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23 juil. 2020
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Le projet Resilience veut impulser un renouveau de la production textile française

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23 juil. 2020

Était-ce l’électrochoc salutaire pour l’industrie textile française ? L’impact des mesures de lutte contre la pandémie de Covid-19 au premier semestre sur l’activité a fait naître des vertus fortes, sur lesquelles le secteur pourrait s’appuyer dans ses ambitions de relocalisation.


PME et ateliers d'insertions se côtoient dans le projet - Resilience


Les industriels ont su montrer une capacité d’adaptation, de la réactivité, et un esprit collectif en convertissant une part de l’outil de production et mobilisant la main d’œuvre pour la réalisation de masques lors du confinement, alors que la pénurie faisait rage. Depuis, plusieurs projets ont subi des retours de bâton, mais nombre d’actions très locales dans toute la France mais aussi nationale comme la plateforme SavoirFaireEnsemble ou l’opération masque solidaire, qui ont mobilisé et fait travailler conjointement des acteurs d’une filière assez peu portée sur l’initiative collective.

Une approche sociale et solidaire

A l’approche collective de l’industrie textile, le projet Resilience, né pendant le confinement, a ajouté un volet social et solidaire en intégrant dans son organisation des entreprises d'insertion et des entreprises adaptées. Aux racines du projet, des discussions entre Thibault Guilluy, haut commissaire à l’inclusion dans l’emploi et à l’engagement des entreprises et Sébastien Kopp, cofondateur de Veja autour de l’implication de structures de l’économie sociale et solidaire dans les besoins de production de masques. Rapidement Christophe Lépine et Carol Girod de l’Agence C sont contactés et activent leurs réseaux.

Ils se sont rencontrés chez Nike il y a une quinzaine d’années et connaissent parfaitement le secteur. Avant de lancer leur agence de conseil, Christophe Lépine a cofondé avec Thomas Giorgetti Bleu de Paname, label phare du made in France, et connaît parfaitement les enjeux de la production hexagonale. Carol Girod, vice-présidente en charge de la communication du projet Résilience a été directrice de marque chez Reebok puis Nike avant d’œuvrer en tant que responsable des marchés Benelux entre 2015 et 2017.


Depuis mars 20 millions de masques ont été produits par le projet - Resilience


En avançant sur le concept de Résilience, ils trouvent directement du répondant. La holding de la famille Leclercq, fondatrice de Decathlon, investit directement pour soutenir le projet et Julien Leclercq et Pierre Guérin s’impliquent. "Le projet est parti comme une fusée, admet Carol Girod. Nous avons notre réseau dans le textile. L’univers de l’ESS, avec les CAT, ce n’est pas notre réseau. Mais nous avons pu travailler avec des acteurs qui nous ont amené leur expertise. Et pu faire travailler sur le projet des entreprises du textile et ces entreprises de l’économie sociale et solidaire. Nous avions l’atelier à Roubaix mais au plus haut nous avions une centaine d’ateliers et de PME de toute la France impliqués."

Une mobilisation qui permet au projet Resilience de monter en puissance dans la production de masques. Si bien que l’objectif de production de 20 millions de masques, homologués par le ministère de l’Armement, devrait être atteint d’ici la fin du mois de juillet. Et ceci sans avoir à pâtir de stocks invendus que certains acteurs de l’industrie doivent actuellement écouler.

montée en puissance rime avec montée en compétences



Une gageure pour les instigateurs du projet. Mais surtout la validation de la première étape vers un projet plus ambitieux. Car Resilience veut à présent voir plus loin pour une production made in France. Et dans l’idée, la montée en puissance rime avec montée en compétences. "Dans une industrie textile où les coûts sont très serrés, les entreprises n’ont plus le temps et les moyens de former des salariés pendant 12 à 18 mois. Mais ces PME ont une main d’œuvre vieillissante et sont à la recherche de salariés motivés et compétents. Bien sûr actuellement dans le projet, les ateliers de réinsertion ne sont pas ceux qui apportent le plus de production, mais ces jeunes ou personnes en difficultés sont animés par l’envie de travailler. Si nous sommes capables en quelques mois de proposer à des entreprises des salariés formés et avec la bonne attitude pour l’industrie textile, nous pourrons alléger la problématique de recherche de main d’œuvre du secteur."
 

Donner un débouché à des personnes en insertion dans une filière en recherche de main d'oeuvre - Résilience


Point majeur : ces futurs salariés ne produiront certainement pas des masques. Aussi Résilience amorce la production de tee-shirts. La réalisation de cette pièce, simple, va permettre de continuer la formation des personnes en insertion mais pas seulement. "Le tee-shirt c’est un symbole très fort, avance Christophe Lépine. Notre ambition est de devenir le numéro un de la production de tee-shirts en Europe. Cela paraît impressionnant, mais aujourd’hui 90 % des tee-shirts vendus en France viennent d’en dehors de l’Europe, en particulier du Bangladesh. Il n’y a plus d’acteurs majeurs ici. Donc si l’on capte 1 % du marché cela représente déjà des volumes très importants. Et les notions de production française et d’inclusivité sont des notions auxquelles les marques sont encore plus attentives."

Atteindre le million de pièces en 2021



L’ambition est donc forte et affichée. Les premiers produits, dont le prix est annoncé à 7 euros, seront disponibles dès la rentrée sur une formule de stocks. La direction de Resilience annonce 100 000 pièces disponibles sur la fin d’année pour atteindre le million en 2021. La coopérative mise sur les appels d’offres des acteurs institutionnels, mais aussi sur des entreprises ayant besoin d’équiper leurs salariés et incluant des valeurs fortes dans leurs achats ou encore sur les musées et évènements internationaux. "Les appels d’offres liés aux JO de Paris 2024 débutent. Et pouvoir avoir des hôtes et des sportifs avec des produits made in France aurait du sens."

Car le projet table aussi sur un produit avec un faible impact entre la fibre et le tricotage et ainsi éviter que le coton initial contienne des OGM mais aussi qu’il parcourt plusieurs fois le globe avant d’être finalisé. Son coton sera donc africain et voyagera par bateau.




Outre la commercialisation de ces tee-shirts. Le projet Resilience va donc mettre en exergue son approche avec deux outils clés pour la rentrée. Un label low-impact, associé à une application, va voir le jour visant à mesurer l’impact réel de la production d’un vêtement et visera une percée auprès des marques. Et pour montrer que ses ambitions ne se limitent pas au tee-shirt, une collection spécialement conçue et produite en France avec des silhouettes complètes sera dévoilée dans les premiers jours de septembre.

"l’enjeu de moyen terme sera pour l’industrie française d’avoir une industrie compétitive"



Le développement de l’offre de produits réalisés sera en effet nécessaire sur le moyen terme pour pérenniser le projet. Si pour l’heure, les instigateurs travaillent à réunir des partenaires, l’enjeu de moyen terme sera pour l’industrie française d’avoir une industrie compétitive. "Les propositions de l’UFimh vont dans le bon sens. En particulier, l’idée d’un crédit-production de 1 000 euros par salarié qui serait un bon début, estime Carol Girod. Nous avons un outil de production qui a aussi besoin d’être modernisé. Il y aura certainement besoin d’un travail de l’Etat pour avoir des outils compétitifs."

Si les arguments de proximité, d’inclusivité et de responsabilité environnementale peuvent constituer des atouts pour l’industrie hexagonale, l’investissement technique des acteurs du made in France paraît en effet incontournable pour rivaliser au niveau international. "Avoir une industrie 4.0 demande des investissements mais c’est incontournable. En France nous avons des artisans extrêmement doués mais ce sont des modèles qui correspondent aux acteurs du luxe. Mais si nous ne faisons pas ces évolutions, sur le textile milieu de gamme nous ne pourrons pas être compétitifs", conclut Christophe Lépine.

 

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