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La basket se redécouvre une fibre "bleu-blanc-rouge"

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2 mai 2021

(AFP) - Défendues par de jeunes entrepreneurs aux préoccupations sociétales et environnementales, les marques de baskets "made in France" fleurissent mais leur développement reste hypothéqué par la faiblesse de l'appareil industriel du pays.



Le site "Marques de France" en répertorie déjà une petite vingtaine. La basket - pardon, la "sneaker" - est "l'une de nos catégories de produits les plus recherchées", glisse sa cofondatrice Élodie Lapierre.

Ces jeunes marques mettent en avant l'utilisation de matériaux recyclés, rejettent la rotation accélérée des collections, se targuent de créer de l'emploi et se font les garantes de l'éthique, la fabrication en France excluant de fait le travail des enfants reproché aux grandes marques internationales.

Mais si l'intérêt du consommateur semble au rendez-vous, les volumes restent plus que modestes. L'industrie nationale fabrique environ 300.000 paires de chaussures de sport par an. De quoi couvrir... 0,2% de la demande, alors que la basket représente désormais la moitié du marché total de la chaussure.

Des acteurs qui montent, comme Caval ou M. Moustache, se sont résolus à fabriquer à l'international, "faute de trouver en France une solution leur permettant de rester dans une gamme de prix raisonnable", constate Dorval Ligonnière, responsable des études à la Fédération française de la chaussure.

Domination asiatique



Depuis toujours, le marché de la basket est archidominé par les productions asiatiques. 

Avec près de 60.000 paires sourcées dans l'Hexagone, Le Coq sportif se dit "premier fabricant de chaussures de sport en France". Et la marque à capitaux suisses souhaite rapatrier toute sa production, comme elle l'a fait pour son textile.

Aujourd'hui, comme la plupart des marques, elle n'a pas d'atelier propre: la fabrication est confiée aux quelques spécialistes encore debout, à Cholet (Maine-et-Loire) ou Romans-sur-Isère (Drôme). Le Coq sportif espère maintenant "produire en France plus de 150.000 paires" fin 2022 et à terme rapatrier la part de sa production effectuée au Portugal.

Au sein du fragile tissu de sous-traitants assurant cette production, une entreprise industrielle émerge: La Manufacture, l'une de la demi-douzaine d'usines françaises capables de produire plus de 200.000 paires par an. 

Depuis trois ans, cette filiale du groupe Eram assure aussi une partie de la fabrication des baskets du Coq sportif, de 1083, de Jules et Jenn ou Berthe aux Grands Pieds...

La main d'oeuvre, c'est 40% du prix de revient d'une chaussure. "Chez nous, le salaire le plus bas, c'est 1.800 euros par mois. Au Portugal, c'est 800 euros ! Je ne sais pas combler cette différence avec des gains de productivité", soupire Jean-Olivier Michaux, le directeur industriel du groupe, dont les produits sortent d'usine au prix minimum de 100 euros.

Aux coûts de production, s'ajoute le manque de main d'oeuvre. "Il faut deux ans pour former une piqueuse chaussure. Le savoir-faire est beaucoup plus pointu qu'en maroquinerie, avec des prix de vente bien moins élevés", relève Jean-Olivier Michaux.

Un combat inégal



Le combat est bien inégal: quand Nike vend un milliard de baskets par an, la société romanaise Insoft espère commercialiser cette année 10.000 exemplaires de son modèle Ector, en fibres synthétiques recyclées et recyclables. Il lui faudrait en écouler de 15.000 à 20.000 par an pour pérenniser sa production...

"Associer 'made in France' et respect de l'environnement, ça reste compliqué", concède Patrick Mainguené, fondateur de cette entreprise de douze salariés, qui voit l'avenir dans l'association de la mode et de l'économie circulaire, comme les séries limitées réalisées hier avec Agnès B., demain avec Kickers.

L'avenir est plus dégagé dans le domaine purement sportif où la France compte des marques reconnues à l'international.

Pionnière, la PME ardéchoise Chamatex, spécialisée dans le textile technique, avec ses 150 salariés et ses 30 millions d'euros de chiffre d'affaires, va démarrer cet été son "usine du futur", capable de fabriquer en vitesse de croisière 500.000 paires par an. "Des projets comme le nôtre, d'une telle ampleur, on n'en connaît pas", note la responsable de l'usine Lucie André.

Ce pari à 10 millions d'euros a été rendu possible grâce à trois grandes marques régionales, Salomon, Babolat et Millet, qui ont investi dans la filiale et vont lui acheter sa production.

Un pari non sans risques: fin 2019, le géant allemand Adidas a fermé son usine high tech ouverte deux ans plus tôt dans son pays d'origine, faute de taille critique.
 

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