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22 janv. 2021
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Guillaume de Seynes (Comité stratégique de filière): "Le challenge est de parler de réindustrialisation plutôt que de relocalisation"

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22 janv. 2021

Le 19 février, Guillaume de Seynes, président du comité stratégique de filière Mode et Luxe a remis à le rapport "Relocalisation et mode durable" à Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie. Un dense document qui propose des mesures à mettre en oeuvre autour de quatre thèmes au gouvernement. Pour FashionNetwork, le dirigeant détaille l'objet de ce rapport.


Guillaume de Seynes - Maria Ziegelbock


FashionNetwork.com : Ce rapport, avec ses 36 propositions, est en quelque sorte le chapitre dédié au secteur que l’on aurait dû lire dans le plan de relance. Quel était pour vous le cadre de ce rapport ?

Guillaume de Seynes :
Par rapport au périmètre de la filière qui est assez large, il y avait une demande axée sur un angle mode, habillement et textile. Mais nous avons essayé, via un certain nombre de propositions, de couvrir d’autres secteurs de la filière. Pour réaliser ce rapport nous avons sélectionné une équipe qui reflète des origines et des points de vue divers avec la fabrication, les marques, des analystes… et nous avons eu des dizaines d’entretiens avec des acteurs du secteur. Mais surtout nous voulions avoir des gens ancrés dans les réalités de la filière pour avoir des pistes d’action très concrètes. Pour obtenir cela, nous nous sommes aussi appuyés sur des expériences qui ont déjà démarré, comme Savoir Faire Ensemble. Nous avons eu le regard d’acteurs ancrés dans l’action.

FNW : Pour la majorité de ces propositions, leurs mises en action s’inscrivent dans la mandature actuelle d’Emmanuel Macron. Il y avait la volonté d’un horizon à fin 2021, premier semestre 2022 ?
 
GDS :
Nous n’avons pas raisonné en termes d’échéances politiques. Ce n’était pas notre sujet. Mais quand nous voulons être pragmatique et concret, cela signifie que vous optez pour des mesures pouvant être lancées le plus rapidement possible. D’ailleurs un certain nombre de propositions seront reprises dans le projet d’avenant au contrat stratégique signé il y a deux ans. Pour l’ensemble des filières, l’Etat a demandé qu’il y ait un travail de réactualisation des objectifs. Il doit être signé fin du premier trimestre.

FNW : Quelles propositions seront reprises ?

GDS :
Nous sommes pour l’heure dans le travail d’écriture et de synthèse. Mais par exemple, l’effort sur les filières de matières naturelles sera certainement repris car cela apparaît comme une piste très intéressante.

FNW : Vous avez 36 propositions dont certaines s’appuient déjà sur des projets engagés ou sont des idées d’organisation de la filière. Mais avez-vous chiffré l’ensemble des propositions du rapport ?

GDS :
Nous sommes en train de réaliser ce travail. Il y a un certain nombre de propositions qui dépendent des pouvoirs publics, la balle est dans leur camp. D’autres sont des changements d’attitudes, des études. Nous les chiffrons notamment par rapport à l’avenant du CSF. Mais nous étudions toutes les dispositions de financement, à travers les dispositifs du plan de relance, les financements européens ou encore ceux venant des CPDE.

FNW : Quelle était votre volonté ? Détailler des propositions facilement finançables ou apporter une vision de ce que devrait être le secteur dans le futur?

GDS :
Nous avons essayé d’être dans le réalisme. Nous n’avons pas fait de propositions qui nécessitent des changements de législations ou imaginés des mesures avec des milliards tombant du ciel. Ces propositions sont finançables par des dispositifs existants, par exemple via BPIFrance.

FNW : Vous avancez quatre points clés. La partie de transformation de l’industrie est notamment importante. Le rapport énonce des pistes intéressantes. Quels sont les challenges pour enclencher la transformation ?

GDS :
Le challenge est en fait de parler de réindustrialisation plutôt que de relocalisation. Il y a des savoir-faire qui ont été abandonnés, des filières morcelées. On se rend compte qu’il manque des savoir-faire. Nous voyons, une prise de conscience des consommateurs, un appétit pour la transparence sur la composition et l’origine du vêtement… et du coup l’acceptation d’un prix un peu plus élevé. Mais lorsque l’on dit relocalisation, cela veut dire refaire les choses comme par le passé. Clairement, pour beaucoup d'activités cela ne fonctionnera pas. En fait, il faut mettre à profit des innovations, des circuits courts, des relations différentes avec les donneurs d’ordre. Nous nous sommes fixé un objectif qui est ambitieux mais qui nous a paru raisonnable : doubler la part dans la consommation de la production française. Nous voulons passer de 13% à 25%. Pour cela il faut réussir à se réinventer.

FNW : Dans le rapport vous mettez en avant la reconstruction des relations entre les différentes acteurs de la filière. Pour vous c’est un point essentiel ?

GDS :
C’est peut-être le bénéfice de la période de crise. La filière via le Comité stratégique de filière a été très active dans la montée en puissance d’une fabrication française des masques et blouses. Avec cette mobilisation collective, des gens ont découvert l’intérêt de construire des partenariats. C’est l’idée de Savoir Faire ensemble. Il y a, sous-jacent au rapport, la suggestion d’appeler à un fonctionnement de filière entre donneurs d’ordres et industriels. Pour arriver à cet objectif de 25% il faut que l’amont de la filière se modernise et innove. Mais elle doit faire cette prise de risque avec ses donneurs d’ordres. Eux aussi doivent trouver un intérêt à ce qu’ils peuvent présenter à leur consommateur. L’espoir de ce rapport mise sur une poursuite d’une prise de conscience de l’importance des partenariats. C’est un pari.

FNW : Un point intéressant du rapport est de développer l’activité en France. Mais vous avancez la nécessité d’avoir une vision européenne, voire euro-méditerranéenne. Pourquoi?

GDS :
Dans cette idée de collaborations entre les grands donneurs d’ordre et des fabricants, une des pistes est de joindre nos forces avec des pays dont on sait que les coûts sont plus faibles. Essayons d’offrir une proposition commune. La France jouerait son rôle sur une partie de l’offre. Cela nous paraît intéressant pour concurrencer un approvisionnement beaucoup plus lointain et donc bien moins traçable.
 
FNW : Comment faire pour que le gros travail réalisé avec ce rapport, ne soit pas, comme beaucoup d'autres dossiers présentés à l'Etat, une lettre morte?
 
GDS :
Je pense qu’une des réponses est que nous reprenions une partie des propositions dans notre avenant au contrat de filière qui donnera plus de visibilité. Le principe du contrat de filière est que chaque projet détaille le porteur, le délai et le financement. Nous travaillons activement sur ce point.

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