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Clémentine Martin
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21 févr. 2022
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A la Fashion Week de New York, le retour des héros

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Clémentine Martin
Publié le
21 févr. 2022

Alors que le rideau tombe sur la Fashion Week new-yorkaise, on retiendra de cette édition les présentations de trois créateurs (Prabal Gurung, Bach Mai et Claudia Li) qui se replongent dans leurs souvenirs d’enfance et dans les racines de leur terre d’origine.

Prabal Gurung



Des bretelles croisées, sensuelles et stratégiquement placées, relient le torse, la taille et les hanches. Mais le motif des vêtements créés par Prabal Gurung pour l’automne 2022 a une origine inattendue. En coulisses après le défilé, le créateur a révélé aux journalistes ce qui lui a inspiré ces modèles ajourés.


Collection automne-hiver 2022 de Prabal Gurung - Dan Lecca


"Je ne suis pas rentré chez moi, au Népal, depuis maintenant trois ou quatre ans à cause de la pandémie. Je regardais de vieux albums photos de ma grand-mère et mon arrière grand-mère, et elles portaient ces chemisiers choli très sexy avec un sari", relate-t-il. "J’ai décidé d’enlever du tissu. Les clientes que nous habillons aujourd’hui viennent avec leurs filles, et la collection s’adressent aux deux générations."

Ses ancêtres continuent d’inspirer le créateur. "J’écris une chanson d’amour de New York au Népal. Les femmes de là-bas et celles d’ici ont toujours été à mes côtés. Je dis toujours que mes femmes sont résolument glamour et obstinément féminines. Cette collection est un hommage coloré et optimiste."

"Coloré" est un terme bien trop modéré pour décrire l’univers de Prabal Gurung. Plus les coloris sont criants, acides, électriques et mieux c’est. Comme ceux de ces robes brillantes couleur chartreuse ou turquoise, ou de ces plumes rouge vif de marabout ornant une robe multicolore à motif, ou de ces fourrures rayées upcyclées. Le matériau source n’étant pas inépuisable, elles ne seront proposées qu’en édition limitée.

Le créateur place rapidement qu’il ne s’agit que d’une première étape de son engagement envers l’environnement. Les imprimés rhododendron rappellent sa terre d’origine et apparaissent sur des coupes plus innocentes, visiblement adressées aux mamans plus qu’à leurs filles.

Mais attention: ces looks ne sont pas là pour faire tapisserie. Ce sont des pièces destinées aux New-Yorkaises qui expriment leur style personnel sans crainte. "Les femmes de New York sont résilientes. Je ne veux pas utiliser le terme ‘dures’, cela ne leur rendrait pas justice. C’est de la résilience: le refus de s’excuser pour son attitude et sa façon d’être, l’assurance de pouvoir dire ‘C’est ce que je veux porter’."

Bach Mai



Quel est le point commun entre Cy Twombly, Maison Margiela, le glamour texan, la gravure bijin-ga et les tissus Hurel? Ce sont quelques-unes des nombreuses inspirations invoquées par Bach Mai pour créer sa collection de prêt-à-porter américain, digne d’une présentation de haute couture.

Le créateur s’est adressé à la presse depuis la salle The Stage, au Times Center. Vêtu d’un manteau d’atelier de haute couture traditionnel, il a proposé une plongée personnelle dans son travail le plus studieux, intitulé "A Flower Walk" (une marche florale, ndlr).

L’exposition Blooming de Cy Twombly en 2007, avec ses fleurs expressionnistes de grande dimension, est restée gravée dans la mémoire de Bach Mai, tout comme un haïku qui a conduit le créateur vers l’art japonais du bijin-ga.


Collection automne-hiver 2022 de Bach Mai - Bach Mai


"J’ai découvert ce pouvoir désarmant de la féminité dans le lien entre l’utilisation de la couleur de Cy Tomwbly, vibrante, raffinée et unique, et les dessins d’art bijin-ga japonais", se remémore-t-il.

Ce qui se manifeste sous la forme d’une explosion de dégradés pastel rappelant le coucher du soleil et de bandes de mousseline superposées aux couleurs d’œuf de Pâques. D’autres vêtements, quant à eux, passent par un camaïeu de rouges. La couleur s’appose sur différents tissus comme la mousseline, le velours et le cuir. Ce dernier prend la forme de bandes déchirées à la main, cousues ensemble pour un effet rayé, superposées sur des jupes longues élancées portées avec des corsets aux baleines visibles et des robes bustier sans manches.

"Ma collection est l’objectif d’une vie entière. Je suis tombé amoureux de la haute couture très jeune à cause de John Galliano", explique le créateur originaire de Houston, au Texas.

Âgé de 33 ans, il s’est formé sur les bancs de l'école Parsons à New York et Paris, a fait ses armes chez Oscar de la Renta et Prabal Gurung avant de décrocher le poste de ses rêves: premier assistant de John Galliano chez Maison Margiela. D’où le glamour texan.

"Mon objectif a toujours été d’aller à Paris apprendre la haute couture, l’artisanat, puis de rentrer et de rester un designer américain, parce que nous avons des clients pour la haute couture ici", poursuit-il. Il a commencé à créer des robes pour les femmes et leurs filles à l’adolescence, au Texas.

"Les femmes texanes ont une vraie compréhension du glamour qui explique l’audace de ces vêtements", affirme Bach Mai. Il ajoute: "Les vêtements glamour ont mauvaise réputation, mais tout le monde en veut maintenant que les mariages reprennent. Certaines femmes, au contraire, veulent une robe et cherchent toutes les occasions de la porter, et elles finissent toujours par la trouver."

Bach Mai a une conscience aiguë de son potentiel en tant que jeune talent. Les tissus de haute couture sont généralement hors de portée des marques émergentes comme celle de Bach Mai. Il a cependant la chance de pouvoir compter sur un partenariat avec l’un des piliers du secteur: Hurel, la maison de textile française fondée en 1879. Un chemin suivi par les plus grands.

"Saint Laurent et Dior ont tous les deux commencé avec des partenaires textiles: Abraham et Boussac, respectivement. Le New Look de Dior et son utilisation du tissu après la guerre était une extravagance, mais il a pu le faire grâce à son partenariat avec une société textile. C’est une belle histoire entre les maisons de tissus et les designers", relate Bach Mai.

Une formation en France et des tissus français. Ce n’est pas tout: la haute couture a aussi besoin des artisans de l’Hexagone. Trouver ce type de compétences ici n’est pas facile, admet-il.

"Nous avons un artisanat ici. Mais il n’a pas été mis en valeur ou exploité. J’adore apporter ces pièces aux couturières parce que je vois l’expression sur leur visage, elles sont enchantées de travailler sur ce genre de choses. Ce n’est pas pareil", soutient-il. Son travail, en tout cas, est à coup sûr différent.

Claudia Li



La pandémie semble peut-être reculer, mais Claudia Li veut voir jusqu’à quand ses codes décontractés peuvent persister.

"Je suis rentrée en Nouvelle-Zélande pendant deux ans et pendant tout le confinement, je n’ai porté que des pyjamas et des survêtements. Maintenant, c’est le moment de penser à l’étape suivante: comment les porter en extérieur", analyse-t-elle.


Collection de Claudia Li pour l’automne-hiver 2022 - Roxanne Robinson


La collection est romantique et personnelle, et s’ouvre sur des pièces oversize matelassées roses à fleurs, suffisamment grandes pour couvrir un lit tout entier dans certains cas. C’est celui d’un immense poncho, provenant de ses souvenirs d’enfance.

"Il me vient en tête des histoires que ma grand-mère me racontait petite avant d’aller au lit. Je ne m’en rappelle pas beaucoup, mais c’étaient des contes de fées chinois anciens."

Les proportions exagérées reviennent aussi à la fin du défilé, avec un organza transparent rouge et blanc. La couleur écarlate évoque les vêtements chinois de cérémonie. Beaucoup de looks présentent des fronces aux hanches qui dessinent une silhouette assez XVIIIe siècle, étonnamment moderne.

Voilà pour l’audace et la fantaisie. Plus sobre, Claudia Li signe des pièces noires et vertes dédiées aux occasions plus élégantes avec une orientation plus sculpturale. Plusieurs looks sont surmontés de gilets en macramé prolongés de franges balayant le sol. Des porte-bouteilles d’eau se chargent du côté pratique. Claudia Li utilise toujours des techniques d’artisanat dans ses collections, lui donnant une dimension exotique et intrigante. Pourtant, l’origine est bien plus proche.

"Nous faisons nous-mêmes le macramé et les broderies en perles. J’ai une excellente équipe de salariés et de stagiaires; nous apprenons tous à le faire ensemble", explique-t-elle.

Une activité relaxante à pratiquer en portant l’une des robes confortables de Claudia Li.

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