Publié le
20 sept. 2019
Temps de lecture
4 minutes
Télécharger
Télécharger l'article
Imprimer
Taille du texte

Mode circulaire : la France se dote du premier recycleur-filateur européen de coton

Publié le
20 sept. 2019

Via sa machine prenant aussi en charge l'effilochage des tissus en coton et leur filature, sans équivalent en Europe, le Centre européen des textiles innovants offre à la filière textile une avancée d'importance vers la mode circulaire.


La machine dévoilée par le Ceti effiloche des tissus usagés, et reconstitue des fils de coton à 70 % issus du recyclage - MG/FNW


Fruit de deux ans de travaux et de deux millions d'euros d'investissement, la machine révélée le 19 septembre en grande pompe à Roubaix est ainsi le premier démonstrateur français de recyclage mécanique des fibres courtes. Ambition qui s'inscrit dans la lignée des défis lancés en termes d'éco-conception au Ceti, du polyamide 11 biosourcé développé pour Archema (amené à remplacer le nylon) à la chaussure de football Adidas en polyuréthane recyclable une dizaine de fois.

« Ce défi était compliqué car, dès qu'on sort de la fibre vierge (fibre qui n'a pas encore été exploitée, ndlr), on se retrouve avec des fibres effilochées beaucoup plus courtes, de 14 à 16 millimètres en moyenne », explique Pascal Denizart, directeur général du Ceti. « Cette orientation, c'est la réunion dans cette machine de l'effilochage et la filature. Cette synchronisation va nous donner de la performance. Car il y a bien évidemment derrière une logique économique, avec la nécessité de proposer à la filière un outil rentable. »

L'enjeu est de taille : cette transformation doit permettre à la France de produire des fils de coton en se basant sur ses propres matières premières, à savoir ses déchets techniques. Quelque 600 000 tonnes de vêtements sont chaque année mises en vente dans l'Hexagone. Si 55 % arrivent ensuite sur le marché de la seconde main, seulement 12 % sont effilochées pour être transformées. « Or, le coton pèse lourd dans cette masse restant à exploiter. Il représente ainsi 30 % de la consommation finale de fibres, et 45 % de la consommation de la filière textile. Mais, pour l'heure, c'est un gros gâchis », pour Pascal Denizart.

Bientôt chez Decathlon et ID Kids

Pour développer cette machine, le Ceti s'est associé au lavallois TDV Industries, l'un des derniers grands effilocheurs/filateurs français, et est aussi allé en Bourgogne solliciter l'entreprise de fabrication de machines Laroche. En résulte un outil offrant de produire un échantillonnage d'une centaine de kilos de coton à 70 % recyclés, le reste étant constitué de coton vierge écoresponsable. Des tests sont à l'œuvre à l'heure actuelle au sein de sociétés partenaires de l'initiative : les groupes Decathlon et ID Kids.


L'un des défis du recyclage du coton est que les fibres sont plus courtes après l'effilochage - MG/FNW


« Le coton est particulièrement présent chez nous, car très populaire auprès des mamans », explique ainsi le directeur industriel d'ID Kids, Didier Soufflet. « Et parce que son impact environnemental est important, introduire du coton recyclé est essentiel, d'où un investissement dans ce projet, afin de pouvoir l'enclencher de manière très complète et de proposer prochainement des collections en coton recyclé. Ce n'est pas du mécénat, il s'agit bien de généraliser son usage, et des annonces interviendront prochainement en ce sens. »

Chez Decathlon, ce coton recyclé est déjà mis à rude épreuve car employé pour des pantalons de chasse. « Nous sommes depuis des années investis dans le recyclage, notamment pour la production de chaussettes », explique Nagy Bensid, directeur industriel du groupe notamment en charge des fils et fibres naturels. « Nous avons essayé pendant des années mais sans résultat probant. Car on ne peut avancer seul sur un sujet qui concerne toute la filière, de la collecte à la distribution. Il y a un enjeu central qui est de garder nos tissus usagés chez nous, plutôt que de les expédier au loin, pour qu'ils nous reviennent ensuite sous forme recyclée. »

Le défi du tri

Les deux directeurs industriels ont profité de l'avancée que représente l'outil développé par le Ceti pour mettre l'accent sur ce qu'ils considèrent comme une grande problématique à venir pour le recyclage français des textiles : le tri. « Trier les textiles, c'est un métier, et il faut un œil d'expert plus qu'un tri rapide si nous voulons pouvoir aboutir à un travail sérieux sur le recyclage du coton », considère Nagy Bensid.

« On espère qu'on aura bientôt accès au gisement, et que les collecteurs se mettront au service du recyclage en triant ce gisement selon un cahier des charges que nous pouvons fixer », précise le responsable.


La qualité du tri des tissus usagés collectés est amenée à devenir un enjeu de poids pour développer le recyclage des déchets textiles - MG/FNW


De son côté, le Ceti espère que sa nouvelle machine dédiée à la circularité du coton est amenée à trouver son chemin jusque chez les industriels tricolores. Pascal Denizart pointe également l'enjeu grandissant du tri, qui pourrait porter préjudice aux avancées tricolores en matière de recyclage. « Il existe des machines de tri automatique dans certains pays. Si la France ne prend pas les devants, elle va vite se retrouver en retard », conclut le responsable.

Tous droits de reproduction et de représentation réservés.
© 2024 FashionNetwork.com