Publié le
20 avr. 2012
Temps de lecture
5 minutes
Télécharger
Télécharger l'article
Imprimer
Taille du texte

Chinois à Paris: des individuels au budget no limit

Publié le
20 avr. 2012

Affréter un hélicoptère de Paris au Château de Versailles ou réquisitionner le chef étoilé Pierre Gagnaire le temps d’un repas. Pour la griffe Zilli, rien n’est trop beau pour faire plaisir à un golden boy de l’immobilier chinois. "Nous lui avons préparé ces surprises car nous connaissions ses envies, précise Alexandre Mossmann, le directeur des relations clientèles. Il s’agit d’un client exceptionnel, qui est marié à une grande actrice chinoise et qui est leader d’opinion en Chine". Et peut, dans ses grands jours, réaliser jusqu’à un million d’euros d’achats. Dans le grand bond économique que vit la Chine, ces fortunes colossales se construisent en moins d’une décennie. Et ces Chinois jouissent de la démesure qui sied aux nouveaux riches. Des millionnaires (plus d’un million en Chine) et milliardaires, pour beaucoup à peine quadragénaires, qui découvrent le luxe, le monde et, logiquement, Paris.


La clientèle chinoise recherche avant tout les grands noms du luxe, déjà visibles en Chine. La boutique Vuitton sur les Champs-Elysées. Photos AFP Thomas Coex


Cette clientèle, bien que croissante et qui fait halte au Shangri La ou au Mandarin Oriental, représente moins de 5% du million de visiteurs chinois attendu cette année dans l’Hexagone. "Mais, pour elle, c’est souvent 'no limit' au niveau budget, précise Nathalie Omori, spécialiste de cette clientèle pour des maisons du luxe. Surtout que Paris fait partie des lieux les moins chers du monde pour le luxe. Par exemple, chez Roger Vivier, les femmes choisissent des talons en peau d’anguille et achètent 20 paires. Les hommes fondent sur les montres de luxe. A tel point que place Vendôme, Patek Philippe, dont le premier prix est à 18 000 euros, a décidé de limiter la vente d’une montre par passeport chinois. Ils avaient 10 clients par jour qui achetaient une dizaine de modèles. La maison, qui produit 40 000 pièces par an, a choisi de maîtriser ses ventes". Et plusieurs maisons se retrouvent dans cette situation de raréfaction de leurs produits phares. Malgré cette relative contrainte, les acteurs du commerce s’arment pour séduire cette clientèle que l’on retrouve place Vendôme, sur les Champs-Elysées, avenue Montaigne ou sur Haussmann.

Service VIP

Le Printemps, qui a amorcé un tournant luxe dès 2008, cible ainsi ces clients qui veulent être considérés différemment de leurs compatriotes voyageant en groupe. "Nous avons multiplié par quatre le nombre de nos hôtesses qui sont capables de les orienter, insiste Laurent Schenten, directeur de la division clientèle internationale du grand magasin. Mais aussi constitué des équipes supports qui facilitent la détaxe, organisent la livraison des achats directement à l’hôtel du client ou peuvent aussi le conseiller sur son séjour et, par exemple, réserver un hôtel pour une découverte des châteaux de la Loire".


Les riches chinois, friands de montres de luxes sont des habitués de la place Vendôme. Photo AFP


Car attention: le recrutement d’une force de vente maîtrisant le chinois ne suffit pas. "Ce sont souvent des businessmen avec des secrétaires ultra performantes qui leur préparent des séjours sur mesure, note Nathalie Omori. Pour être visibles, plusieurs marques de la place Vendôme ont par exemple réalisé une parution pour un reportage spécial dans un grand magazine du luxe chinois". La majorité du travail de sensibilisation doit donc être réalisé en amont. "En Chine, nous ne faisons pas de marketing de masse, abonde Laurent Schenten du Printemps. Par contre, nous sommes très sélectifs concernant les sociétés de conciergerie privée, les clubs, les voyagistes haut de gamme qui nous recommandent, précise le Printemps. Nous adoptons ensuite une relation individualisée avec une équipe qui gère l’envoi d’informations et de services en chinois pour communiquer différemment auprès de cette clientèle".

Mais, si le boulevard Haussmann est identifié comme lieu incontournable pour les griffes de luxe et la détaxe, à titre individuel, le critère majeur d’attractivité pour les marques reste une forte visibilité sur le marché chinois.
Ainsi, la grande majorité des griffes sollicitées sont déjà installées en Chine. Mais certaines, comme Zilli, ont su tirer leur épingle du jeu, avant même leur première ouverture en Chine prévue dans les prochains mois. "Pour nous, tout a commencé par la vente d’une veste en crocodile. Le bouche-à-oreille qui a énormément fonctionné car c’est une clientèle qui recherche l’exclusivité, estime Alexandre Mossmann. Ils veulent avoir des pièces de luxe différentes de celles de leur cercle d’amis. Alors qu’en 2010 la clientèle chinoise comptait pour 11% de notre clientèle, en 2011 elle représentait 23%".

La recherche de l'exception

La marque a aussi su tisser les bonnes relations avec les "clés d’or" (elle propose des silhouettes dans les boutiques des palaces), les différents acteurs du tourisme haut de gamme et l’association des guides chinois. Tout en développant ses services.
"Nous privilégions l’expérience et un service de palace, explique Alexandre Mossmann qui ne mise pas seulement sur les visites de Versailles en hélicoptère. Nous avons une voiture avec chauffeur qui va chercher les clients à leur hôtel et les dépose. Pour des clients VIP, nous pouvons privatiser la boutique parisienne située dans un hôtel particulier avec des conseillères maîtrisant la langue et les us du luxe chinois. Au niveau de notre offre, en boutique nous avons aussi des pièces exposées correspondant plus à la morphologie de cette clientèle. Nous faisons aussi découvrir l’envers du décor avec nos ateliers lyonnais. Et nous sommes partenaires de la villa Médicis pour organiser des événements".

Cet engouement pour Zilli et ses pièces très pointues, dont le prix peut dépasser les 100 000 euros, révèle également une autre tendance naissante. Alors que la clientèle chinoise a encore la réputation de s’attacher au logo, il semble que sa culture produit se forge quasiment aussi rapidement que sa richesse s’accumule. Si bien que l’accessoire n’est plus le seul axe exploré. "Ils apprennent très vite, confirme Laurent Schenten. Notamment les visiteurs de Hong Kong, qui depuis longtemps connaissent l’environnement culturel occidental, et ont un panier moyen de 1600 euros. Ils possèdent une maturité dans la demande de marques. Nous avons des personal shoppers pour les conseiller et les informer sur la qualité, la production et l’histoire des marques. Cela concerne les accessoires mais aussi le prêt-à-porter sur lequel nous menons une réflexion concernant les coupes et les marques qui parlent à la clientèle asiatique".

Un point encourageant et un axe de travail à déflorer pour les griffes de prêt-à-porter haut de gamme. D’autant que le nombre de visiteurs chinois devrait franchir le cap des 4 millions à l’horizon 2020.

Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 FashionNetwork.com

Tags :
Luxe
Divers
People