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Diana Dimitian (Levi Strauss) : "Notre challenge est le développement omnicanal"

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6 mai 2019

C'est ce que l'on appelle être plongé dans le bain. Dans le groupe Levi Strauss depuis 2015, Diana Dimitian s'est installée dans son bureau de directrice de la maison-mère de Levi's et Dockers pour l'Europe du Sud depuis moins de six mois. Détail d'importance, le siège de Levi Strauss sur la zone se situe à deux pas des Champs-Elysées. Autant dire que la dynamique Canadienne a été en prise directe avec l'actualité française des "Gilets jaunes". Un contexte qui n'a pas désarçonné celle qui prend la suite de Santiago Cucci. Dans le grand showroom Levi's de Paris, Diana Dimitian détaille pour le FashionNetwork.com sa feuille de route et livre aussi ses sentiments sur ses premiers mois européens.


Diana Dimitian - Levi Strauss


FashionNetwork.com : Vous avez pris la suite de Santiago Cucci en début d'année. Vous aviez réalisé votre carrière en Amérique du Nord, chez Levi's, et avant dans la chaussure chez Ecco et le groupe Wolverine. Qu'est-ce qui vous a motivé dans ce poste de direction sur l'Europe du Sud?

Diana Dimitian :
En fait, dès octobre je faisais des aller-retour entre Paris et le Canada. Et j'ai officiellement pris les fonctions en janvier. Après trois ans et demi avec des fonctions de direction en Amérique du Nord, c'était pour moi la première opportunité d'avoir une expérience sur un autre continent, de découvrir d'autres pays et un autre marché. Rejoindre Levi Strauss était déjà un beau challenge pour moi.

FNW : Pour quelles raisons?

DD :
Car j'avais évolué plus de 17 ans dans l'industrie de la chaussure. C'est une passion. Je connaissais tous les acteurs, les personnes de l'industrie... Mais Levi's possède cet atout d'être une marque grand public, internationale, avec une histoire incroyable. Chacun a une histoire avec la marque. Et puis Chip Bergh (CEO de Levi Strauss) avait amorcé la renaissance de la marque. Finalement, il n'y a pas de grande différence avec la chaussure. Il faut maîtriser sa segmentation, gérer un marché, gérer une marque... Non ce qui a beaucoup changé pour moi c'est que j'étais très très impliquée dans le produit chaussure, à passer des heures dessus. Entrer chez Levi's m'a libéré de cette obsession. Cela m'a permis d'aller sur d'autres strates, les ressources humaines, l'organisation, et de gagner en efficacité opérationnelle.

FNW : En changeant de continent, quelles différences avez-vous trouvées?

DD :
Déjà, au Canada, j'avais un marché sur lequel nous fonctionnions quasiment en indépendant. Je supervisais l'ensemble de l'opérationnel et j'ai passé beaucoup de temps sur le volet logistique. Ici en Europe, les équipes ont uniquement en charge le brand management. Elles sont focalisées sur les ventes, le marketing, le merchandising. Au Canada, c'est de l'opération sur un marché. Ici, c'est plus politique. Vous avez la France, l'Italie, L'Espagne et le Portugal qui ont leurs spécificités et leur rapport à la marque. Et chaque marché a son contexte, avec des élections en Espagne, un environnement compliqué en Italie ou encore les "gilets jaunes" en France. Les samedis sont particuliers dans le quartier autour des Champs-Elysées. Et en ce qui concerne la distribution, les modèles sont inversés.

FNW : C'est-à-dire?

DD :
En Europe, le poids des franchisés est très importants, avec une forte avancée du retail. Au Canada, ce sont les acteurs multimarques qui sont les plus importants. En revanche, cela va plus vite en Amérique en terme de digital et de services.

FNW : Et quelles différences voyez-vous entre les consommateurs?

DD :
Chez l'homme, le consommateur le plus pointu opte pour des fits plus près du corps. L'Amérique du Nord est plus orientée sur le prix. Mais globalement, il y a un client Levi's qui connait notre héritage 501. Cela reste notre référence au niveau mondial. Chez la femme, il y a plus de différences. La sensibilité mode est plus développée en Europe. Les fits les pointus du Canada sont les classiques en Italie. Surtout, l'Europe est beaucoup plus réactive aux tendances. Cela doit prendre tout de suite ici, alors qu'au Canada il y a le temps d'installer un produit.

FNW : Le marché du denim n'est pas le plus dynamique actuellement. Comment analysez-vous la situation?

DD :
Le denim connaît des replis de 2 % - 3 % sur certains marchés, reste stable sur d'autres. Mais il reste présent partout. Regardez Gigi Hadid a fêté son anniversaire récemment avec une thématique Only Denim. Forcément, il y avait beaucoup de Levi's ! Mais lorsqu'une personnalité aussi influente est en denim, cela a forcément un impact. Levi's est au coeur de la culture. Et, depuis 2012 et le travail initié par Chip Bergh, nous faisons tout pour. Cela passe par la musique, les valeurs, affirmées dans les campagnes comme avec Use your Voice, ou des collaborations comme avec Virgil Abloh, Heron Preston ou Supreme. 


Campagne Levi's Use your Voice


FNW : Même si la marque a ralenti son rythme de croissance par rapport à 2018, Levi Strauss affiche toujours 10% de progression au premier trimestre sur l'Europe. Quel est votre enjeu majeur?

DD :
Santiago Cucci et l'équipe ont formidablement développé l'activité sur l'Europe du Sud. Notre challenge est de développer l'omnicanal. Cela signifie travailler sur la relation entre nos magasins et notre e-commerce. Mais aussi avoir cette cohérence avec nos partenaires comme les Galeries Lafayette, le Printemps... C'est une formidable opportunité. L'expérience Levi's doit être partout similaire, même s'il peut y avoir des produits différents ou des catégories différentes.

FNW : Vous évoquiez Chip Bergh. A l'occasion de la récente entrée en Bourse de Levi Strauss votre CEO a annoncé clairement que Levi's était une marque lifestyle. Une évolution sémantique qui se concrétise comment?

DD :
Levi Strauss a inventé le denim. Bien sûr nous restons spécialiste du denim. Mais nous avons apporté des nouveautés. Nos t-shirts et nos tops ont rencontré un beau succès. Nous faisons évoluer l'offre d'accessoires et de chaussures. L'outerwear se développe aussi. La différence c'est que nous travaillons le vestiaire. Auparavant, il était question de part de marché du jeans. A présent nous parlons de part du vestiaire. Une personne qui vient chez Levi's doit trouver sa paire de jeans, mais aussi le t-shirt qui va avec. Puis les chaussures, la casquette, un manteau, une ceinture. Peu de gens le savent mais nous sommes leader sur les ceintures.

FNW : Vous allez accélérer sur ces catégories?

DD :
Lorsque nous pouvons le faire en interne nous le faisons, sinon nous avançons avec Dobotex sur les sous-vêtements ou Haddad pour l'enfant avec qui Seth Ellison (VP Europe) s'est engagé pour toute l'Europe l'an passé.  Nous avons des ressources dédiées pour renforcer cette stratégie de licences. C'est d'ailleurs Eduardo Guerrero, qui évoluait sur l'Europe du Sud, qui a pris la direction de ce service.

FNW : Sur les hauts, vous avez été portés par le succès formidable du T-Shirt au logo batwing. Mais avez-vous la place d'aller plus loin?

DD :
Sur le t-shirt nous avons de belles collections de t-shirts graphiques qui arrivent. Mais pour nous, nous pensons que nous n'avons vu que le sommet de l'iceberg. Nous travaillons sur les fit, l'apport de nouvelles matières. Nous avions la customisation des jeans et des vestes, à présent nous avons des ateliers pour les t-shirts dans certains magasins.

FNW : L'Europe a la spécificité d'avoir initié un modèle de boutiques dédiées à la femme. Allez-vous ouvrir de nouveaux magasins de ce type ?

DD :
Comme nous sommes entrés en Bourse, cela fait partie des sujets que l'on ne peut aborder. Ce que l'on peut dire c'est qu'aujourd'hui nous avons trois magasins féminins, à côté de Nice, à Paris dans le Marais et à Londres dans le quartier de Bluewater. Je pense que c'est très intéressant, car définitivement la femme ne fait pas son shopping dans les mêmes lieux et de la même manière que les hommes. Pour nous, ces trois magasins sont des laboratoires dans lesquels nous testons des propositions, des agencements... C'est intéressant car avec ces tests nous prenons plus de risques.

FNW : Levi Strauss est entré en Bourse et a levé 6,6 milliards de dollars. Hormis de ne pouvoir donner tous les chiffres aux journalistes, est-ce que cela change la donne pour le volet opérationnel ?

DD :
La dette était cotée, donc nous avions déjà l'habitude de fonctionner comme une entreprise cotée. Non concrètement cela ne change pas le quotidien des équipes. Le directeur général, le directeur financier sont toujours là, tout comme la famille Levi Strauss.

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