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Paul Kaplan
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16 janv. 2019
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Milan : sept marques qui ont enrichi le vocabulaire de la mode masculine

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Paul Kaplan
Publié le
16 janv. 2019

On parlait beaucoup à Milan de « sprezzatura », le mot italien pour « relaxation », « nonchalance », notamment chez Brioni et Bottega Veneta. Comme pour suggérer que la ville et sa mode auraient besoin d'un peu plus de légèreté pour attirer les millennials.
 
« Sprezzatura » était le leitmotiv de deux jeunes créateurs émergents et de deux maisons parmi les plus vénérables de Milan - le tailleur napolitain haut de gamme Kiton et Missoni, le spécialiste de la maille le plus optimiste de la péninsule. Voici sept marques qui ont enrichi le langage de la mode masculine au cours de la Fashion Week milanaise.


Bottega Veneta


Bottega Veneta

Chez Bottega, ce qu'il y avait de plus admirable, c'était la facilité avec laquelle Daniel Lee, son nouveau directeur artistique d'origine britannique, établit des ponts entre la mode masculine et la mode féminine - en utilisant des tissus similaires, surtout des cuirs seconde peau, déconstruisant le tailleur et s'amusant bravement avec le matériau emblématique de la maison : le cuir tressé « intrecciato ». Daniel Lee a aussi proposé de superbes ceintures en cuir avec des boucles en fer à cheval, qui vont, à n'en pas douter, se vendre comme des petits pains.

Le résultat était très réussi, à l'image de la collection féminine qu'il a présentée le mois dernier, tout en restant assez réservé, timide. On retient ses cachemires légers, ses manteaux de cuir seconde peau, superbes, coupés dans une matière d'un jaune « gilets jaunes » éclatant, et quelques pulls et cardigans aux formes audacieuses.

Daniel Lee avait décrit à plusieurs reprises sa première pré-collection féminine comme un « sorbet » : une description tout aussi adaptée à son travail pour le prêt-à-porter masculin, selon nous.

Son véritable baptême du feu devra donc attendre le mois prochain, quand il présentera sa première collection complète sur un podium milanais. Son plat de résistance.


Brioni


Brioni

Sprezzatura à tous les étages chez Brioni, où un nouveau directeur artistique, Norbert Stumpfl, a présenté ses idées dans le nouveau showroom de la maison, à l'étage supérieur de l'appartement qui appartenait autrefois à Patricia Gucci. Oui, la femme qui a payé un tueur à gages pour assassiner son mari, Maurizio Gucci. Non, pas vraiment ce qu'on pourrait qualifier de « nonchalant ».

Une nouvelle voix, donc, chez Brioni, où la vision de Norbert Stumpfl s'exprimait particulièrement clairement dans plusieurs looks remarquables, en astrakan. Le créateur a choisi de combiner de la fourrure et des mailles en cachemire pour construire des blazers et des redingotes parfaitement... nonchalants. Son leitmotiv ? Une rayure militaire noire et blanche, vue sur d'élégantes doublures, ainsi que sur un foulard en vison rasé. Norbert Stumpfl a même réalisé une paire de chaussures en vison. Si ce n'est pas de la sprezzatura, qu'est-ce que c'est ?


Bed J.W. Ford


Bed J.W. Ford
  
Bed J.W. Ford est la maison du talent autodidacte Shinpei Yamagishi, qui a donné à sa marque le nom du quartier le plus prisé de Brooklyn, en y intercalant les initiales J.W. pour rendre son nom plus réaliste.

Shinpei Yamagishi a fait ses débuts à Tokyo en 2016, puis à l'international en tant que créateur invité au Pitti Uomo 94, l'année dernière. Il a également collaboré avec Adidas Originals et participé à Amazon Fashion dans la capitale japonaise.
 
« J'ai toujours aimé la mode et je suis fasciné par l'idée de faire des vêtements. Mais je ne pouvais pas me permettre de fréquenter une école de mode, alors, après le lycée, j'ai fait un stage en 2007, avant de lancer ma propre marque. Ces vêtements parlent d'un jeune homme qui s'habille, mais d'une manière très sophistiquée », explique-t-il.

Shinpei Yamagishi a toutes les vertus d'un autodidacte, mais aussi quelques défauts. Il a un grand sens du spectacle et un oeil pour tout ce qui peut mettre en valeur la silhouette d'un jeune homme. C'est un incroyable tailleur - ses costumes noirs, composés de pantalons évasés et roulottés, et de vestes en velours aux coupes parfaites, étaient tous deux impeccables. Tandis que ses longues parkas à capuche, ses trench-coats en laine épaisse et ses manteaux type Blade Runner - tous garnis d'une superbe doublure intérieure imprimée de toiles d'araignées - apportaient une énergie supplémentaire. Shinpei Yamagishi fabrique des vêtements pour les rockstars, mais les hommes ordinaires peuvent tout aussi bien les porter. En un mot, Bed J.W. Ford doit son nom à Brooklyn, mais c'est un excellent atout pour la semaine masculine de Milan.


Missoni


Missoni 

Le duffle-coat est de retour en haut de la vague et nulle part ailleurs plus que chez Missoni. La version d'Angela Missoni : un manteau jaune pâle en laine fine et douce, garnie de gros grain. C'est son charmant neveu Giacomo qui le portait le mieux.

Sinon, Angela a impressionné les critiques en adoptant une approche plus personnelle cette saison, à rebours de la tendance hippie chic de ses dernières collections. Le résultat : une merveilleuse garde-robe - côté détails, on a particulièrement remarqué le travail de déconstruction sur le motif à chevrons, les redingotes en cachemire à double boutonnage, les remarquables surchemises à carreaux rouges et orange, très automnales, et les pulls à col en V, torsadés, qui rappelaient les vêtements universitaires. Du luxe, oui, mais avec un air à la fois langoureux et opulent.

La collection témoignait du regain d'énergie chez Angela Missoni depuis que sa famille a cédé sa participation de 41 % dans l'entreprise au groupe italien de capital-investissement FSI l'année dernière. Avant l'ouverture d'un nouveau flagship sur Madison Avenue, près de Barneys, à l'automne prochain — Missoni est sur la bonne lancée.
 

County of Milan


County of Milan

Aucun groupe ne suscite autant d'enthousiasme et d'engouement en Italie que le New Guards Groups, l'entité qui contrôle Off-White, Heron Preston et County of Milan. En partie parce que sa croissance est explosive, mais aussi parce que la majorité de ses directeurs artistiques ont commencé leur carrière comme DJ dans des boîtes de nuit...

Parmi eux, le visage le plus sympathique est sans doute celui de Marcelo Burlon, qui a présenté sa dernière collection pour County of Milan dans une ancienne usine samedi soir. Le défilé était soutenu par une bande sonore industrielle et sombre - il s'agissait finalement d'un très noble rappel sur la capacité de la mode à donner son avis sur l'intolérance.

Ce qu'il fallait retenir du défilé, c'est surtout le stylisme - Marcelo Burlon présentait sa vision du gitan moderne ou plus exactement des vêtements contemporains tels qu'ils sont portés par les immigrants roms venus d'Europe de l'Est. Une combinaison improbable d'imprimés animaliers, de camouflage, de visions technologiques et d'images quotidiennes prises dans la rue. Un appel à la tolérance prononcé par l'un des DJ les plus célèbres de la péninsule.


Kiton


Kiton

Difficile d'imaginer une marque masculine italienne plus élégante que Kiton, une affaire de famille où la nouvelle génération était particulièrement à l'honneur. 

Dans son showroom de la via Pontaccio, Kiton a présenté des vestes déconstruites qui avaient la main la plus douce et la plus généreuse qui soit. À côté, c'est la ligne KNT qui était dévoilée. Dessinée par deux jeunes membres de la famille, Mariano et Walter De Matteis, il s'agit de vêtements de sport urbains avec une touche de sophistication - des pulls à capuche en feutre de cachemire, des cardigans zippés...


Miaoran


Miaoran

Le créateur d'origine chinoise Miaoran, qui a présenté son cinquième défilé en Italie, est l'un des talents les plus prometteurs de Milan. Celui-ci a fait ses débuts au quartier général de Giorgio Armani.
 
« Je voulais donner ma propre vision de Milan. Une ville spéciale, grise, mais élégante, toujours un peu sale et très froide. Mais à l'intérieur, c'est comme un jardin élégant, rempli de fleurs », explique le créateur.

Le résultat : une rencontre entre les costumes Mao et Milan - des cabans kaki de l'armée chinoise ou des perfectos de rockstar italienne à larges revers.

Mioran est arrivé en Italie il y a dix ans, pour étudier à l'école de mode NABA, où il enseigne désormais. Ses talents de modéliste se reflètent dans la perfection de sa coupe, trait d'union entre ses deux cultures. Même si dans son défilé mixte, ses meilleurs looks étaient pour les dames, notamment de superbes robes de cocktail en cuir ciré et de sublimes manteaux dessinés pour une fille qui n'a pas peur d'attirer l'attention.

« En fin de compte, je suis un straniero (étranger en italien), c'est donc ce qui ressort de mon travail », sourit le créateur de 32 ans.

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