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21 janv. 2023
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Juun.J, Botter, Comme des Garçons et Junya Watanabe bousculent les codes du menswear

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21 janv. 2023

La Semaine de la mode Homme dédiée à l’automne-hiver 2023/24 s’est révélée particulièrement passionnante vendredi. Au quatrième jour des défilés parisiens, les créateurs ont rivalisé d’ingéniosité et d’originalité pour moderniser le vestiaire masculin. A l’instar de Juun.J en mode grunge, Botter en style créole, Comme des Garçons revisitant les règles sartoriales et Junya Watanabe proposant un tailoring technique d’avant-garde.


Juun.J, automne-hiver 2023/24 - © ImaxTree

 
Juun.J a choisi les sous-sols de l’Institut du Monde Arabe, avec leur enfilade d’énormes piliers, tel un glauque parking abandonné, pour dévoiler une collection très grunge. Dans le fond, la jeunesse actuelle ne se retrouve-t-elle pas dans la génération X, qui à l’orée des années 1990 déprimait face à l’avenir et à la société que leur proposaient les adultes ? Aujourd'hui les jeunes éprouvent un sentiment d’impuissance face à consumérisme intenable en pleine urgence climatique.

Sous le regard du créateur coréen, ce désarroi se traduit par des vêtements extra larges, presque informes et usés par le temps, parfois déchirés. Les pantalons se portent amples et évasées à la cheville, usés par les séances de skate, avec des bottines de motard. On y superpose de longs pans de tissus, tels des maxi jupes fendues, ou des bermudas découpés à bord franc. "Cela fait des années que je travaille sur les silhouettes loose et cette saison j’ai voulu me concentrer sur le style grunge pour montrer la beauté des vieux habits et textures détruits et abimés", explique en backstage Jung Wook Jun, qui joue sur les contrastes entre longueurs démesurées et mini, avec micro jupes et shorts.

Chez Juun.J, on s’habille par strates, vestes et blousons lâches empilés sur hoodies, tricots et t-shirts délavés. Les manches et bords d’un pull effiloché s’allongent en fils flottants. Les vêtements sont affublés de poches géantes. Le styliste travaille en profondeur sur les matières, avec de superbes cuirs, allant du faux cuir à la peau d’agneau, en passant par le shearling et le cuir usé, qui semble avoir vécu mille vies. Napa et peau retournée sont parfois mélangés dans une même pièce. Sans oublier le denim, autre matière phare de la collection, lacéré et balafré avec ses fils jaunis, vieilli, et sali .


Botter, automne-hiver 2023/24 - © ImaxTree

 
Il est question de redonner vie à de vieux éléments également chez Botter, comme cette selle de vélo transformée en un sac précieux à porter à la main ou accroché à la ceinture. Le duo créatif, composé de Rushemy Botter, qui a vécu jusqu'à 12 ans sur l'île de Curaçao, et de Lisi Herrebrugh, dont la mère est issue de l'île de Saint-Domingue, renoue cette saison plus que jamais avec ses racines.

Musique et percussions créoles accompagnent ce show enjoué pour homme et femme. Un véritable festival de couleurs vibrantes. A commencer par le turquoise, l’émeraude et les bleus intenses de la mer des Caraïbes, en passant par la fraîcheur des verts ou l’éclat du jaune, du rose et du rouge. "Carribean couture" proclame un polo à larges rayures de rugbyman.
 
Comme d’habitude, la collection est truffée de détails couture ludiques. Des trouvailles proposées les saisons passées, retravaillées, et des nouveautés. Ainsi, le haut d’un pantalon se détache sur un côté, et retombe sur la jambe en triangle, laissant entrevoir la doublure. Même procédé pour le pan gauche d’une veste. Un chandail à grosses cotes fendu sur tout le haut, glisse en trompe-l'œil au niveau du sternum, avec son col plaqué bien en-dessous du cou et des épaules, laissant dépasser un pull col roulé.
 
Des bombers en satin s’entortillent autour du torse, les manches nouées en ruban sur le devant dans des tops bouillonnants et volumineux. Chez les femmes, une paire de bikinis tricotée s’incruste en ombre chinoise dans une robe. Les cols de certaines vestes classiques sont égayés de rayures comme le col d’un polo. Certains cardigans se portent comme des capes, les bras glissant dans des fentes sous les aisselles, tandis que les manches sont nouées au cou pour un effet twin-set. Enfin, le gilet de sauvetage est taillé dans une toile en coton grège avec ses longues cordelettes qui pendent.
 

Comme Des Garcons Homme Plus, automne-hiver 2023/24 - © ImaxTree


Mais la reine incontestée du tailoring reste Rei Kawakubo, qui a proposé vendredi, avec sa ligne Comme des Garçons Homme Plus, une collection magistrale, fusionnant subtilement classique et contemporain. Costumes et vestes sont impeccablement coupés dans les typiques tissus et laines pour homme, ainsi que des étoffes précieuses en cachemire, damassées ou moirées. Mais ces modèles, apparemment rassurants, portent tous en germe les signes d’un Big Bang prêt à exploser.
 
Un simple costume bermuda en flanelle grise brille comme le bronze, tissé avec du lurex. Un habit Prince de Galles est gribouillé de mots incompréhensibles et se dilate par le biais d’excroissances bombées sur le devant, les épaules ou dans le dos. Parfois ce sont des tubes oblongs en tissu, telles des manches, qui pendent ici et là, comme une malformation. Une veste-redingote, cousue en fil doré et laine noire, se termine par une texture 3D à effet astrakan.
 
La créatrice japonaise détricote patiemment les codes du menswear, par un jeu subtil de déconstructions et d’expérimentations textiles. Ainsi, un costume à larges rayures s’ouvre en béances aux contours ondulés et fourrés, laissant voir en dessous, comme à travers une structure décharnée, une veste croisée chicissime. Le jeu se poursuit dans une série de pièces à manches (blousons en cuir, vestes mi-longues) dont les côtés se dézippent pour dévoiler l’intérieur.
 
Ailleurs, un ensemble en tissu chevron est équipé dans le dos d’ailes à longs poils noirs. Ces ajouts fourrés, tels des boas, jouent aussi les gilets factices sur une veste ou un manteau. Le pantalon se dédouble, enfilé sur les jambes avec une autre version virevoltante, pendue à ses côtés. Parfois il se mue en jupe-culotte pour finir par se transformer en kilt. Une superbe veste écossaise, enfin, est transformée en mini-cape.
 

Junya Watanabe, automne/hiver 2023/24 - © ImaxTree


Dans la matinée, Junya Watanabe, le protégé de Rei Kawakubo, s’est illustré lui aussi dans l’exercice dans une veine plus techno-sportive, avec des pièces hybrides mixant tailoring et protections de toutes sortes pour sport extrême. Le duvet s’incorpore à de belles vestes en laine. De même, le cuir d’un blouson biker s’incruste dans un modèle en tweed.
 
Les manches d’un sweat-shirt sont matelassées en nylon, un manteau en laine classique se mue en parka à capuche, les gilets sont conçus pour une protection totale, prenant l’allure de gilets pare-balles, tandis que de mini-sacs arrondis portés en bandoulière font penser à des grenades.
 
Le noir domine la collection, comme pour mettre mieux en relief le logo des innombrables marques avec lesquelles le styliste japonais a collaboré encore cette saison, proposant une sélection de pièces d’archives et de nouveaux modèles. Il y en avait près d’une vingtaine, dont entre autres Oakley Factory Team, New Balance, Timberland, Levi’s, The North Face, Carhartt et Brooks Brothers.

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