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28 avr. 2004
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Delphine Royant-Colinet, une femme en Vogue

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28 avr. 2004

En quoi consistent vos nouvelles fonctions d’Editeur ? Pour les définir en quelques mots, je dirais que ma fonction principale est de faire en sorte que le magazine se vende mieux auprès des marchés publicitaires et du lectorat. Ce poste n’existait pas auparavant, il permet aujourd’hui une meilleure coordination entre les différents services que compte Vogue Paris. Quels sont vos secteurs d’intervention ? J’interviens donc dans plusieurs domaines. Tout d’abord au niveau du marketing, qui doit être nourri d’études qualitatives et quantitatives émanant de la Sofres, de tables rondes de lectrices, afin de mieux cerner les attentes des lecteurs, d’intéresser les publicitaires et d’enrichir le travail et le discours de nos commerciaux. Il est important de faire remarquer que depuis 3 ans, le magazine a évolué au niveau du fond et de la forme afin de le rendre plus accessible. C’est un magazine haut de gamme et non de luxe. Comment se manifeste cette distinction ? Le portefeuille publicitaire est assez large, puisqu’on trouve dans le magazine des marques allant de Lacoste à Dior, et d’Agatha à Bulgari. Le contenu de la rédaction suit d’ailleurs cette même politique. On peut trouver un reportage sur un défilé haute-couture et quelques pages plus loin une référence à une marque de prêt-à-porter comme H&M. Je peux donc aussi intervenir au niveau de la rédaction, pour que le contenu du magazine «colle» à la stratégie du groupe, qui est d’augmenter son lectorat et de garder le statut de référent mode. J’aborde aussi la diffusion du magazine, j’essaie d’améliorer la visibilité de Vogue Paris, notamment auprès des leaders d’opinion. Il est aussi très important de renforcer la fidélisation des abonnés. En 2003, les ventes en kiosque du magazine ont augmenté de 10% au détriment des abonnements qui ont légèrement diminué. Les abonnements étant pour nous une ressource sûre, il faut aller vers plus de fidélisation, grâce à des avantages et privilèges pour que ces personnes aient le sentiment d’appartenir à un club. J’aimerai développer également les relations publiques. Il faut multiplier les manifestations telle que la rétrospective photographique organisée dernièrement au Bon Marché qui a connu un immense succès. Cette nomination est une création de poste. Selon vous, quelles ont été les raisons de cette création et que va-t-elle apporter ? Il est vrai que toute cette coordination n’existait pas auparavant. En réalité, ce besoin s’est fait ressentir avec la parution du petit dernier des publications Conde Nast France : Glamour. Avant, le groupe ne comptait que trois titres, Vogue Paris qui retient la plus grande implication, AD, et Vogue Homme qui paraît deux fois par an. Didier Suberbielle, Président du groupe, s’est totalement impliqué dans la réussite de Glamour. Le besoin s’est donc fait sentir d’alléger son travail et de le seconder. Je travaille en réalité avec chacun des services. Je pourrai même intervenir au niveau de la fabrication si le besoin s’en faisait ressentir. Cette coordination apporte un plus, une meilleure cohérence, mon travail consiste à orienter le travail des autres pour que le magazine se vende mieux. Pouvez vous nous parler de cette nouvelle équipe ? Murielle Mucha manage l’équipe publicité. Elle concentre en ses mains toutes les fonctions des deux postes supprimés, celui d’Editeur Délégué et de Directrice commerciale. C’est une équipe très complète qui n’existait pas sous cette configuration auparavant. Il y a aujourd’hui deux Directeurs de Clientèle : Anabel Marques en charge du secteur mode et beauté et Eric Juhel qui s’occupe du secteur hors-captif, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas mode et beauté. Au côté de Céline Dogradi, chef de pub, nous trouvons deux assistantes, dont l’une a une formation très marketing. De quel ordre sont vos relations avec ce service ? Je n’ai pas de relation privilégiée avec ce service aujourd’hui, même si j’y suis plus sensible car il était le mien auparavant. Notre collaboration est la même qu'avec un autre service, même s’il est responsable du chiffre d’affaire au final. Vous avez envie de multiplier les événements estampillés Vogue, afin de développer les relations publiques. Parlez-nous du succès remporté par l’exposition au Bon Marché de «Belles en Vogue». Vogue Paris existe depuis 1920. Ce magazine a connu les plus belles plumes, les meilleurs photographes et rédacteurs en chef. Ses 84 ans d’histoire lui ont permis de conserver de véritables trésors comme ces photographies qui ont été exposées à l’occasion de «Belles en Vogue». Ce potentiel historique contribue à notre image auprès du public, tout le monde sait ce qu’est Vogue ou en a au moins une image. Nous avons été sollicité pour exporter l’exposition «Belles en Vogue». Malheureusement ce sont des opérations très coûteuses, et cela n’a pas encore abouti. Mais il y a cependant quelque chose à mûrir à partir de ce potentiel historique qui a été fabriqué – et qui continue de l’être – par Vogue. Quelle est selon vous l’image de Vogue aujourd’hui ? Ce magazine n’est certainement plus tout à fait le même qu’au moment de sa naissance, mais il n’est pas tout à fait un autre non plus. Il a suivi l’évolution des mentalités, tout en gardant son âme. Vogue est un magazine d’influence, il présente une mode moderne et accessible. D’ailleurs il faut saluer le travail de notre rédactrice en chef Carine Roitfeld, arrivée en 2001. Elle a apporté une nouvelle vision du magazine, un côté éclectique qui n’est pas négligeable. C’est une dénicheuse de tendances. Elle parvient à les décoder avant tout le monde et ensuite, elle les lance! Elle a remis au goût du jour les jeans Wringler, relancés les T-Shirts Mickey portés avec des tenues coutures… Elle est capable de rendre ultra-tendance quelque chose qui, quelques mois auparavant, était totalement ringard. Son travail est complété par notre nouveau Directeur Artistique, Fabien Baron, arrivé au cours de l’été 2003. Selon moi, c’est le plus grand de sa génération, il forme un tandem sensationnel avec Carine Roitfeld. C’est lui qui a rendu possible l’intégration du discours marketing. Je mentionnerai aussi Olivier Lalanne, nommé Rédacteur en chef magazine il y a quelques mois, qui a su rendre les articles plus attrayants. Comment s’y est-il pris ? Avant, la partie magazine échappait un peu au lecteur. Aujourd’hui, les femmes qui achètent notre magazine sont déjà très informées, elles doivent donc trouver sur nos pages d’autres informations, un autre ton et une autre façon de faire. Ce ton est donc donné par Olivier Lalanne : flairer les tendances, ne pas suivre l’air du temps, mais en devenir son créateur. L’arrivée de Didier Suberbielle en 2002, en tant que PDG du Groupe Conde Nast France a quelque peu dépoussiéré Vogue et y a introduit les techniques de marketing. Il est important d’exploiter la notoriété de notre magazine, il faut profiter de la moindre occasion pour que le magazine se vende mieux. Vogue est le magazine phare des publications Conde Nast. C’est ce titre qui donne toute sa légitimité au groupe. Le Vogue Paris est très différent des autres Vogues à travers le monde. C’est le plus élégant, le plus sophistiqué, le plus haut de gamme. Il est le reflet de Paris, berceau de la création et de la mode. Quel est le principal concurrent de Vogue ? Je pense que Numéro est celui qui nous ressemble le plus au niveau de l’esthétisme. Mais nous ne nous adressons pas à la même clientèle. Le lectorat de Numéro est un public d’esthètes très avertis. Notre cible est plus large. Quelle est cette cible ? Nous vendons en moyenne 112 500 exemplaires par mois, c’est presque un magazine grand public. Mais nous veillons à conserver une image haut de gamme. Notre cœur de cible est donc représenté par les «trend setters» qui ont les moyens de leurs envies. Ce sont eux qui, grâce à leur boulimie sur-consommatrice, vont fréquemment renouveler leur garde-robe et contribuer à la popularisation des marques en les faisant descendre dans la rue. On les appelle aussi des « early adopter » car ils adhèrent très tôt aux nouvelles tendances et les divulguent par la même occasion. Ce lectorat très captif est l’une des forces de Vogue. Propos recueillis par Caroline Cardona.

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