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24 janv. 2023
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A Paris, Gunther, Doublet et Nahmias ou la résistance streetwear

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24 janv. 2023

Malgré un retour radical et remarqué du tailoring sur les podiums, le streetwear trouve toujours sa place à la Fashion Week Homme de Paris et attire acheteurs, stars et médias internationaux connaissant parfaitement cette culture. Le week-end écoulé en a encore fait la démonstration avec Gunther, Doublet et Nahmias, chacun exprimant des visions très différentes dans des approches créatives subversives ou apportant une juste dose de pièces à potentiel commercial.

Gunther assume sa maturité



La marque de Naomi Gunther fait un nouveau pas en avant. Fondée en 2019, la marque parisienne de streetwear chic a démontré sa maturité à la Fashion Week de Paris avec une collection rappelant les années 90, des vêtements urbains plus matures et évolués. Son défilé a rassemblé ses nombreux invités samedi matin à l'étage supérieur du Garage Amelot, dans le quartier du Marais.


Gunther / Olga Gasnier



Partageant le même espace que le salon Tranoi, le défilé masculin a combiné sa vision unique du streetwear classique avec des touches de tailoring contemporain. Une vision hybride qui, pour l'instant, a permis à Gunther de séduire notamment des rappeurs français comme Hatik, SCH, Soolking ou encore le footballeur Djibril Cissé, qui avait fait office de modèle et mis la touche finale à la collection automne-hiver 2022 de la marque.

Samedi, un look pieds nus dans un costume noir agrémenté de petites plaques métalliques rondes ornées du logo de la marque a ouvert le spectacle pour cette collection AH 2023. Ensuite, un long manteau de laine surdimensionné d'inspiration classique a été associé à un short dans le même tissu épais ou à un costume deux-pièces.

Des chemises déstructurées en coton, dans leurs variantes blanches ou rayées, auxquelles le nom de la marque a été ajouté dans différents formats ; des cravates larges avec des détails en cristal comme un clin d'œil preppy ou une offre complète de maille qui comprenait de longs pulls effilochés, de larges écharpes ou des t-shirts et pantalons rayés. La touche finale a encore été apportée par une star : le rappeur, ambassadeur de la marque, Franglish, qui a clôturé le spectacle dans un long manteau à larges revers, coordonné à sa cravate et à ses lunettes de soleil décontractées.


Gunther / Olga Gasnier


"C'est une collection centrée sur les années 90. Je voulais rendre un petit hommage à l'année de ma naissance, 1995, en revenant à toutes ces images de mon enfance qui m'ont inspirée: depuis les tissus jusqu'aux débuts d'internet, en passant par les vêtements de sport de l'époque et le style bad boy rebelle", explique à FashionNetwork.com la créatrice formée à la Parsons School of Design de New York, la ville où elle a vécu pendant trois ans et où est née sa relation fructueuse avec le streetwear.

Et elle ajoute à propos de la présence importante de logos affirmant le nom même de la marque : "Il m'a semblé logique de suivre cette voie, étant donné que c'était une décennie définie par la logomanie. Je voulais le faire de manière subtile, dans de petits détails comme les pièces de monnaie sur le costume, ou dans des graffitis très visibles, soulignant le côté "bling bling" de l'époque. En fin de compte, c'est une façon de nous réaffirmer et de présenter Gunther comme une marque établie". Les prochaines étapes de la marque parisienne impliqueront la poursuite de sa production locale, des collaborations avec des artisans et des artistes, et un "engagement total" envers sa communauté créative "toujours plus forte".


Doublet réveille avec sa Freak Parade



Les statues de Vauquelin et Parmentier, deux illustres apothicaires français, n'avaient sans doute jamais vécu cela. En ce dimanche matin glacial, les bronzes qui trônent au sein de la cour d’entrée de la faculté de Pharmacie de Paris portaient des ballons gonflables marqués « I Am a Balloon », reste d’une soirée festive… Certainement la plus extravagante vécue dans les murs de l’institution. 


Doublet - Fall-Winter2023 - 2024 - Menswear - France - Paris - © ImaxTree


Un collectif queer, en costumes d’animaux en latex ou tenues de pom-pom girls a d’abord terminé sa nuit en dansant devant les arcades et une audience groggy qui se camouflait sous les plaids polaires. Les participants de cette fête Doublet n’avaient eux que faire des conditions climatiques, sortant à un rythme survolté de la grande porte de la faculté. 

Masayuki Ino, le créateur de la marque nippone a depuis une dizaine d’années une fascination pour les communautés alternatives et les galeries de portraits extravagants allant du punk au morbide. Pour ce défilé automne-hiver 2023-24, c'est une parade de freaks qu'il a imaginée, ou une approche radicale de l’inclusivité dans la très calme rive gauche parisienne. Le leader traverse la cour en costume géant de lapin rose et blanc qui a subi les affres d’une nuit, la tête géante du léporidé portée en bandoulière. 


Doublet - Fall-Winter2023 - 2024 - Menswear - France - Paris - © ImaxTree



Derrière lui, certains ont ôté le haut, laissant apparaître une chemise, un jeune premier fatigué porte l’uniforme de son école privée sur un pantalon à poils longs. Un blouson de cuir noir oversize se porte sur un hoodie fuchsia et un pantalon droit et large noir avec un sac en forme de tête de panda. Dans cette galerie de personnages, des jeunes femmes élancées portent une jupe verte queue de sirène par-dessus des survêtements en éponge gris ou un blazer méga-oversize sur une jupe en jeans et avec un modèle de Furoshiki, marque de chaussure s'inspirant de chaussons japonais traditionnels, développée par Vibram. 


Doublet - Fall-Winter2023 - 2024 - Menswear - France - Paris - © ImaxTree



Entre les looks chocs (comme un effrayant garçon portant un pull retourné sur la tête) le label japonais distille ses propositions comme un bombers aux broderies ton sur ton, une doudoune boule en vert intense portée sur un short et des sneakers à damier ou, pour la femme un pull col roulé blanc dont les manches se terminent en plis créant une superposition de volants, sur un denim destroy extralarge. 

Bourgeois, pour certains avec leurs vestes et chemises, ou ouvriers, avec des gilets jaunes et des tenues de chantiers, les participants de cette fête avaient tous les profils. Comme si elle gommait les frontières sociales via les excès. Au final, une parade survoltée, comme un shot d’adrénaline déstabilisant dès le dimanche matin.

La poésie californienne et le hip-hop de Nahmias



Le dernier jour de la semaine de la mode masculine a encore réservé quelques surprises intéressantes. C'était le cas du défilé, dans un Palais de Tokyo très animé, de la marque américaine Nahmias qui, bien que présentant pour la troisième fois dans la capitale, l'a cette fois-ci fait avec des ambitions évidentes de croissance internationale grâce à ses vêtements urbains et décontractés. Une offre destinée à séduire les rappeurs et les sportifs. Des célébrités telles que Justin et Hailey Bieber et Lewis Hamilton font déjà partie de ses adeptes.


Nahmias - Fall-Winter2023 - 2024 - Menswear - France - Paris - © ImaxTree



À cette occasion, le rappeur américain Kodak Black signait une collection capsule avec le label américain et est même monté sur le podium pour assurer la BO lors du finale, tandis que le pilote de Formule 1 Ferrari Charles Leclerc de Monaco capturait le moment depuis le premier rang avec son appareil photo. Bien sûr, tous deux arboraient les vêtements portant le logo de la marque Doni Nahmias.

Si le costume de lapin rose était l'une des vedettes du défilé Doublet, Nahmias a fait le plein de références au petit mammifère : des cagoules aux longues oreilles tombantes, aux imprimés sur les chapeaux ou encore aux pantoufles en peluche associées à un pantalon cargo ample. Un probable hommage au Nouvel An chinois, célébré à Paris par des événements autour de la place de la République et dédié cette année au lapin, qui sert également de clin d'œil commercial aux potentiels acheteurs asiatiques amateurs de streetwear.

"Dans chaque collection, il y a un élément d'hommage à la Californie, et cette saison, je me suis inspirée de la culture et du code hip-hop propres aux années 90. L'époque où le style hip-hop était si présent dans la culture des jeunes", a expliqué à FashionNetwork.com la tête pensante de la marque fondée en Californie en 2018, Doni Nahmias. Il a ajouté, à propos des références de sa dernière production : "J'ai puisé dans mes archives et dans ma garde-robe personnelles ce que je portais à l'époque et j'ai essayé de le transposer à l'époque moderne en employant des silhouettes de base du style des années 90 mêlées à la fabrication actuelle."


Nahmias - Fall-Winter2023 - 2024 - Menswear - France - Paris - © ImaxTree


Inspiré par des pièces vintage, le créateur américain a imaginé des silhouettes confortables et décontractées, ainsi qu'une approche fluide du streetwear. Des manteaux à capuche et en fausse fourrure, des bobs, des imprimés graffitis, des pantalons et des chemises amples, dont certaines en soie, décorés d'images de coquelicots en hommage à l'ADN de la marque et à sa Californie natale. Dans ses looks informels, le denim a été réinterprété sous forme de patchwork, tandis que le tailoring, incontournable cette saison, a fait son apparition avec des manteaux à carreaux ou des vestes de costume.

Basé à Los Angeles, Nahmias dispose désormais d'un réseau international de 75 points de vente en Europe, en Amérique du Nord, au Moyen-Orient, en Chine et au Japon. Ses vêtements sont vendus par des détaillants réputés tels que Maxfield, The Webster, Saks Fifth Avenue, Browns et Harrods.
 

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