Charles Jeffrey Loverboy : un manifeste en faveur de la nature et de l'Écosse

Auteur :

Sandra Halliday

Traduit par
Paul Kaplan

Publié le
6 janv. 2020

Comme il se doit pour un premier jour de Fashion Week masculine à Londres, le label du créateur Charles Jeffrey a mis en scène un défilé particulièrement théâtral, qui célébrait l'écologie, la couleur et, bien sûr, l'Écosse.

Le décor : un tronc d'arbre recouvert de vieux CD, surmonté d'une boule disco, comme un sapin de Noël permettant à Charles Jeffrey d'exprimer sa pensée actuelle sur ce qui arrive à la planète, à la société et au monde de la mode.

Dans le programme annonçant le défilé, le créateur dénonçait les responsables de la catastrophe climatique en cours, tout en proposant un manifeste de "pratique consciente", qui décrit les mesures mises en œuvre par la marque en faveur de l'environnement et des personnes qui travaillent pour elle.

Concrètement, l'histoire du défilé — qui transpirait dans chacune des tenues qui ont arpenté le podium — était celle des emballages recyclables, de l'approvisionnement local, de l'abandon des produits chimiques et du recours à des textiles plus durables. Charles Jeffrey n'a jamais hésité à prendre position sur ces questions qui lui tiennent à cœur ; on n'est donc pas surpris de son engagement écologique et éthique. Mais que dire des vêtements eux-mêmes ?

Le défilé, mixte, était à la hauteur de nos attentes. La plupart des pièces semblaient difficiles à porter dans la rue, à l'image du volume extravagant des énormes jupes à panier. 

Mais, influencé par son Écosse natale (en particulier l'archipel des Orcades et le mouvement Arts and Crafts, né à Glasgow), Charles Jeffrey a tout de même proposé une série de produits beaucoup plus réalistes d'un point de vue commercial, qui devrait trouver un écho auprès des acheteurs des grandes enseignes comme Matchesfashion ou Browns.

Parmi ces produits qui devraient se vendre comme des petits pains : l'imprimé "champignons vénéneux", très amusant, qu'on retrouve sur les pièces en denim pour hommes ou sur un tailleur-jupe asymétrique féminin. Ou encore cet ensemble gilet de sport et pantalon de jogging, ou ces pulls vifs qui mêlent couleurs lumineuses et motifs abstraits. Sans oublier le logo Loverboy, un élément central de ses collections, omniprésent sur le podium cette saison.

Des ensembles décontractés très colorés, coupés dans un imprimé "nature païenne" qui souligne la beauté de notre planète — ses minéraux, ses cieux étoilés, ses forêts enchantées — et appuie le message écologique de Charles Jeffrey, tout en proposant une évolution moderne des imprimés "picturaux" pour lesquels il est connu. 

Pour les femmes, le créateur a dessiné des robes très désirables, un peu bohèmes, coupées dans des imprimés fleuris influencés par le style artisanal de l'artiste Margaret MacDonald Mackintosh. Manches amples et fluides, cordons garnis de fleurs stylisées... on avait un peu la sensation d'errer dans un paysage sauvage en Écosse. 

Vers la fin du défilé, le motif "nature païenne" a refait surface sur des robes et des jupes plissées — dont la tendance semble loin de s'épuiser. Quant à l'amour de Charles Jeffrey pour le tailleur, il se traduisait par des pantalons en tartan ou en imprimé fleuri.

Charles Jeffrey Loverboy est aussi connu pour le soin apporté aux détails et aux accessoires. Le cœur, prenant tantôt la forme d'une découpe, d'un appliqué à franges ou d'une petite pochette, était le leitmotiv de la collection — tandis que les fermetures à boucles en cuir apparaissaient régulièrement sur des tailleurs et des pièces plus décontractées. Sans oublier des colliers de chevaux en laiton, des fermoirs géants évoquant des épingles à nourrice ou encore des bérets aux tons pastel qui rehaussaient les silhouettes.