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Comment la romance entre LVMH et Tiffany a tourné court

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9 sept. 2020

Avec la crise du coronavirus, et sur fond de guerre commerciale entre Paris et Washington, les obstacles se sont accumulés entre LVMH et Tiffany, compromettant le mariage du siècle dans le luxe.


Jean-Jacques Guiny a défendu les positionsde LVMH dans une conférence mercredi après-midi - LVMH



Quand les deux groupes ont annoncé leur rapprochement en novembre dernier, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes avec des marchés lancés à l'assaut des sommets qui autorisaient toutes les audaces financières pour les deux groupes.

"Avec 16,2 milliards de dollars, il s'agissait incontestablement de la plus grosse acquisition de l'histoire du luxe", estime auprès de l'AFP Arnaud Cadart, gérant de portefeuilles chez Flornoy & Associés.

Mais l'arrivée de la crise et ses conséquences massives ont, sans surprise, conduit à une nouvelle analyse de la situation.

Le montant sur lequel les parties s'étaient mises d'accord a pu alors paraître très élevé. 16,2 milliards de dollarsquand tout va bien, c'est déjà beaucoup, mais quand l'activité baisse et les cours de Bourse aussi, c'est une autre histoire.

"Le business de Tiffany n'était pas censé être heurté à ce point-là, les conditions de prix qui prévalaient dans un monde de pré-Covid", n'étaient plus les mêmes, poursuit Arnaud Cadart.

Pour les acteurs de marché, "LVMH qui était le seul acheteur naturel" pour le joaillier américain a sans doute eu le "sentiment qu'il était en droit de négocier une baisse de prix", avec un cours de Tiffany qui s'éloignait de plus en plus des 135 dollars par action prévus au départ. Hier à la clôture à Wall Street, le titre a terminé à près de 122 dollars.

Lors d'une conférence de presse ce mercredi après-midi, le directeur financier de LVMH, Jean-Jacques Guiony a toutefois assuré : "Nous n'avons jamais essayé de renégocier les termes de cette transaction".

Si les deux groupes ont très peu communiqué sur leurs négociations, comme souvent dans ce genre de dossier, la prudence était néanmoins devenue palpable. "Le marché attendait des preuves d'amour" qui ne sont pas venues, relate Arnaud Cadart.

Dans les communiqués publiés mercredi, les deux camps s'accusent mutuellement d'avoir fait traîner. Alors qu'ils avaient annoncé fin août repousser de trois mois - à fin novembre - la date butoir pour boucler l'opération, le conseil d'administration de LVMH fait état mardi d'une nouvelle demande "de Tiffany de repousser le délai limite de réalisation de l'accord du 24 novembre 2020 au 31 décembre 2020".

De son côté, Tiffany, qui poursuit en justice aux États-Unis le groupe de Bernard Arnault, affirme que LVMH n'avait pas, à la date du 24 août 2020, lancé certaines demandes auprès d'autorités compétentes pour leur feu vert concernant l'opération, notamment l'Union européenne ou Taïwan.

La guerre commerciale



LVMH explique notamment sa décision par une lettre du ministre français de l'Europe et des Affaires Etrangères Jean-Yves Le Drian, "qui, en réaction à la menace de taxes sur les produits français formulée par les États-Unis, demande au groupe LVMH de différer l'acquisition de Tiffany au-delà du 6 janvier 2021".

En cause: les mesures de rétorsion visant des produits français représentant 1,3 milliard de dollars, annoncées en juillet par Washington pour punir Paris d'avoir instauré une taxe sur les géants technologiques américains. Mais dont l'application est gelée pour l'instant.

Pour certains experts, si l'éventualité d'un impact de la guerre commerciale n'est pas à exclure, cela offrirait aussi à LVMH une parade pour ne pas froisser ses partenaires aux Etats-Unis où le groupe est très actif.

Mais pour certains analystes cela ne pourrait pas être la seul raison de ce renoncement de la part du groupe français. Cet abandon "peut aussi laisser la place à d'autres opportunités et notamment l'acquisition des 34% encore détenus par (le géant britannique des spiritueux) Diageo dans Moët Hennessy", dont LVMH détient déjà 66%, note Arnaud Cadart.

Alors que Diageo a entamé une procédure d'arbitrage contre la décision de LVMH de couper les dividendes au titre de 2019 en raison de la crise, cette acquisition qui "représente environ 15 milliards, permettrait à Bernard Arnault de boucler la boucle de 30 ans de consolidation de sa position au sein du géant".

Avec AFP

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