Publié le
21 mai 2015
Temps de lecture
4 minutes
Télécharger
Télécharger l'article
Imprimer
Taille du texte

De nouvelles logiques de marché bousculent l’industrie du luxe

Publié le
21 mai 2015

Le marché mondial du luxe se trouve confronté à de profonds changements de comportements de la part des consommateurs.
La puissance du Web d’une part, qui conditionne toujours plus l’acte de l’achat d’un bien de luxe aussi bien au niveau des prix que de la distribution, et l’importance prise par le shopping touristique de l’autre, sont en train de bouleverser la donne.

Cela s’est vu notamment avec les fluctuations des taux de change enregistrés en ce premier trimestre 2015, qui ont poussé les Chinois à acheter davantage en Europe, en Corée et au Japon, devenu leur première destination touristique. Tel est le tableau dressé par la Fondation Altagamma, qui réunit les principales entreprises de luxe en Italie, avec le cabinet Bain & Company.

Chanel automne/hiver 2015-16 - Pixel Formula


Selon leurs estimations, présentées ce jeudi 21 mai à Milan, le marché mondial du luxe devrait atteindre 224 milliards d’euros en 2014, enregistrant une hausse de 3 % à taux de change courant (+4 % à taux de change constant) contre une hausse de 3 % en 2013 et de 10 % en 2012.

Selon le consensus établi par Altagamma, la croissance du secteur du luxe devrait s'établir à 3,5 % en 2015 à taux de change constant. En revanche, elle devrait grimper de 8 à 10 % à taux de change courant. Les ventes d’habillement devraient augmenter de 3 %, celles des accessoires de 4 %.

Comme le montrent ces estimations, la fluctuation des devises aura un impact important sur l’industrie du luxe cette année. Avec un euro qui s’aligne à 1,10 dollar, atteignant son plus bas niveau depuis septembre 2003 face au billet vert, les griffes peuvent tabler sur une forte croissance, puisqu’elles sont basées pour la plupart en France et en Italie, tandis qu’elles vendent 75 % de leurs produits en dollars. Mais ce phénomène va avoir des répercussions sur la stratégie même des entreprises avec un déplacement massif des consommateurs du luxe vers la zone euro, où les prix des biens de luxe seront moins chers.

« Il y a 15 ans, ce type de tourisme concernait une infime part du marché et touchait surtout l’Europe. Or aujourd’hui, 50 % des ventes de luxe sont réalisées par des touristes dans le monde entier et plus seulement en Europe ! Cette industrie ne peut plus continuer à fonctionner avec les mêmes logiques d’il y a 15 ans. Nous sommes en face d’importants changements structurels », analyse Claudia D’Arpizio, partenaire de Bain & Company et auteure de l’étude.

D’autant que les flux des touristes chinois sont extrêmement volatiles, changeant tous les mois. Les consommateurs de luxe sont passés de 140 millions à 350 millions en 15 ans, les Chinois représentant aujourd’hui 30 % des dépenses totales contre 2 % en 2000. Dans ce contexte, de nouveaux éléments rentrent en ligne de compte. Par exemple, le nombre de vols directs assurés par les compagnies dans chaque capitale du luxe. Il y a trois vols quotidiens qui relient la Chine à l’Italie, contre 27 pour l'Allemagne et une vingtaine pour la France…

Les différentiels de prix entre euro et devises locales en 2014 et 2015 - Bain & Company


Le Web est devenu également un facteur déterminant. Avec Internet, il y a en effet aujourd’hui une totale transparence des prix. Sans oublier que les consommateurs consultent systématiquement la Toile avant de passer à l’acte d’achat d’un bien de luxe.

« A quoi sert d’avoir fait de gigantesques investissements en Chine si sur place plus personne n’achète les produits de certaines griffes qui coûtent 60 % plus cher par rapport aux prix européens ? La vérité, c’est que les gens se déplacent à la recherche de la bonne affaire et achètent où les prix sont plus intéressants. D’un autre côté, les griffes ne peuvent changer en cours de saison des prix souvent établis un an avant », souligne encore l’analyste, qui invite l’industrie à changer de stratégie.

Aujourd’hui 30 % des produits de luxe ne sont pas vendus à plein tarif. L’harmonisation des prix d’un marché à l’autre, amorcée par Chanel il y a peu, ne doit pas cacher les difficultés du secteur en Chine, et semble surtout un palliatif.

« Il faut réactiver le rêve et faire en sorte que les personnes soient attirées par le luxe pour la valeur intrinsèque de ses produits. Pour cela, il faut comprendre les stratégies actuelles des consommateurs, leur perception du luxe. De même, les griffes doivent réfléchir à leur politique de distribution, en misant, plus que sur le nombre de boutiques, davantage à l’intégration entre magasin physique et virtuel », conclut Claudia D’Arpizio.

Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 FashionNetwork.com