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8 févr. 2021
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Ève Salvail: "On m'a prise comme j'étais, crâne rasé et tatoué"

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AFP-Relaxnews
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8 févr. 2021

Le crâne rasé et tatoué d'un dragon, combiné à un look androgyne, Ève Salvail ne correspond pas aux "canons de beauté" qui déambulaient sur les podiums dans les années 90. Ce qui ne l'a pas empêchée de défiler et de poser pour les plus grands noms de la mode, de Jean-Paul Gaultier à Versace en passant par Karl Lagerfeld. L'ex-mannequin retrace aujourd'hui sa carrière dans une biographie intitulée "Sois toi et t'es belle", et revient sur les hauts et les bas qui ont rythmé ce parcours hors du commun.




Vous parlez dans la biographie de vos différentes personnalités. Qui est aujourd'hui la "vraie" Ève Salvail ?

Je pense que j'ai réussi à me débarrasser de ces nombreux masques. Peut-être suis-je un peu spirituelle et un peu la petite Ève ? Quelques fois on continue à utiliser des masques, des personnages comme mécanisme de défense, même quand on n'en a plus besoin. J'essaie, aujourd'hui, d'être juste MOI.

Votre look androgyne vous a permis de vous distinguer dans les années 90, comment l'expliquez-vous ?

Ce look que j'avais, en 1992, était pour moi bien "normal". J'étais comme ça et je ne me percevais pas du tout comme étant différente des autres. Aujourd'hui je vois bien que j'étais le mouton noir. C'était une autre époque. J'étais jeune et punkette et c'est en fait à ma grande surprise que je me suis retrouvée à défiler pour les grands noms de la mode.

Est-ce que cela vous a également valu des critiques ?

Pas vraiment. En fait, tout de suite après le tatouage et avant de faire mon premier défilé pour Jean-Paul Gaultier, mes agences m'ont laissé tomber. Rien d'autre de négatif, j'ai été chanceuse !

Certains ont-ils essayé de vous faire rentrer dans un moule afin de mieux coller aux diktats ?

Pas vraiment non plus. Comme je le dis souvent, j'ai eu un gros coup de pouce du destin peut-être mais ma différence est arrivée probablement au bon moment. On m'a prise comme j'étais, crâne rasé et tatoué.

Vous évoquez un moment charnière, lors d'un essayage avec Karl Lagerfeld, où vous décidez de ne plus jamais montrer vos émotions. Est-ce indispensable pour durer dans cette industrie ?

Je dirais qu'à 80% oui. Il y a bien sûr quelques exceptions dont Jean-Paul Gaultier et Christian Lacroix, mais très souvent, pour perdurer dans ce métier, qui est à la base assez éphémère, il est très important de garder ses émotions pour soi.

Quelle est la place de Jean-Paul Gaultier dans votre parcours ? 

Sans Jean-Paul, il n'y a tout simplement pas de parcours ! Il a tracé la ligne de départ et le parcours. Je lui dois beaucoup et j'ai un respect incommensurable pour cet homme.

Vous évoquez également certaines de vos blessures et de vos dépendances. Sont-elles liées à votre carrière ?

Oui, parce que je n'aurais pas pu "survivre" à ma carrière de mannequin sans ces drogues. Mais aussi parce que cet abus de substances m'a amenée au fond. La dépendance a gagné et j'ai pu abdiquer et réapprendre à aimer, à rire, à vivre d'une façon saine.

Les mots "inclusivité", "diversité", et "affirmation de soi" sont partout aujourd'hui. Pensez-vous que l'industrie de la mode a réellement évolué ?

Je n'ai pas suivi le milieu de la mode après ma carrière alors je ne saurais juger de son évolution. Le peu que je vois passer sur mon fil d'actualité Instagram semble démontrer des femmes plus rondes, des femmes venant des quatre coins de la planète et des hommes en talons hauts. Mais enfin, ce n'est que mon fil d'actualité Instagram !

Quel est le meilleur moment de votre carrière ?

C'est beaucoup trop difficile de choisir ! Vous savez, quand j'étais au pic de ma carrière, j'étais incapable d'apprécier la grandeur de ce qui se passait. Ce n'est qu'après, en me remémorant ces moments, que j'ai pu commencer à voir l'impact que ces années et ce milieu ont eu sur moi. Aujourd'hui j'ai beaucoup de gratitude et même un peu de mélancolie pour ces années magiques.

Et le pire ?

Les barrières que je m'imposais, que je créais. Le pire n'était pas ce qui m'était dit, mais mon propre discours intérieur. Le pire ne venait jamais de l'extérieur.

Changeriez-vous quelque chose près de 30 ans après vos débuts ?

Non. Mon parcours, aussi mouvementé soit-il, a fait de moi la personne que je suis aujourd'hui, heureuse et épanouie. Avec le recul, je peux vous dire que je ne changerais rien.

Qu'avez-vous à dire à celles et ceux qui essaient à tout prix de répondre aux diktats de la mode ?

Justement, cessez d'essayer !


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