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18 juil. 2013
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Franco Fogliato (Billabong): "Nous devrions revenir à une approche plus stratégique que financière"

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18 juil. 2013

Hier, Billabong annonçait avoir trouvé un accord avec le consortium Altamont pour refinancer sa dette. Une solution qui doit offrir au groupe la souplesse financière pour lui permettre de repartir de l’avant. Franco Fogliato, directeur général du groupe de marques de glisse sur l’Europe, revient sur cet événement et ses conséquences pour Billabong. Il détaille aussi sa vision pour les mois à venir, la situation de la structure européenne et ses premières impressions concernant le nouveau PDG, Scott Olivet.

Franco Fogliato a pu annoncer la nouvelle aux équipes de Billabong Europe - Visuel: Billabong


Fashionmag: Quel est le sentiment qui prédomine après cet accord trouvé avec le consortium Altamont?
Franco Fogliato: On a sorti les bouteilles de champagne il y a deux jours… Plus sérieusement, c’est une très bonne nouvelle qui change complètement l’ambiance de la société. Nous clôturons une période de 12-18 mois de problèmes, avec des périodes de négociations difficiles durant lesquelles plusieurs prétendants se sont succédé. Avant-hier, nous avons prévenu les équipes que nous entamions ce nouveau chapitre. Jusque-là, il y avait beaucoup d’instabilité et, même si le message était de rester focalisé sur le business, il y avait de l’inquiétude. J’ai remercié les équipes qui ont travaillé dur pour garder une stabilité durant cette période.Les salariés avaient besoin d’être rassurés. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité de revenir sur le développement des marques. L’arrivée du consortium Altamont devrait aussi nous permettre de revenir à une approche plus stratégique que financière.

FM: Les négociations avec les fonds américains ont apparemment été ardues. Quels sont les points qui ont pu bloquer les discussions?
FF: Billabong est une société cotée en Australie et il existait une distance physique entre les potentiels nouveaux actionnaires. La différence de culture aussi, avec le conseil d’administration qui travaillait fort et protégeait la valeur du groupe pour les actionnaires existants. Les différents acteurs qui se sont déclarés ont fait que la situation n’était pas simple. Deux autres acteurs se sont déclarés tout récemment pour racheter la dette [Centerbridge/Oaktree Consortium ont fait une proposition officiellement rejetée aujourd’hui, ndlr].

FM: Le consortium Altamont arrive avec un nouveau PDG pour le groupe. Vous l’avez rencontré durant les négociations. Comment percevez-vous Scott Olivet?
FF: Scott Olivet a impressionné. Notre premier contact remonte à décembre-janvier. Le consortium Altamont avait des experts financiers à qui nous expliquions notre activité. Mais avec lui, nous avons tout de suite eu l’impression d’échanger avec une personne qui parle notre langue. Par exemple, concernant les investissements marketing, les équipes financières nous demandaient les montants, lui nous questionnait sur la façon dont étaient utilisés ces budgets. L’anecdote, lorsqu’il était chez Oakley, de l’achat d’un tank pour montrer la force de la marque alors qu’elle était reprise par Luxotica, montre l’importance qu’il porte à l’identité des marques. Il a montré sa capacité dans les sports de glisse à être le pont entre les marques et les actionnaires.

FM: Quel est le calendrier concernant sa prise de fonction?

FF: Il est actuellement déjà en Australie et sera en Europe fin juillet. Launa Inman doit quitter ses fonctions à la fin juillet.

FM: Va-t-il suivre le plan défini par Launa Inman et son équipe? Où va-t-il directement apporter sa touche?
FF: Launa a amené beaucoup de choses sur lesquelles s’appuyer. Mais le marché le plus important du groupe, c’est aujourd’hui les Etats-Unis, et Scott devrait apporter dans la gestion et le management une culture plus américaine. Les Australiens avaient une compréhension du groupe avec la marque Billabong qui est un peu là-bas l’équivalent d’un Renault en France. C’est la troisième marque la plus importante dans l’histoire de l’Australie. Les autres marques étaient de fait sous-évaluées, elles étaient trop petites par rapport au monstre Billabong. Mais, par exemple, Rvca est la nouvelle étoile du marché et Element est très forte. Les Américains ont cette culture multimarque plus forte et devraient apporter plus d’attention aux autres marques.

Le passage à un management US: une opportunité pour les "petites" marques du groupe? Photo:Element


FM: Avec la cession de Dakine, comment allez-vous vous organiser?
FF: La marque sort du giron de la société cotée. Mais son propriétaire à 100% sera à terme propriétaire de 36 à 40% du groupe Billabong. La société avait déjà des locaux séparés. Cela devrait donc se faire en douceur. En Europe, André-Pierre Bonamy reste à la tête de Dakine.

FM: Mais l’accord avec le consortium veut-il dire que toutes les négociations sont terminées? Le réseau West 49 est-il toujours à vendre? D’autres marques pourraient-elles quitter le groupe? Il se murmurait que la participation restante dans Nixon pourrait être cédée…
FF: La cession de West 49 est toujours d’actualité car il s’agit d’une cession stratégique. Ce n’était certainement pas la solution pour approcher le marché canadien. Sur les autres marques, l’accord mène à une révision des axes stratégiques. Nous avons sûrement moins de pression financière. Je pense qu’il y aura encore des changements pour des logiques stratégiques et non plus financières.

FM: Quelle est la situation en Europe? Combien de personnes travaillent dans le Sud-Ouest de la France?
FF: Nous avons 700 personnes dont 50 en magasin. Au siège, nous sommes 220 dont 30 à l’entrepôt. Le marché est difficile, mais les sociétés procèdent à des adaptations face à la situation économique depuis deux ans. Je vois cependant une stabilisation. Les premiers retours pour le printemps-été 14 sont rassurants et, aux USA, qui sont en général en avance sur nous, la stabilité est forte.

FM: L’Europe est tout de même le pôle le moins important du groupe, et a connu un recul de 23% de ses ventes au premier semestre. La structure européenne n’est-elle pas menacée?
FF: La stratégie est de rester dans le Sud-Ouest de la France. Pour les sports de glisse, le "core" se trouve ici. On avait travaillé sur la simplification des activités. Pour les sociétés à management américain, l’Europe reste la priorité à l’export. D’autant que, dans la glisse, l’Europe est le second marché mondial. Auparavant, la stratégie était définie de l’autre côté du globe. Il y a une proximité plus forte avec les USA. Il y a beaucoup de travail. Nous allons nous interroger sur ce que l’on va faire pour progresser plutôt que sur comment couper les coûts.

Collection Billabong femme printemps-été 2014


FM: Avez-vous d’ores et déjà des priorités? Des marques sur lesquelles travailler?
FF: La priorité, c’est Billabong. Nous avons beaucoup de travail, d’autant qu’il y a eu un recul lié à la situation sur l’Espagne et l’Italie. Nous devons revoir notre stratégie sur certains marchés dont la France. Les axes de travail sont sur la femme, et les premiers retours sur le printemps-été 14 sont intéressants. Nous avons le passage de deux à quatre collections. Nous segmentons aussi la gamme pour proposer une offre différenciée aux magasins "core". Nous effectuons un repositionnement prix, avec un prix d’entrée plus élevé et un important travail sur l’image. Il y a aussi le travail avec les franchisés. Nous avons aussi fait un gros travail pour réduire les stocks.

FM: Et quelles sont les perspectives?
FF: Il faut l’admettre, nous avons eu du mal à voir la crise arriver. On l’a vue un peu trop tard, d’autant que des acteurs extérieurs sont arrivés. On revient. Il y a un travail de globalisation et d’économie d’échelle, une coordination de produits avec les USA et beaucoup d’activités du groupe qui sont recentrées aux États-Unis. Nous faisons des investissements en communication mais aussi via des projets avec Intersport, l’UCPA. Le marché va se concentrer. L’objectif est la stabilité pour prendre des parts de marché aux autres marques. Nous allons surtout regarder notre croissance en parts de marché plutôt qu’en volumes de vente.

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