La déprime des marchands de jade, la pierre de la Chine impériale

HONG KONG, 15 sept 2013 (AFP) - Symbole du pouvoir absolu dans la Chine impériale et paré de pouvoirs magiques, le jade est aujourd'hui prisé par les Chinois les plus fortunés. Mais les plus belles pièces ont du mal à trouver preneur en raison de l'envolée des prix.

Au cours des huit dernières années, les prix n'ont cessé de grimper, dopés par l'appétit croissant des millionnaires chinois et les craintes d'une pénurie de l'offre de Birmanie, gros pays producteur. Et les analystes tablent sur un éclatement de la bulle.

"Les clients ne peuvent pas accepter les prix actuels, alors personne n'achète", déclare à l'AFP Li Kwong-kei, un commerçant, sur le salon de la joaillerie et des pierres précieuses de Hong Kong.

Cette édition est plus calme que les deux précédentes, note le marchand hong-kongais, qui fréquente cette foire depuis dix ans.

"Nous sommes obligés d'enchérir, c'est vraiment très difficile d'obtenir du jade brut d'excellente qualité de Birmanie. Si vous ne proposez pas plus, les pierres les plus belles vont dans la poche des concurrents", ajoute Li Kwong-kei, qui examine un bracelet de 2 millions de dollars de Hong Kong (194 000 euros).

"J'ai décidé d'attendre que les prix redescendent pour le jade de bonne ou de qualité supérieure", indique Judy Chen, une acheteuse taïwanaise. Les commerces plus modestes sont également affectés: dans le célèbre marché au jade de Hong Kong, fréquenté par les touristes et les Hongkongais de la classe moyenne, le chaland est rare.

"Les prix sont élevés alors que le marché est mou", soupire sur un stand Wong Fung-ying, qui dit avoir vu plusieurs collègues fermer boutique.

Symbole de pureté et de longévité, cette pierre dont les teintes vont de l'épinard au vert laiteux est réputée apporter la santé et éloigner les mauvais esprits en Chine. Préféré à l'or, le jade est aussi devenu un signe extérieur de richesse chez les Chinois fortunés.

Les marchands craignent une pénurie de pierres birmanes car le pays préfère de plus en plus travailler le matériau et vendre les pièces finies, plutôt que simplement vendre du brut.

Liang Jianhui, un marchand du Guangdong (sud de la Chine), qui était un des 7 000 acheteurs lors des enchères de juin à Naypyidaw, la nouvelle capitale birmane, est reparti les mains vides.

"J'avais mis de côté 2 millions d'euros pour ces enchères, pour découvrir ensuite que cela ne suffisait pas à remporter une seule pièce de qualité supérieure", explique-t-il à l'AFP.

"Un morceau de jade brut vendu auparavant 100.000 euros part cette année à 500.000 euros".

Près de 90% de la jadéite "la jade la plus précieuse" provient des gisements de Hpakant, dans le nord de la Birmanie. Des enchères sont organisées habituellement au moins deux fois par an. Mais en 2013, le pouvoir birman n'a organisé qu'une seule grande vente et le nombre des lots était inférieur de 38% par rapport aux enchères du printemps 2012, selon les chiffres du gouvernement.

Les Birmans "veulent désormais travailler la pierre chez eux et vendre (les pièces) à la Chine", explique Li Lianju, vice-directeur du département des ressources du Yunnan, qui supervise le commerce du jade entre la Birmanie et le Yunnan, une province chinoise frontalière.

"La valeur est multipliée par vingt lorsque la pierre est travaillée en bracelet, bague ou collier", note Zu Engdong, directeur du département de gémmologie de l'université de Kunming, dans le Yunnan.

Certains craignent même que les Birmans suspendent, ou du moins réduisent fortement, la production de jade, pour protéger ses ressources. Des heurts dans l'Etat Kachin peuvent aussi avoir freiner l'extraction des pierres.

Li Lianju note que les prix du jade de qualité inférieure sont à la baisse. "La bulle pour les prix des produits de qualité faible ou moyenne a éclaté en premier car il n'y a pas de crainte de pénurie pour cette catégorie-là".

Les bijoux taillés à partir des pierres achetées en juin porteront toujours des prix très élevés, selon lui, mais "d'ici la fin de l'année, les prix vont redescendre de leurs cimes", prédit-il.

Par Celine GE