disposent que d'une image formatée de l'idéal féminin, celle des mannequins filiformes des magazines qu'elles veulent imiter au mépris de leur intégrité physique et psychique, déplorent les spécialistes.


Un mannequin défile à Sao Paulo avec un costume de plage été 2005 - Photo : Evaristo Sa/AFP

"C'est une génération formatée maigreur", lance l'endocrinologue Annie Lacuisse-Chabot, interrogée par l'AFP. "La population jeune d'aujourd'hui n'a vu que des maigres à la une des magazines, sur les affiches à l'arrêt des bus, dans le métro", ajoute-t-elle, se félicitant de l'interdiction de défilé formulée à Madrid à l'encontre de mannequins trop maigres.

Pour participer au grand rendez-vous de la mode madrilène, la Pasarela Cibeles, qui débute lundi, les mannequins ont dû se soumettre au verdict de la balance : en dessous d'un certain rapport taille-poids (56 kilos pour 1m75, soit un "indice de masse corporelle" de 18), elles ont été exclues.

Cette initiative va dans le sens d'une pratique observée par le magazine Elle, qui a cessé voici deux ans de publier en Une des photos de mannequins maigres, appliquant lui aussi l'échelle définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Les maigres sains existent : dans nos sociétés, 5 % de la population sont des "maigres physiologiques", des grands déguingandés qui ont hérité ces traits de leurs ancêtres et mangent normalement.

Mais "les autres sont en sous-alimentation", souligne le Dr Lacuisse-Chabot. Ce qui entraîne des carences alimentaires, notamment protéiques, donc des fatigues, des troubles des règles, des troubles de la fertilité.

Mais ces carences créent aussi des problèmes psychiques : moindre résistance au stress, dépressions, troubles du comportement alimentaire pouvant aller jusqu'à l'anorexie, puis au suicide...

Sous-alimentée, la personne subsiste aux dépens de ses propres tissus, consommant les réserves graisseuses, puis la masse musculaire, jusqu'aux viscères.

Depuis une vingtaine d'années, des jeunes filles et jeunes femmes à la silhouette parfaitement normale - soit un indice de masse corporelle compris entre 18,5 et 25 - se sont mises à consulter les médecins nutritionnistes pour maigrir.

Mais ce phénomène, anecdotique dans les années 1980, est devenu "un phénomène de société" et touche des filles de plus en plus jeunes, constataient en 2003 des spécialistes réunis à Paris pour un colloque intitulé "Corps de femmes sous influence". Cernées par des corps de plus en plus exposés, de plus en plus maigres, les femmes se voient systématiquement plus grosses qu'elles ne sont, montrait une étude publiée à cette occasion.

Au début des années 1980, les numéros d'hiver des magazines féminins faisaient leur une avec des filles déjà très minces, mais enveloppées dans des manteaux et des bonnets, selon cette étude menée à l'Institut de sciences politiques à Paris. Depuis 1985, les mannequins sont dénudés, quelle que soit la saison.

Dans ces mêmes magazines, les incitations au régime se sont multipliées (de 17 par an en France de 1980 à 1982, à plus de 60 par an entre 1999 et 2001).

Les étudiantes, elles, se voyaient "minces" quand elles étaient maigres ou "normales" quand elles étaient minces, 49 % se trouvant "trop grosses" alors que 97 % étaient médicalement normales.

"Dans nos sociétés occidentales, nous sommes passés d'une angoisse latente, profonde, millénaire, du manque de nourriture, de peur de la famine, qui valorisait le corps enveloppé d'une graisse rassurante, à un modèle idéal de la presque maigreur alors que jamais nous n'avons eu autant et aussi sûrement à manger", relève l'anthropologue Annie Hubert, directrice de recherche au CNRS.

Face aux pathologies graves liées à l'obésité, "le discours médical recommande une régulation de la consommation alimentaire", ajoute-t-elle dans un article publié sur le site du Groupe de réflexion sur l'obésité, le surpoids et la minceur (www.gros.org).

Par Isabel PARENTHOEN

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