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Clémentine Martin
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29 nov. 2019
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Liborio Sevilla, repreneur de Victoria à l'aube des années 2000, prépare sa succession

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Clémentine Martin
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29 nov. 2019

Malmenée par la concurrence asiatique, cette marque iconique de la chaussure espagnole a bien failli disparaître il y a 20 ans. Sauvée de justesse par trois entrepreneurs pleins de ressources, et en chef de file Liborio Sevilla, la griffe de baskets Victoria est née en 1915 à Cervera del Río Alhama, à 300 kilomètres au nord-est de Madrid. Elle a connu son apogée dans les années 1980 avec la création de son modèle "Inglesa" pour homme et femme. Cette tennis en toile inspirée d’une chaussure Oxford se décline aujourd’hui dans une large palette de couleurs allant d’un turquoise intense à un jaune vitaminé. Aux commandes aujourd'hui, on retrouve toujours Liborio Sevilla, mais plus pour très longtemps puisque ce dernier s'apprête à passer le flambeau à son actuel bras droit, Javier Garrido.


Showroom de la marque dans ses nouveaux locaux - Victoria


"Ma carrière professionnelle touche à sa fin", explique-t-il à FashionNetwork.com. "Javier Garrido a fait son entrée au sein de l’entreprise il y a un peu plus d’un an et demi. L’une de mes principales préoccupations était d’assurer une continuité au projet Victoria", revendique Liborio Sevilla. "Tous les espoirs de la marque reposent sur lui désormais. Javier a 20 ans d’expérience dans la chaussure, il appartient à la troisième génération d’une famille d’artisans chausseurs de La Rioja, il dispose d’un bon bagage grâce à des projets propres", affirme-t-il avec force.

Le passage de témoin se fait peu à peu. La date finale n’est pas arrêtée, mais "mon départ est imminent", glisse Liborio Sevilla. "Le processus de transmission des connaissances et de l’ADN de la marque est déjà fait. Si la construction des nouvelles installations n’avait pas eu lieu en même temps, ce serait déjà terminé. Cette année a été frénétique !", s’exclame le cofondateur de Calzados Nuevo Milenio.

Un nouveau centre logistique pour préparer l’avenir



En tout cas, Liborio Sevilla aura eu le temps d’inaugurer la nouvelle fierté de son entreprise avant de la quitter : un centre logistique de plus de 7 500 mètres carrés d’entrepôt et de 1 800 mètres carrés de bureaux dont la construction a démarré il y a deux mois.

Le nouveau bâtiment, qui respecte les nouvelles normes d'efficacité énergétique, représente un investissement de neuf millions d’euros et centralise toute la logistique de Victoria : toutes les commandes de la boutique en ligne et toutes celles issues de la vente en gros en Espagne et à l’étranger y sont traitées.


Un million de paires de chaussures pourront être stockées dans le nouvel entrepôt de Victoria - Victoria


"Actuellement, dans le retail, on tend à recevoir des commandes moins importantes et plus urgentes. On attend la rupture de stock pour faire du réassort, et c’est en ce sens que nous pensons que notre investissement dans la logistique a du sens", analyse Javier Garrido.

Implanté dans la commune d’Arnedo, ce centre dispose d’une capacité de stockage d’un million de paires de chaussures. La technologie y est omniprésente : 34 robots gèrent automatiquement la préparation des commandes, tandis que l'humain contrôlent la qualité du travail effectué automatiquement et finalisent l’emballage.


Les classiques ont le vent en poupe



Ce qui ne change pas chez Victoria, ce sont les processus de fabrication. Celui de sa célèbre basket en toile "Inglesa" n’a en tout cas jamais bougé d'un iota. La marque élabore 86 % de sa production en Espagne et 14 % seulement en Chine. La fabrication a principalement lieu dans la région de La Rioja, dans cinq usines détenues par la marque : 70 % des paires manufacturées en Espagne y sont produites, le reste se fait à Alicante.


La basket anglaise de Victoria est fabriquée à l’aide de machines datant de plus de 50ans via un procédé de vulcanisation - FashionNetwork.com


Dans la commune de Quel, à proximité d’Arnedo, la tennis de Victoria est fabriquée avec des machines qui ont plus de 50 ans. Les procédés de fabrication sont réglés au millimètre. Premièrement, la tige en coton est assemblée à la semelle via une vulcanisation à plus de 120 degrés, effectuée à l’aide de presses pneumatiques et hydrauliques pendant plus de dix minutes. Ensuite, la basket est polie et le surplus de caoutchouc éliminé de la semelle. La chaussure est alors nettoyée et emballée pour l'envoi.

En saison haute (à partir de décembre, le moment de début de fabrication de la collection estivale), ce sont 1 500 à 2 000 paires par jour qui sortent de cette usine, contre 200 à 300 paires en basse saison.

La France est le premier marché étranger de Victoria



La marque ibérique est présente à l’étranger depuis 2006. Elle est implanté dans 54 pays et exporte 75 % de sa production. La France se positionne comme le deuxième marché le plus important de la marque, juste après l’Espagne. "Parfois, elle dépasse même l’Espagne", dévoile Liborio Sevilla. La Corée du Sud fait aussi partie de ses principaux marchés. L’une des trois boutiques de la marque se trouve d’ailleurs à Séoul. Les deux autres sont à Bangkok et à Salamanque.

Quels sont les objectifs de la marque à l’étranger puisqu’elle a déjà réussi à conquérir plus d’une cinquantaine de pays, dont, étonnamment pour des baskets en toile, le Groenland et l’Islande ? "Nous devons encore renforcer notre présence sur nos marchés actuels, gagner en ampleur. La France fait partie de nos régions consolidées avec plus de 1 000 points de vente et un réseau stable d’agents commerciaux", détaille le dirigeant.


Encore aujourd’hui, le modèle le classique de Victoria est son produit le plus vendu - Victoria


Dans son viseur également, les États-Unis, où l’entreprise est présente depuis il y a un peu plus d’un an, ainsi que le Moyen-Orient et la Chine, où elle est notamment implantée via Tmall. Victoria veut aussi faire les yeux doux aux consommateurs russes et canadiens, des pays où la marque a récemment fait son entrée.

"L’Amérique latine a aussi du potentiel. Sur ce continent, nous avons des partenaires solides, comme Falabella et El Palacio de Hierro, mais nous avons besoin de faire plus de ventes", soupire Javier Garrido, le directeur général.

À l’échelle mondiale, Victoria compte plus de 3 000 clients (beaucoup d’entre eux sont des chaînes, lui assurant un réseau de points de vente encore plus important). Parmi eux, plus de 1 100 sont en Espagne. La vente en ligne représente quant à elle 12 % des ventes. Cette année, Calzados Nuevo Milenio vise la stabilité par rapport à l’exercice 2018 et table sur un chiffre d’affaires prévisionnel de 32 millions d’euros avec Victoria et son autre label Bamba.

Depuis son sauvetage dans les années 2000, la marque a connu de nouveaux moments de gloire (de 2008 à 2010, son modèle le plus classique a fait des émules chez les plus jeunes) et a diversifié son catalogue pour que les ventes soient réparties sur un éventail plus large de modèles. Pour autant, la tennis "Inglesa" caracole toujours en tête des ventes. Indémodables, les classiques !

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