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27 janv. 2017
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Sébastien Fabre : "Vestiaire Collective est un super laboratoire"

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27 janv. 2017

Vestiaire Collective vient d’opérer un tour de table qui lui a permis de récolter 58 millions d’euros. Une levée de fonds considérable pour son PDG, Sébastien Fabre, qui nous confie sa vision du marché de l’occasion pour les produits de luxe et ses différents objectifs.


Sébastien Fabre - Vestiaire Collective


FashionNetwork : Quelle est votre stratégie en Europe ?

Sébastien Fabre : D’abord, il faut bien comprendre que Vestiaire Collective est une place de marché. Les pays ne sont pas des silos avec un marché et une offre. Les produits mis en vente par les vendeuses alimentent le catalogue global de Vestiaire Collective quel que soit le pays dans lequel elles se trouvent. Par exemple, nous sommes en Italie depuis dix-huit mois et le pays représente déjà 17 % de l’alimentation globale du catalogue. A nos débuts en France, il y a eu un effet de halo, les produits ont très vite été achetés au-delà des frontières, depuis la Belgique, l’Angleterre ou encore la Suisse. Vestiaire Collective est un super laboratoire, nous sommes capables d’anticiper les pays où il y aura beaucoup d’acheteurs et de vendeurs, et c’est ça qui nous intéresse. Avoir un catalogue avec beaucoup de pièces venant de pays différents disponibles, c’est la clé du succès de Vestiaire Collective.

FNW : Pouvez-vous nous donner quelques données chiffrées sur Vestiaire Collective ?

SF : Notre objectif est de ne pas être dépendant d’un seul pays pour faire de la croissance. Vestiaire Collective enregistre une croissance de 60 % tous les ans et de 100 % du nombre de produits dans le catalogue. Il y a 4 000 nouveaux produits qui arrivent par jour. Nous avons très largement dépassé les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, je peux vous dire que nous nous trouvons entre 100 et 200 millions. Aujourd’hui, la France ne représente plus que 35 % des ventes, le reste dépasse les frontières. Au global, nous avons plus de six millions de personnes inscrites sur le site et 170 000 nouveaux par mois.

FNW : Vous comptez ouvrir un nouveau centre logistique en France, pourquoi ?

SF : Nous avons un modèle unique de vide-dressing, qui marie Internet et le réel. Nous voulons respecter les codes du luxe et en garantissant l’authenticité et la qualité des produits. Nous les faisons vérifier par une équipe d’experts dans nos centres (déjà un en France et un aux Etats-Unis, ndlr). Nous essayons de recréer la chaîne logistique, mais comme nous grandissons assez vite, il faut repenser le système tous les deux ans. Nous allons donc en ouvrir un nouveau en France, sur une surface entre 10 000 et 20 000 mètres carrés, pour lequel nous allons recruter plus d’une centaine de personnes sur l’année, spécialisées dans les métiers de l’expertise. Nous aurions toutes les raisons de partir ailleurs, mais ces métiers sont propres à la France. Nous sommes nés en France et on en parle toujours comme la capitale de la mode pour le secteur du luxe, les inspirations et la création.

FNW : Et pour les Etats-Unis, quels sont vos objectifs ?

SF : Ce n’est pas parce que nous sommes le numéro un en Europe qu’il n’y a plus rien à faire. Il y a beaucoup de nouveaux marchés sur lesquels il y a des choses à faire. Aux Etats-Unis, nous avons beaucoup de concurrents comme Poshmark, The RealReal et Tradesy, mais ils se basent uniquement sur leur marché. Nous avons recruté Samina Virk, l’ancienne dirigeante de la section mode d’eBay, pour diriger nos bureaux et développer notre croissance sur ce marché. Les marques européennes sont très demandées dans ce pays, alors, avec notre catalogue proposant majoritairement ces marques, nous avons connu une forte croissance dès le début. Plus que ce que nous aurions pu penser. En dix-huit mois aux Etats-Unis, nous avons eu une plus forte croissance qu’en trois ans en Europe. Pour l’instant, nous sommes encore un nain, l’idée est de structurer notre offre et la demande là-bas pour cette année 2017.

FNW : Le dernier objectif avec cette levée de fonds est la conquête de la région Asie-Pacifique, pourquoi ce marché en priorité ?

SF : Pour l’Australie, nous pensons à racheter un de nos concurrents afin de pouvoir faire du business plus intelligemment sur place. Concernant l’Asie, nous avons un œil qui est double. D’abord en tentant des initiatives locales comme à Hong Kong ou Singapour, mais aussi organiques, en s’intéressant au Japon ou à la Corée. Nous pensons nous y implanter cette année, nous sommes en phase de finalisation d’analyse. La levée de fonds sert à ça, pouvoir analyser les pays dans lesquels nous ne sommes pas. Le Japon, c’est un cas un peu particulier. Il y a 50 % d’acheteuses et 50 % de vendeuses. Les consommatrices achètent en boutique, elles portent le produit pendant quelque temps et le revendent. Il y a énormément de dépôts-ventes et un business de catalogues de vente d’occasion de produits de luxe. Il y a une forte circulation des produits, c’est ce qui nous plaît. Nous ne voulons pas faire de business parallèle, mais être dans la continuité du marché du luxe en apportant la même qualité qu’en boutique. Nous construisons l’accélération du cycle plutôt que de voir les produits dormir dans les placards.

FNW : Y a-t-il d’autres marchés que vous visez ?

SF : Il faut déjà garder son focus sur quelque chose. Il y a pleins de nouveaux marchés qui pourraient être intéressants, comme l’Amérique du Sud. Mais nous allons nous concentrer sur la diversification du catalogue avec les bijoux par exemple et fidéliser nos vendeuses. Une seule vendeuse diversifie considérablement  le catalogue, elle dépose en moyenne treize articles par an. Alors nous souhaitons lui proposer une expérience de vente parfaite. Les comportements sont exactement les mêmes dans le monde, alors nous pouvons anticiper sur les autres marchés.

 FNW : Vous annoncez vouloir être le leader mondial sur le marché de l’occasion en 2018, comment allez-vous vous y prendre ?

SF : Grâce à la qualité de notre catalogue ! Plus ça va, plus nous arrivons à avoir les bons produits et à les vendre vite. Nous sommes capables d’aller chercher dans le dressing d’une Italienne, d’une Américaine ou d’une Européenne le bon produit. Nous allons vite car nous sommes internationaux. Mais je ne suis pas là pour être disruptif, j’apprends beaucoup du secteur de la mode et du luxe. Il y a un phénomène qui dépend beaucoup de ce secteur sur Vestiaire Collective. A chaque fois qu’un nouveau directeur artistique arrive dans une maison, il y a une demande considérable pour les articles de cette marque.

Par exemple, les fameuses baskets d’Isabel Marant, quand elles étaient en rupture de stock en boutique, nous les avions sur le site. Elles ont été achetées par des Françaises à des Françaises, puis quatre mois après par une Anglaise, puis une Américaine. Le même produit circule quatre ou cinq fois sur le site. Notre accélération est aussi possible grâce à nos investisseurs, ils nous permettent d’avoir du cash et donc du choix, c’est important.

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