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27 mars 2020
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Covid-19 : les autres "usines du monde" bientôt à l'arrêt ?

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27 mars 2020

Après la Chine, ce sont d’autres grands pays fournisseurs du textile-habillement qui font face au coronavirus. Après le confinement partiel au Pakistan, c’est désormais l’Inde qui a décidé le lockdown. A côté, le Bangladesh, en pleine fête nationale, se prépare à son tour à prendre des mesures, faisant naître la crainte d'un débrayage industriel à la chinoise. Tandis que son voisin, la Birmanie, s’est enlisé dans le déni. Autant d’éléments mettant à nouveau en question l’approvisionnement des marques de mode occidentales. Marques qui, confrontées pour l'heure à une distribution plus que réduite, n'avaient pas vraiment misé sur la reprise chinoise, causant localement une absence de commandes, et même réduit celles en direction du Bangladesh.


Une usine de Ludhiana, dans le Pendjab (Inde) - Shutterstock


Le Bangladesh, l’Inde, le Pakistan et le Myanmar figurent tous au Top 10 des fournisseurs de l’Union européenne en habillement. Et jouent par ailleurs un rôle prépondérant dans l’approvisionnement en textile du Vieux Continent.

Le Bangladesh est ainsi son deuxième fournisseur d’habillement derrière la Chine, avec 17,6 milliards d’euros de marchandises en 2019, selon l’Institut français de la mode. Le pays arrive devant l’Inde, qui occupe la 4e marche avec 4,9 milliards. Le Pakistan arrive en 7e position avec 3,01 milliards, et la Birmanie en 9e place avec 2,4 milliards, soit une explosion de 43 % sur un an seulement.

De la mer d’Arabie au golfe du Bengale, ces quatre pays égalent donc la Chine (26,8 milliards d’euros) dans l’approvisionnement européen. La possible suspension de leurs activités industrielles pourrait, de fait, avoir un impact tout aussi important que la crise chinoise ayant marqué le début d’année. Et notamment sur la production de produits de moyen et d'entrée de gamme, dont la Chine s’est progressivement désengagée au cours de la décennie écoulée à la faveur des hausses de salaires.

Des pays qui n’ont pas été épargnés par la suspension des productions chinoises. Ce que nous expliquait en février Rubana Huq, dirigeante de l'Association des fabricants et exportateurs de vêtements du Bangladesh (BGMEA). "Concernant la maille, nous sommes autonomes à 85 %, contre entre 7 à 10 % que nous faisons venir de Chine. Concernant les textiles tissés, nous ne fonctionnons qu'à 60 % sur les tissus locaux ; donc nous nous appuyons à 40 % sur l'import, dont au moins la moitié provenant de Chine. Nous devons être précautionneux (relire l'interview) » .

Une situation dans laquelle pourrait d’ailleurs également se retrouver les façonniers européens s’approvisionnant dans ces pays. L’Inde et le Pakistan sont les 3ème et 4ème fournisseurs textiles de l’UE, avec respectivement pour 2,7 et 2,6 milliards d’euros de marchandises expédiées vers le continent en 2019. Tandis que le Bangladesh occupe le 12ème rang, sur ce créneau, avec plus modestement 409 millions d’euros de textiles envoyés en Europe l’an passé.

Pression des donneurs d'ordres malgré le confinement



Contactée jeudi 16 mars quant à la situation des industriels bangladais face à l'imminence de l'épidémie, Rubana Huq se veut claire. "J'ai émis une recommandation claire de notre association, pour une fermeture (des sites, ndlr) suite à l'annonce du confinement par le Gouvernement", indique la dirigeantes. "Mais il y a des usines qui fabriquent des équipements de protection individuelle et d'autres produits essentiels, à qui leurs acheteurs ont demandé de respecter strictement les délais sous peine d'annulation, et qui sont libres de continuer à fonctionner. En tant qu'association, nous ne pouvons que recommander et nous l'avons fait en conséquence". 


Le 10 mars dernier à Dacca (Bangladesh) - Shutterstock


"Il faudra à mon avis au moins six mois avant de retrouver une certaine normalité dans l’activité", estimait en février dernier le dirigeant de l’industrie textile chinoise, Zhang Tao (relire notre interview), qui restait particulièrement prudent quant à la remise en marche des centres de production. Prudence que vient aujourd’hui confirmer la crainte d’une deuxième vague de contaminations sur le sol chinois, et qui jette une fois de plus le doute sur la capacité de « l’usine du monde » à réapprovisionner ses donneurs d’ordres.

Face à la suspension de la production chinoise, nombre d’entreprises occidentales avaient dans leurs manches des « plans B » en termes d’approvisionnement d'habillement (relire notre dossier dédié). Mais nombre de ces derniers reposent largement sur l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh ou la Birmanie, amenés à jouer les alternatives à la Chine. Les prochaines semaines pourraient donc être déterminantes pour le sourcing international de textile-habillement.
 

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