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Vivarte : retour sur quatre années de luttes intestines

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28 oct. 2016

Pour la deuxième fois en un an, les actionnaires de Vivarte se débarrassent d'un PDG aux stratégies de relance jugées trop timorées. Après avoir en avril remercié Richard Simonin, qui refusait de mener plus loin le découpage du groupe, le conseil de direction a, le 27 octobre, démis Stéphane Maquaire de ses fonctions dans des conditions similaires, lui préférant Patrick Puy, spécialiste des restructurations. Dernier rebondissement d’une histoire récente chaotique pour le groupe.

La Halle au coeur des discussions? - AFP


Car la valse des dirigeants remonte à plus loin. Après le départ du PDG Georges Plassat pour Carrefour, le poste revenait début 2012 à l’ex-secrétaire général, Antoine Metzger. Dès le mois de juillet suivant, à la faveur de la constitution d’un directoire, les rênes lui étaient reprises pour être confiées à l’ancien PDG de Lancel, Marc Lelandais. Un an plus tard, le groupe se trouve incapable de respecter certaines conditions entourant 3,43 milliards d’euros d'emprunts.
 
« La fosse commune »

Alors que les changements de direction concernaient une bonne part des différentes enseignes, le groupe était largement touché par la crise de la consommation. Pas question cependant d’aller chercher un relais de croissance dans la multiplication des ouvertures et le discount. « La course au discount, c’est "la fosse commune" », confiait-il dans nos colonnes, estimant que « la guerre des prix a eu un effet dévastateur sur les marges en transformant le client en chasseur de primes ».
 
A la rentrée 2014, l’horizon s’obscurcit encore. Auparavant détenu par les fonds d'investissement Charterhouse, Chequers et Sagard, Vivarte mène des négociations entourant sa dette, faisant de Oaktree, Alcentra, GoldenTree et Babson ses actionnaires de référence. Bien qu’il ait obtenu l’accord pour une restructuration de la dette, Marc Lelandais est mis sur la sellette, les actionnaires lui reprochant une infructueuse stratégie de montée de gamme de La Halle. Finalement, le PDG sera évincé au profit de Richard Simonin, ex-dirigeant d’Etam, Harrods et Escada.
 
Mais Marc Lelandais continuera néanmoins d’être sous le feu des critiques. « Pour moi, on a changé trop de paramètres en même temps sans tenir compte des fondamentaux caractéristiques de La Halle », nous confiera Richard Simonin. Tandis que Georges Plassat critiquera la volonté de centraliser la direction de toutes les enseignes. « Si on a dix marques dans la mode, il vaut mieux organiser la concurrence entre elles, les laisser renouveler leur style chacune de leur côté ». A cela s’ajoute l’annonce par Le Parisien/Aujourd’hui en France que Marc Lelandais a quitté la société en difficulté avec un chèque de 3 millions d’euros. Il s’agissait de 2 millions d’euros prévus dans son contrat, contestera l’ancien dirigeant.
 
« Le danger de mort est écarté »

Pendant ce temps, Vivarte annonce la fermeture de 178 Halle aux Vêtements sur 600 adresses, et la suppression de 1 520 emplois. Auxquelles s’ajoutent 32 fermetures sur 160 chez André, avec 105 licenciements. A cela s’additionnent des suppressions de postes au siège de Kookaï. Richard Simonin se félicite d’un Naf Naf de retour grâce à une nouvelle compétitivité prix, d’un retour à l’ADN de Chevignon portant ses fruits, d’un potentiel sensible pour San Marina. Fin 2015, les syndicats révèlent que des fermetures supplémentaires touchent La Halle aux Chaussures (16), Kookaï (17) et André (7). Accessoire Diffusion est, peu de temps plus tard, revendu à Carel, tandis que CVC et Défi Mode sont mis en vente.
 
« Le danger de mort est écarté », estime en février sur Europe 1 Richard Simonin, au sortir de 1 700 suppressions d’emplois. « Cela va beaucoup mieux à La Halle, qui enregistre une croissance à deux chiffres. Les efforts n'ont pas été vains. Et chez André, on voit progressivement le bout du tunnel ». Mais du côté des actionnaires, le torchon brûle entre Oaktree et GoldenTree, ce dernier jugeant la restructuration trop rapide et décidant au final de réduire sa participation. Bien que Vivarte s’en défende, difficile de ne pas faire le lien avec ce qui va suivre.
 
« Il est évident que le découpage du groupe est loin d’être le meilleur scénario de création de valeur pour les actionnaires », nous confiait alors Richard Simonin. Pour qui le groupe, s’il allait plus loin dans la cession de ses actifs, n’aurait plus d’existence réelle. Un point de désaccord avec les trois principaux actionnaires, qui préfèrent donc au printemps dernier confier le poste de PDG à Stéphane Maquaire.
 
« Management de discontinuité »

Hélas, l’ex-président de Monoprix et PDG du Bon Marché connaîtra vite les mêmes affres que son prédécesseur. Car, nommé pour restructurer, celui-ci se montrera lui aussi trop pondéré dans sa tâche au goût des actionnaires. Et pourtant : en septembre, Stéphane Maquaire annonce un plan sur cinq ans, débutant sur la vente d’une centaine de Halle aux Chaussures, le reste du réseau de 680 magasins étant destiné à être fusionné avec le réseau de La Halle aux Vêtements.

Quelque 500 millions d’euros devaient être injectés dans un programme occasionnant plusieurs centaines d’emplois perdus. Mais outre la stratégie pour les points de vente en périphérie, le groupe entend, côté centre-ville, moderniser et repositionner les prix de Caroll, Naf-Naf, Minelli, San Marina et André.

Une stratégie pour les centres-villes qui serait l’épicentre de la mésentente entre les actionnaires et le nouveau président. Surtout depuis que ce dernier avait fait placer le groupe sous mandat ad hoc, forçant la main aux investisseurs, qui, semble-t-il, très tôt se positionnaient contre les projets du dernier arrivant. Le 27 octobre, Stéphane Maquaire est remercié.
 
C’est ainsi qu’entre en jeu le dernier PDG en date, Patrick Puy, et sa réputation d’être moins timoré que ses prédécesseurs dans sa pratique de restructuration. Spécialiste du « management de discontinuité », comparant volontiers son rôle à celui d'un « médecin urgentiste », le nouveau PDG rencontrera les syndicats dès le 2 novembre.

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