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20 déc. 2018
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En 2018, nombre d'enseignes de mode ont vécu une année douloureuse

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20 déc. 2018

Si le secteur de l’habillement en France a ponctuellement connu des plans sociaux ces dernières années, l’année 2018 a condensé de nombreuses restructurations et annonces de réduction de périmètre parmi les enseignes de mode dans l’Hexagone. Cette série de licenciements sera-t-elle circonscrite dans le temps ou va-t-elle se normaliser, voire s’intensifier ?


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« Contrairement à l’alimentaire ou l’électronique, le marché mondial du textile est l’un des plus atomisés, constate Yves Marin, associé du cabinet de conseil Bartle, et spécialiste retail. Il recense de très nombreux acteurs car se lancer dans le prêt-à-porter présente de faibles barrières à l’entrée. Structurellement, le marché français est en cours d’écrémage. Depuis 2008, la tendance de consommation s’est inversée et le vêtement a de plus perdu de sa valeur statutaire, au détriment du smartphone par exemple. »

Des changements de fond qui obligent les groupes à revoir leur réseau, si ce n'est leur modèle. L’année 2018 a d’abord commencé dans l’incertitude chez Pimkie : après qu’un projet de rupture conventionnelle collective a été annoncé par la direction juste avant Noël 2017, c’est finalement un plan de départs volontaires classique qui a été mis sur pied avec l’objectif de supprimer 208 postes sur 1 900. Soit un peu plus de 10 % des effectifs de l’enseigne de mode féminine nordiste. Les modalités de départ sont toujours en cours de négociations avec les représentants du personnel.

Autre acteur installé dans le Nord, le groupe Happychic (Jules, Brice, Bizzbee) a lui aussi initié une restructuration en officialisant au mois de juillet sa volonté de se séparer de 466 personnes (sur près de 3 200 salariés) et de créer une marque masculine émanant de la fusion des chaînes Jules et Brice. Un accord majoritaire vient tout juste d’être signé entre la direction et les syndicats pour la mise en oeuvre du PSE en 2019.


L’enseigne de souliers haut de gamme Heyraud va être amputée de plus des deux tiers de son parc composé pour l'heure de 45 points de vente - Groupe Eram


Cet automne, deux autres défaillances de groupes historiques du retail français ont été mises au jour. Tout d’abord chez le breton Beaumanoir, qui a décidé de stopper sa marque de mode dédiée au plus de 50 ans Scottage et par l’occasion d’instaurer un PSE touchant 142 salariés. « Alors que 30 millions d’euros ont été investis pour la soutenir ces cinq dernières années, elle ne cesse d’enregistrer des pertes de plus en plus significatives, avec une accélération depuis 2015. Rien que l’année écoulée, Scottage a perdu plus de 5 millions d’euros », a justifié en novembre la direction de Beaumanoir. Ensuite, c'est le discret groupe Eram qui a confirmé son intention de fermer 96 magasins de ses enseignes Heyraud et Texto, et de mettre en œuvre la suppression de 274 postes.

Enfin, cette semaine, l’enseigne de périphérie Défi Mode, dont le siège est situé à Brioude, en Haute-Loire, a directement annoncé la cessation de ses activités et donc la fermeture de ses 60 magasins et le licenciement de ses 220 salariés au premier semestre 2019, après avoir déjà subi deux vagues de licenciements en 2015 et 2016.

A ces enseignes tricolores se sont ajoutés cette année les déboires de la chaîne américaine Forever 21 et de la britannique New Look sur le marché hexagonal. La première va quitter purement et simplement le territoire en début d’année 2019 après avoir fermé ses quatre boutiques du pays. Les 150 salariés ne connaissent pas encore leur sort. Quant à la seconde, un PSE portant sur 262 personnes avait dans un premier temps été annoncé en septembre, avant qu’il ne soit finalement abandonné en décembre pour opérer une radiographie de la filiale française et probablement se diriger tout de même vers une réduction d’effectifs, selon une source interne.

Les raisons d’espérer une trêve dans cette spirale sociale sont difficiles à trouver. Depuis 2007, les distributeurs ont perdu 15,1 % de leur chiffre d’affaires, selon l’Institut français de la mode (IFM), tandis que de nouvelles marques internationales et des e-commerçants sont venus prendre leur part du gâteau. « Cette baisse des ventes a accentué ce phénomène darwinien de la sélection naturelle et celui-ci va malheureusement continuer. On ne va pas échapper à d’autres restructurations dans le secteur de la mode, atteint par un effet ciseau défavorable entre l’offre, pléthorique, et la demande, puisque le budget vêtement des ménages se réduit au profit de la culture, des loisirs ou du multimédia », prédit Yves Marin. Après une année 2018 présentant une chute de -2,9 % de la consommation de mode en France, l’IFM anticipe un recul de -0,9 % l’an prochain. Une perspective qui pose une question sur le moyen terme : quels seront les acteurs qui sauront émerger en leaders de cette douloureuse période de mutation ?

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