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17 nov. 2011
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Le textile dans la maison de demain

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17 nov. 2011

UN MATÉRIAU ADAPTÉ À DES NORMES DRASTIQUES

Grâce à ses propriétés mécaniques élevées, le textile est considéré comme le 5ème matériau dans la construction, derrière le bois, le verre, le béton et l’acier. Il a su se montrer indispensable de par sa légèreté, sa résilience et sa flexibilité, tout en respectant des normes et des niveaux de qualification élevés, et il constitue une véritable opportunité d’innovation.

Le choix des matériaux est un point crucial de la conception des bâtiments durables, étant donné l’incidence du cycle de vie des produits. Il faut concilier des normes de plus en plus drastiques qui imposent d’avoir des matériaux à la fois performants et sobres en énergie grise. On tiendra donc compte de la consommation de ressources, du recyclage voire du réemploi des matériaux, aussi bien à la construction, qu’à l’entretien et à la rénovation du bâtiment. On estime que l’industrie de la construction consomme environ 40 % du flux de matières à l’échelle mondiale, et représente 33 % des déchets solides en Amérique du Nord(1).

La mise en oeuvre traditionnelle des produits de la construction fait l’objet d’une certification(2) délivrée par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB). Compte tenu des règles de sécurité en vigueur dans les constructions, la plupart des produits finis doivent satisfaire à un classement de réaction au feu. Ils doivent aussi répondre à des normes de sécurité environnementale de façon à respecter la santé et l’hygiène du travailleur et des usagers. Ainsi certains matériaux textiles peuvent remplacer des matériaux prohibés, tels que l'amiante. Le respect des spécificités régionales, culturelles et climatiques est aussi une dimension à intégrer, car cette profession reste souvent héritière de savoirfaire régionaux.

ATOUTS ET PERFORMANCES DES MATÉRIAUX TEXTILES DANS L’HABITATION

La filière du bâtiment est complexe, et la Fédération Française du Bâtiment (FFB) représente aujourd’hui 32 métiers, avec de nombreuses applications du textile. Le matériau textile technique est utilisé seul ou en complément d’autres matériaux. L’industrie des textiles techniques propose des solutions adaptées aux problématiques réelles de la construction, prêtes à être mises en oeuvre. La demande émane surtout des équipes de maîtrise d’oeuvre qui disposent de plusieurs solutions alternatives certifiées pour répondre aux besoins. En termes d'applications, on distingue plusieurs grandes familles d’usage :

- les structures architecturales
De plus en plus les membranes remplacent le verre dans les verrières de couverture. Les atouts des membranes sont la légèreté, une bonne durabilité, et la possibilité d’avoir de grandes surfaces continues, ce qui nécessite moins de structures liées. On note que les enducteurs textiles représentent une part importante de la production sur ce marché. Premier producteur européen de tissus enduits, l’entreprise française Ferrari est leader sur ce secteur et a mis au point un procédé baptisé Texyloop® pour recycler les textiles polyester enduits de PVC, en collaboration avec Solvay.

L’utilisation de la toile translucide réfléchissant le soleil permet de minimiser l’usage d’éclairage électrique à l’intérieur du bâtiment. Les tissus photovoltaïques servent à capter l’énergie nécessaire au fonctionnement du bâtiment. On peut citer quelques exemples d’architectures textiles comme le pôle loisirs de Lyon Confluence, ou encore l'Aqua Mundo à Attigny où l’enveloppe textile du bâtiment s'ouvre, se ferme, avec un degré d’opacité variable.

- Les textiles de renfort

Les renforts textiles en fibres ou mailles 3D peuvent se mêler au béton et permettre des innovations architecturales significatives en raison du gain de poids réalisé (élévation de parois, de travées courbées, constructions de portées libres). Les fibres de verre et les fibres de carbone sont les plus utilisées. Dans les régions à fort risque sismique, on commence à utiliser un revêtement mural antisismique intelligent(3) composé de tissus multiaxiaux. Le type de matériau, sa densité et la direction des fibres ont été optimisés pour permettre aux structures des bâtiments de résister au mieux aux contraintes les plus fortes subies lors de séismes. Ce textile est enduit d'un polymère à nanoparticules qui assure la cohésion du textile avec le mortier et augmente la durabilité du produit.

- Les matériaux textiles d’isolation
Pour l’isolation thermique et acoustique, on utilise souvent des produits faits de non tissés qui apportent leurs qualités d’élasticite à l’ouvrage, les performances techniques étant assurées par des polymères. L’ Union des Métiers du Plâtre et de l’Isolation (UMPI) a réalisé récemment une étude dédiée à l’isolation thermique des parois opaques(4), comparant les principaux matériaux d’isolation (conditionnement, application, certification, énergie grise ...). Il n’existe pas de produits vraiment « bio », dans la mesure où tout isolant est manufacturé et comporte donc des traitements ou des additifs. Aujourd’hui, 80 % du marché de l’isolation est tenu par les fibres minérales (laine de verre, laine de roche) et les isolants artificiels (polyuréthane, polystyrène). Les 20 % restants sont tenus par les autres produits d’origine naturelle (fibres végétales et animales).

En France, le marché de l’isolation est estimé en volume à 18,8 millions de m3, dont 45 % pour le secteur résidentiel, avec la moitié pour le neuf et l’autre moitié pour la rénovation (5). Les principaux acteurs sont Isover, Rockwool, Knauf, Ursa. L’ensemble de l’industrie mondiale du secteur de l’isolation représentait un chiffre d’affaires de 29,2 milliard de dollars en 2009, avec 10 milliards en Europe et 7 milliards en Amérique du Nord, et le marché mondial de l’isolation devrait croître de 3, 8 % jusqu’à 2012(6).

De plus en plus, les produits isolants sont issus des filières de recyclage, telles que la filière de l’habillement (Métisse®(7), laine de coton ISOA), la filière du papier ouate de cellulose faite en papier recyclé), la filière de la literie (matelas en ouate de polyester). Plus de 5 millions de matelas et sommiers sont enfouis chaque année, alors que 95 % des matériaux sont réutilisables(8).

- l’aménagement intérieur
Les murs et plafonds « tendus textiles » sont faits d’un profilé de maille polyester de grande largeur, enduite de polyuréthane et imprimable, qui constitue un exceptionnel isolant phonique. Le velum(9) permet une meilleure répartition de la lumière, qu'il s'agisse de velums opaques et fixes comme au musée d'art Moderne de New York et à Bruges, ou de velums translucides comme à l'annexe de la National Gallery de Londres.

L’industrie du revêtement textile souffre de la concurrence des autres revêtement de sol comme le parquet et le vinyl. En 2010, le marché de la moquette était encore en recul par rapport à 2009, la baisse étant en partie compensée par une montée en gamme. Dans les années 1990, ce marché a été fort déstabilisé par une campagne accusant la moquette de favoriser les allergies. Les innovations récentes tendent à réhabiliter la moquette textile qui présente des atouts intéressants (fatigue réduite à la marche, sécurité en cas de chute, ou assainissement de l’air avec la laine).

Le marché mondial de la moquette devrait atteindre 19,9 milliards de dollars en 2015 (10) . Les deux produits majeurs sont la moquette tissée et la moquette tuftée. Les Etats-Unis règnent toujours sur ce marché, suivi par l’Europe et par la région Asie-Pacifique, sensée devenir leader d’ici 2015, étant donné la forte croissance de l’Inde et de la Chine.

Le textile se fonctionnalise, et l’on conçoit maintenant des tissus pour l’éclairage ou le balisage, faits de fibres optiques ayant reçu un traitement de surface qui permet
d'organiser des « fuites » de lumière. Les revêtements textiles se dotent de fonctions intelligentes dans les sols photoluminescents ou les tapis de protection anti-chutes pour les personnes âgées. Les textiles peuvent être aussi chauffants ou pourvus de capteurs réagissant à des signaux (chaleur, lumière, impulsions électriques), voire de capteurs d’humidité et bactériostatiques.


LE TEXTILE ALLIE TRADITION ET INNOVATION

Il est probable que les plus anciens modèles textiles évoquent la technique des premiers enclos. Les premières manifestations du tissage se retrouvent dans les palissades grossièrement tressées des époques préhistoriques. Textile et maçonnerie, tissage et architecture, ont joué dans l’imaginaire et dans la technique de l’homme des rôles homologues et souvent imbriqués, au service de la réservation de l’espace et de la quête d’un refuge(11).

Aujourd’hui en France, de grands industriels étudient de nouveaux usages émergents du textile dans le bâtiment. Parmi les tendances actuelles, on trouve les matériaux composites, la filtration et la qualité de l’air intérieur, les traitements contre le vieillissement des surfaces, les nanotechnologies dans l’enduction. Les métiers de la construction sont des métiers traditionnels, ou les savoir-faire s’acquièrent réellement au sein des équipes de travail. Les usages de mise en oeuvre sont bien ancrés dans les habitudes, ce qui ne facilite pas l’innovation et la pénétration des nouveaux produits. Un des objectifs du projet européen Contex-T (12) fut de développer de nouvelles constructions intégrant des structures textiles conformes aux normes de sécurité anti-feu. Mis en place début 2010, le réseau de compétences allemand «Textiles techniques dans la construction»(13) met en synergie les savoir-faire, avec comme leitmotiv «de la tradition à l’innovation».

L’homme a besoin de rêver sa maison, de s’y sentir bien. Cette année, le concours international “Textile Structures for New Building 2011” a révélé le travail de Riva Fleur Vida14, jeune étudiante allemande. Elle a conçu une structure très simple, sorte de bandage en 3D, couvert d’un fin filet de tissu. Sa réalisation évoque un écran, une cloison légère qui filtre la luminosité, un rideau acoustique. C’est une oeuvre originale, élégante et poétique.

Déjà dans le manifeste du Bauhaus en 1919, Walter Gropius incitait à «donner à des objets une forme organique conforme aux lois qui les lient au présent, [...] La simplicité dans la multiplicité, la dépense minimum d’espace, de matériau, de temps et d’argent.».





CHRISTINE BROWAEYS

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