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13 févr. 2023
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Courir veut créer une filière du recyclage des sneakers en France

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13 févr. 2023

Pour la Saint-Valentin, Courir va proposer à ses clients de ramener leurs ex... sneakers en magasin. L'enseigne tricolore, acteur référent du marché de la basket loisir en France (et qui se développe à l'export), initie depuis fin janvier un programme de collecte des anciennes chaussures de ses clients. Et plus qu'un simple projet de récupération des produits en fin de vie, la société aux plus de 300 magasins en Europe, veut amorcer un projet autour de la recyclabilité des sneakers.


Courir a installé des boîtes de récupération de sneakers dans plusieurs magasins - DR



Un challenge de très grande envergure. Aujourd'hui, la quasi-intégralité du marché est constituée de sneakers dont la tige et la semelle sont collées et se composent de plusieurs dizaines de composants pour l'aspect technique ou le design. Des produits qui sont actuellement assez peu revendus en seconde main et très difficilement recyclables. Un problème alors que, selon les estimations de Fédération française de la chaussure, les ventes de chaussures de sport pour usage urbain ont augmenté en France d'environ 11% et que celles-ci représentent 70% des chaussures de sports sur le marché. 

Avec une part de marché de 16% l'an passé, Courir, qui a passé la barre des 600 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2022, avance, en tant qu'enseigne, sur la visibilité des chaussures produites de manière plus responsable avec son programme de notation Green Spirit qui a vocation, depuis le printemps 2022, à signifier au consommateur l'engagement écoresponsable ou social d'une marque ou d'un produit. 

Mais avec la mise en place d'un programme de recyclage, l'enseigne dirigée par Pierre Chambaudrie met à contribution ses propres équipes. "Depuis la mi-janvier, nous avons lancé l'initiative. Quatre magasins (Annecy, Lyon Part-Dieu, La Défense et Rivoli à Paris), bénéficient d'urnes de dépôt, et nous montons en puissance sur ce programme. Dans une vingtaine de boutiques, nos vendeurs peuvent récupérer les paires rapportées par nos clients, même s'ils ne les ont pas achetées chez nous, explique Julie Karsenti, directrice marketing et e-commerce de Courir. Nous allons cadencer ce déploiement et procéder par étapes. Ce qui est spécifique dans ce programme, c'est que nous sensibilisons et formons nos équipes en magasin afin qu'elles procèdent au tri des produits sur place. Cela permet de qualifier les produits dès la récupération. Le projet concerne d'ailleurs les produits déposés mais aussi les invendus."

Pour l'heure, la marque invite ses clients à ramener leurs produits usagés sans contrepartie, hormis celle d'entrer avec l'enseigne dans l'action responsable.

Mais quid de ces paires de sneakers déjà portées ou invendues? Certaines peuvent certes s'orienter vers des réseaux de vente en seconde main... mais la majorité n'est plus utilisable tel quel. C'est là que le projet de Courir apparaît original.

"Globalement, sur le textile, on voit des opérations se monter. Mais sur la chaussure, c'est plus difficile. Il existe des initiatives ponctuelles sur le retraitement ou la récolte. Mais il n'y a pas de débouché commercial. Pour l'instant, cela peut être valorisé en combustible pour les hauts fourneaux, explique Christophe Lépine de l'agence Low Impact, qui pilote l’ingénierie du projet. L'intérêt du projet de Courir, c'est la puissance du réseau et la maîtrise des codes du marketing. Le partenaire industriel du projet, Plymouth, qui est un spécialiste de la dévulcanisation, a son usine à côté de Lyon et apporte l'expertise pour développer une filière de recyclage en boucle ouverte... et pourquoi pas prochainement en boucle fermée."

Un matériau créé à base de sneakers usagées



L'initiative représente un pari fort pour un spécialiste de la distribution qui n'est généralement pas confronté aux process industriels. Tout l'enjeu pour les équipes Courir sera donc de collecter les produits et d'apporter cette ressource pour alimenter une chaîne de production dans un projet basé en France. "Pour l'heure, nous sommes dans la version pilote du concept, avance Christophe Lépine. Mais les partis ont réalisé des investissements, que ce soit Courir et Plymouth. L'objectif est d'atteindre des volumes suffisants pour alimenter une chaîne de production avec des débouchés commerciaux dans différents secteurs. C'est un sujet sur lequel nous travaillons depuis plusieurs mois. L'avantage c'est qu'il s'appuie sur une industrie et des usines déjà en place en France. Quand on sait toutes les embûches qui se dressent pour la réindustrialisation, c'est un véritable atout. Il nous faut prouver le potentiel dans l'année qui vient."


Boutique Courir de la rue de Rivoli à Paris. - DR


Le matériau issu de ce procédé impliquant l'industrie chimique pourrait ainsi être utilisé dans la production de tapis élastiques, dans la corseterie et même potentiellement pour la production de nouvelles semelles de sneakers. Courir deviendrait alors fournisseur des équipementiers sportifs.

"Nous n'en sommes pas du tout là, tempère Julie Karsenti. L'ambition est d'ailleurs de ne pas être seul dans ce projet mais de l'ouvrir à d'autres acteurs du secteur. Nous croyons que ce sujet peut concerner beaucoup de monde."

Courir et ses partenaires entendent en effet emmener les fabricants dans l'aventure, les volumes étant un élément fondamental de ce type de projet. Les marques, certaines ayant leur réseau de distribution, sont confrontées à la propre fin de vie de leurs produits. Et, impératifs de la loi Agec obligent, elles vont devoir trouver des solutions de recyclage. 

Reste que si l'on entre en magasin, peu de modèles de sneakers semblent facilement décomposables pour un recyclage des différents matériaux. Se pose la question de l'accélération du déploiement de l'écoconception.

"Par essence, les sneakers sont liées aux chaussures de sport qui ont été développées de manière industrielle dans les années 60 et n'ont jamais été pensées pour être réparables. L'industrie reste très massivement sur ce modèle et cela demande beaucoup de temps pour la transformer, souligne Christophe Lépine. Les initiatives commencent à se développer autour de la fabrication décarbonée, comme Puma qui produit certaines collections de l'OM (Olympique de Marseille) dans des ateliers de la cité phocéenne. Il y a plus de transparence sur les compositions. Ces initiatives font bouger les lignes et il y a une demande du consommateur pour cela".

Le projet de Courir met donc en avant une option qui présente l'avantage de stopper l'envoi de déchets vers des pays en développement pour les valoriser via l'industrie française. Rendez-vous en 2024 pour voir si le concept a trouvé son rythme de croisière.

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