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23 mars 2018
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Ryan Gellert (Patagonia) : "Notre activité repose sur une planète en bonne santé"

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Paul Kaplan
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23 mars 2018

La marque de vêtements d'extérieur haut de gamme Patagonia est connue pour son approche quasi holistique et durable, avec un accent particulier porté sur l'intérêt général. Cette entreprise qui reverse chaque année une partie de son chiffre d'affaires à des organisations non-gouvernementales a une position bien affirmée sur les mesures prises récemment par l'administration américaine.

Ryan Gellert, directeur général de Patagonia pour la région Europe, Moyen-Orient, Afrique, nous a expliqué comment la vision de la marque s'introduit peu à peu en Europe, l'un de ses marchés les plus importants à l'extérieur des États-Unis, et quels sont ses plans pour le futur.


Ryan Gellert, directeur général de Patagonia pour la région Europe, Moyen-Orient, Afrique - Patagonia


FashionNetwork.com : ​Aujourd'hui, quelle est la part du marché européen parmi vos ventes mondiales ? Quelle importance lui accorderez-vous dans le futur et pour quelles raisons ?

Ryan Gellert :
Nos activités en Europe représentent à peu près 10 % de notre chiffre d'affaires global (d'environ 600 millions de dollars - 487 millions d'euros - par an, ndlr). Cela dit, nous enregistrons sur ce marché une croissance robuste à deux chiffres. Nos produits sont distribués par 1 200 points de vente, huit magasins en propre et 12 magasins partenaires en Europe.

En tant qu'entreprise mondialisée, nous considérons l'Europe comme une région très importante pour Patagonia, en raison de son histoire autour des sports de plein air et de sa pensée progressiste sur le développement durable. L'un de nos objectifs est d'y ouvrir deux magasins par an, dès cette année. S'il s'agit d'un rythme relativement modeste, nous pensons que chaque boutique devrait proposer quelque chose d'unique à la clientèle qui habite son environnement. L'emplacement idéal se trouve à la croisée des lieux de pratique des sports d'extérieur et des zones urbaines, où nous pouvons soutenir des ONG et des particuliers qui travaillent à mettre en oeuvre des solutions face aux crises environnementales. 

FNW : Des projets spécifiques pour le marché européen en 2018 ?

RG : Nous souhaitons continuer à utiliser notre activité comme un moyen de régler les problèmes qui comptent le plus aux yeux de notre communauté de clients. Par exemple, nous avons soutenu un groupe d'activistes et d'ONG qui cherchent à protéger les dernières rivières sauvages d'Europe, situées dans les Balkans. Environ 3 000 projets hydroélectriques sont en cours de développement dans la région. Il s'agit des dernières rivières sauvages de toute l'Europe : voilà un sujet important pour quiconque se soucie de la protection des écosystèmes les plus fragiles et du maintien de zones sauvages sur le continent.

D'un point de vue commercial, j'aimerais ouvrir au moins un nouveau magasin en Allemagne cette année, en plus de notre magasin de Munich qui existe depuis 25 ans. Nous cherchons également à poursuivre notre collaboration avec nos partenaires wholesale, pour organiser des événements et donner de l'ampleur à nos campagnes.

FNW : Comment le marché des vêtements d'extérieur a-t-il évolué ces dernières années et pour quelles raisons ? Comment avez-vous réagi à ces évolutions ?

RG : L'une des choses qui ont changé, c'est que les consommateurs sont de plus en plus impliqués dans le contrôle de leurs décisions d'achat et exigent de plus en plus de garanties de la part des marques au sujet du développement durable et des conditions de travail. Les réseaux sociaux et la communication numérique sont des facteurs importants de cette transformation. Nous le voyons comme une étape positive, mais nous espérons qu'il s'agit plutôt d'une nouvelle norme, plutôt que d'une simple tendance.
 
En tant que marque, la construction du meilleur produit possible a toujours été au coeur de notre travail et l'aspect fonctionnel de nos produits n'a jamais été aussi important pour nos clients. Nous sommes passés au 100 % coton organique pour tous nos produits dès 1995 et nos clients connaissent notre expertise en la matière. Aujourd'hui, nous sommes engagés dans une réflexion de plus en plus variée et approfondie sur la fabrication des produits (où ? dans quelles conditions ?) et sur la provenance des matières premières.

Notre campagne « Fair Trade » (commerce équitable, ndlr) de la saison dernière est un bon exemple. Nous proposons plus de modèles et de produits fabriqués dans des usines bénéficiant du label « Fair Trade Certified » que n'importe quelle autre marque de vêtements ou d'articles de maison. On parle ici de 480 modèles réalisés dans 14 usines selon les règles du commerce équitable. Et les clients ont réagi de manière extrêmement positive, en partageant notre campagne avec leur entourage, en assistant à des événements en Europe et en nous assurant que soutenir les individus derrière les produits était un critère important pour eux.

FNW : En ce qui concerne le concept Worn Wear : est-il quantifiable ?

RG : Avec Worn Wear, il s'agit de changer notre relation aux objets, aux choses que nous possédons. Si nous pouvons donner l'envie aux gens de devenir les propriétaires raisonnables des objets dont ils ont besoin plutôt que des consommateurs de produits jetables, nous aurons un impact positif - qu'il soit quantifiable ou pas. Cela dit, ces deux dernières années, ici en Europe, nous avons fait près de 200 haltes au cours de notre tournée Worn Wear à travers une douzaine de pays, en réparant à la fois des produits Patagonia et d'autres marques, tout en expliquant à nos clients comment effectuer eux-mêmes les réparations les plus simples.

Au mois de janvier, nous avons lancé la nouvelle roulotte Worn Wear, une roulotte en bois sur mesure, et le Worn Wear Snow Tour, qui fera voyager nos retoucheurs dans plus de 28 stations de sports d'hiver à travers toute l'Europe, pour réparer gratuitement l'équipement des skieurs et snowboardeurs : et pour la première fois, nous proposerons des réparations sur les produits de la gamme textile Gore-tex.

FNW : Sortez votre boule de cristal : comment le secteur des vêtements d'extérieur va-t-il évoluer du point de vue du style, des pratiques de production et de la vente au détail ? Quels sont les défis que vous devrez affronter ?

RG : Les fluctuations du marché frappent Patagonia de la même façon que toutes les autres marques de vêtements. Nous observons un déplacement régulier et continu vers la communication numérique et l'e-commerce. Les consommateurs prennent de moins en moins d'avance dans l'achat de leurs produits par rapport au moment où ils comptent le porter et exigent de plus en plus de transparence de la part des marques.

Je pense que le plus important, c'est le fait que nous utilisons actuellement 1,5 fois les ressources que notre planète est capable de renouveler. Nul besoin d'un doctorat pour comprendre que la situation est intenable. Pour réaliser un développement vraiment durable, nous allons devoir ajuster notre comportement de consommation, nos affaires personnelles et nos secteurs industriels, pour mener à la réduction à la fois inévitable et salutaire de la consommation mondiale. Vu notre passion pour la nature, j'aimerais que le secteur de l'outdoor soit le pionnier de cette transition, sans compter le fait que notre activité repose sur une planète en bonne santé.

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