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7 juil. 2020
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La Semaine de la Haute Couture virtuelle tient de la haute voltige

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7 juil. 2020

Après l’émerveillement de l'intense et riche journée d'ouverture, la deuxième journée de la Haute Couture numérique a laissé entrevoir, ce mardi 7 juillet, les premières failles du tout digital et de cette semaine parisienne privée de défilés physiques, avec des vidéos parfois répétitives et peu inventives, s'alternant heureusement avec quelques perles.


Le film d'animation imaginé parErik Madigan Heckpour Nana Aganovich et Brooke Taylor - Aganovich


Il est vrai qu'illustrer, en une vidéo de quelques minutes, une collection Haute Couture réalisée en plein confinement, n'était pas évident. Le défi était de taille et une fois de plus, les couturiers ont témoigné, mardi, de leur diversité et richesse avec, au final, une impression de haute voltige entre formats vidéos totalement disparates, ultra-courts ou trop longs.
 
La maison Aganovich a idéalement capté la confusion et l’état d’esprit du moment avec son film d’animation intitulé "Le grand cirque Aganovich". En deux minutes, sur une musique électronique ultra-saccadée, sur le mode d’un film d’animation d’antan, des mannequins au visage caché par un tissu blanc s’agitent comme des pantins désarticulés.

Cette suite de silhouettes blanches, noires ou rouges apparaissant, et disparaissant aussitôt, sur fond blanc ou rouge a un côté un peu surréaliste, dévoilant les réinterprétations d’anciens modèles créés par le couple formé par Nana Aganovich et Brooke Taylor. Ils ont fait appel à leur ami et photographe Erik Madigan Heck, qui a repris pour l’occasion un travail laissé en suspens. A la fois rétro et hypnotique, ce film créatif reste dans les esprits.
 
Chanel, qui ouvrait le bal, s’en est tirée aussi par une jolie pirouette en diffusant un film ultra-court. Moins d’une minute et demi ! Sans aucun doute, la trouvaille la plus réussie de la journée. Montrer sans trop dévoiler, tout en donnant envie d’y revenir. Un peu comme un teaser ou un clip, entraînant le spectateur dans une danse, au rythme syncopé des images qui se succédaient à toute allure, en noir et blanc ou en couleurs. Avec l’invitation finale d'aller découvrir la suite sur le site de la maison.
 
Même stratégie pour Alexandre Vauthier avec une vidéo encore plus courte (25 secondes) et pratiquement illisible avec son lot d’images floues ou qui sautent, comme retransmise d’un vieux poste défectueux, qui finit d’ailleurs par s’éteindre brutalement. Le clip est accompagné d’une musique rock punk. Curieusement, ces trois vidéos affichent chacune une bande-son percutante, comme si les créateurs profitaient de cette tournée virtuelle pour tester ce dont ils rêvaient sans jamais oser le proposer sur un podium…
 

Les anges danseurs de la maison de Sofia Crociani - Aelis


De la musique à la danse il n’y a qu’un pas. Ce n’est pas la première fois, du reste, que mode et langage du corps se rapprochent. Et le format vidéo offre l’occasion rêvée pour montrer des chorégraphies sophistiquées, où danseurs portent avec grâce les créations Haute Couture.
 
A l’instar de la collection de Sofia Crociani pour sa maison Aelis, totalement écoresponsable, qui se révèle de manière poétique et comme flottant dans l’air, endossée tour à tour par des femmes, des hommes et d’étranges créatures formées d'hommes portant des femmes ou d'un groupe de danseurs agrégés entre eux. Cette mise en scène fascinante, où les genres se mélangent harmonieusement entre anges déchus et gentils monstres, est signée de l’artiste Jacopo Godani.
 
Autre stratégie, celle du récit, comme le met en pratique le japonais Yuima Nakazato, qui a eu l’idée pendant le confinement de demander à 25 de ses clients dans le monde de lui envoyer une chemise blanche pour la réinventer en pièce couture. On le voit ainsi interroger chaque client à distance par écran interposé pour connaître l’histoire de chaque chemise et la personnaliser au mieux.
 
L’idée n’est pas nouvelle, mais voir le créateur en blouse blanche prendre des notes, devant chaque client-patient, tel un médecin ou un psychologue, nous replonge inconsciemment dans l’atmosphère vécue pendant la pandémie du coronavirus. Et si la mode avait des vertus thérapeutiques ?
 
De son côté Rahul Mishra nous conte une autre jolie histoire. Celle de ces papillons, symboles de liberté et de légèreté, que le créateur a pu observer dans son jardin pendant le confinement avec l’arrivée du printemps et le réveil de la nature. Tandis qu’il nous raconte ses inspirations, papillons, fleurs, libellules et hérons prennent forme sous nos yeux, brodés dans des fils multicolores par ses artisans indiens.
 

Julien Fournié, à genou sur la gauche, s'est mis en scène dans son studio - Julien Fournier


Le reste de la journée a mis en avant des présentations plus classiques, comme celles d’Alexis Mabille qui a reproduit un défilé en mode confinement avec un seul et même mannequin réapparaissant à chaque fois avec un nouveau modèle. En guise de podium, un espace claustrophobique tapissé de rose prenait des allures de boîte, à l'intérieur de laquelle se déroulait le show.
 
Stéphane Rolland a fait appel lui aussi à un mannequin unique, l'espagnole Nieves Alvarez, l’une des dernières muses d'Yves Saint Laurent, qui va et vient sur un plateau de cinéma, enveloppée de longues capes et de robes cocon sur des mélodies de film, nous replongeant dans l’imaginaire cinématographique français des années 1970.
 
Julien Fournié a sorti également les projecteurs, nous invitant dans son studio où, là encore, un seul et unique mannequin procède sous nos yeux aux essayages, tandis que le styliste s’affaire autour d’elle, aidé de son équipe. Pendant près de sept minutes, une voix hors champs vante les mérites de la maison avec son "service exclusif" et "ses savoir-faire". L'impression finale est celle d'un spot publicitaire.
 
Même style plutôt traditionnel pour les quelques défilés "hors calendrier", tel La Métamorphose, qui embarque trois beautés en ballade au château d’Amboise, ou Yanina Couture, qui lâche ses mannequins revêtues de tenues scintillantes, s’inspirant de la faune sauvage, dans un jardin luxuriant façon jungle.

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