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28 avr. 2004
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Tunisie : quel avenir pour le secteur de l’habillement ?

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28 avr. 2004

Le secteur textile-habillement compte 2267 entreprises, dont 1769 totalement exportatrices ; il est dominé par les branches confection et bonneterie qui représentent 83 % des entreprises du secteur. Un secteur stratégique orienté vers l’export Les principales spécificités du secteur sont un emploi intensif (250 000 salariés) et une forte propension à l’export (90 % de la production est exportée). En effet, au cours des vingt dernières années, il y a eu une profonde mutation qui a permis aux exportations de passer de 5 millions de DT en 1971 à 4134 MD en 2002. Le «talon d’Achille» du secteur demeure la faible intégration économique : la filature et le tissage sont le maillon faible, à l’exception de la toile Denim. En effet, nous sommes contraints d’importer les tissus, confectionner sur place puis réexporter les vêtements finis : une activité de sous-traitance et de vente de coûts-minute. La gamme des articles exportés est très variée : - pantalons-jeans : 47 millions de pièces (15,2 % de la valeur totale) - vêtements de travail : 35 millions de pièces (13 % de la valeur) - pantalons-ville : 33,2 millions de pièces (12 % de la valeur) - lingerie féminine : 65,5 millions de pièces (9,5 % de la valeur) - tee-shirt et assimilés 45 millions de pièces (6,3 % de la valeur) Notre principal client est l’Union Européenne. Tout un édifice économique a été mis en place depuis la promulgation de la Loi de 72, qui accorde des incitations aux industriels étrangers, lesquels bénéficient d’avantages compétitifs en termes de coût. Jusqu’ici notre pays a bénéficié d’un privilège d’accès au marché européen. En effet, le commerce mondial des articles textile-habillement était régi par des accords par pays sous forme de quotas, pour l’accès au marché de l’Union Européenne jusqu’au 1er janvier 1995. A partir de cette date, il a été remplacé par un accord transitoire sur les textiles et les vêtements (ATV). Impact du démantèlement sur la Tunisie Afin de favoriser l’adaptation progressive du tissu industriel et d’éviter les brusques répercussions sociales dans les différents pays exportateurs, un accord transitoire a été mis en place depuis le 1er janvier 1995, en vue d’un démantèlement progressif et de l’intégration du secteur textile-habillement dans les accords de l’OMC au 1er janvier 2005, quatre étapes ont été décidées et mises en œuvre. Le démantèlement a porté sur quatre listes : - la liste I porte sur la friperie entre 1995 et 1997 - la liste II porte sur les vêtements de travail et les maillots de bain de 1998 à 2004 - la liste III porte sur les vêtements autres que la bonneterie et le linge de maison de 2002 à 2004 - la liste IV porte sur les tissus et vêtements en bonneterie et toutes sortes de pantalons à partir du 1er janvier 2005. Les deux premières listes ont eu peu d’impact sur les exportations tunisiennes car les produits en l’objet sont peu exportés par l’Asie du S.E. Certes les vêtements de travail, qui constituent un créneau porteur pour notre pays, ont connu une baisse de 9 % à l’export en l’an 2000 mais ont connu une reprise de 15 % en 2001 et 2002. Ce qui signifie une bonne résistance de la Tunisie. La liste III porte sur le quart des exportations tunisiennes de produits d’habillement. En effet, 85 % des articles sont constitués par les vêtements en chaîne et trame. Or le démantèlement des quotas en 2002 a coïncidé avec une bonne croissance des exportations tunisiennes des articles en l’objet, soit 11,7 %. La liste IV, qui sera l’objet d’une libéralisation début 2005, constitue 50 % des exportations du secteur : la bonneterie, ainsi que le reste des vêtements en chaîne et trame (sportwear, jeans, toutes sortes de pantalons, soutiens-gorge…). C’est à partir de 2005 que les zones de turbulences se feront sentir avec des retombées du démantèlement sur notre pays, qui doit s’attendre à des pertes de parts de marché, chez les pays de l’Union Européenne notamment, pour les produits bas de gamme pour lesquels la main-d’œuvre constitue une composante essentielle du prix de revient. Selon certaines études, la part de la Chine et de l’Inde dans le commerce mondial du textile-habillement passera de 40 % en 1995 à 60 % en 2005. Ce même commerce va connaître, grâce à la libéralisation, une croissance de 10 % à 15 %, soit une augmentation de 10 milliards de dollars US en moyenne. De nouveaux pôles de production en Europe centrale et en Turquie vont se développer. Un état des lieux nuancé La situation actuelle du secteur textile est très nuancée : alors que plusieurs petits confectionneurs ferment leurs ateliers et licencient leurs salariés, des entreprises d’une certaine importance investissent, procèdent à des extensions et recrutent. Alors qu’en 2001 les exportations d’articles textiles ont enregistré une croissance de 23 %, tout à fait remarquable, en 2002 et 2003 il y a eu une certaine stagnation. Cependant, si l’on rentre dans le détail, on constate que les 100 entreprises les plus importantes, qui constituent 55 % du secteur, ont progressé de 13 % à l’export… Ce sont en fait les sous-traitants — ateliers artisanaux modestes de 20 à 50 salariés qui constituent 30 % à 40 % des entreprises du secteur — qui connaissent des difficultés devant le ralentissement de la consommation des ménages dans les pays de l’Union Européenne. C’est que les entreprises qui disposent de véritables structures ont su s’adapter à la conjoncture alors que les ateliers artisanaux n’ont pas pu ou su le faire faute de structures de commercialisation performantes et de moyens financiers et matériels suffisants. En effet, il a fallu se convertir du cycle long (grandes séries) au cycle court (petites séries) pour détourner la concurrence asiatique : notre proximité vis-à-vis de l’Europe et la rapidité de la réactivité de nos entreprises ont permis de nous maintenir dans les créneaux sensibles de la mode, du réassort et de la qualité des articles de moyenne gamme. Les professionnels du secteur invoquent également la saisonnalité de l’activité et les fluctuations de la mode, ce qui implique un Code du travail flexible alors que le notre est assez rigide. Il y a lieu de remarquer que 1.100 entreprises ont adhéré au programme de mise à niveau, certaines en sont à leur deuxième ou troisième plan. Sur les 1.100 adhésions, près de 700 portent sur les dossiers approuvés, dont 560 confectionneurs alors que les dossiers en cours sont de 400, dont 280 confectionneurs. Les investissements approuvés —entre matériels et immatériels— sont de l’ordre de 480 millions de DT. La Task-force de l’API s’occupe des petites et moyennes entreprises en particulier. Les solutions adoptées sont-elles suffisantes ? Il y a d’abord le renforcement de la compétitivité des entreprises et de la qualité des produits par l’intensification de l’adhésion au programme de mise à niveau. Puis la mutation des entreprises de confection du statut de sous-traitant à celui de la co-traitance qui propose un produit fini… Les industriels doivent se structurer par la mise en place de nouveaux services : stylisme-modélisme, plate-forme de groupage, conditionnement, expédition. L’intégration en amont par le développement de la filature et du tissage n’a pas encore été entamée alors qu’elle est vitale pour la compétitivité du produit. L’actualisation de l’étude stratégique Gherzi permettra de voir plus clair dans les mesures urgentes à prendre pour sauvegarder notre tissu entrepreneurial et social et nos parts de marché à l’export. Ridha Lahmar Réalités online

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