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Nouvel effondrement de la monnaie turque qui enfonce le pays dans la crise

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23 nov. 2021

La monnaie turque qui multiplie les records à la baisse s'est de nouveau effondrée mardi à un niveau historiquement bas, à près de 13 livres pour un dollar, enfonçant encore un peu plus le pays dans la crise.


La monnaie turque s'effondre à un niveau historiquement bas, à près de 13 livres pour un dollar - AFP



Dans l'après-midi, la monnaie turque avait même connu les enfers, perdant 15% et dépassant brièvement les 13,45 livres face au billet vert. Il s'agit de la baisse quotidienne la plus violente depuis le 10 août 2018.

Ce nouveau record intervient au lendemain de déclarations du président Recep Tayyip Erdogan affirmant qu'il ne changerait pas sa politique monétaire et continuerait de "résister aux pressions" de ceux qui l'enjoignent à relever les taux d'intérêt.
Lundi soir, à la sortie d'une réunion du gouvernement, il avait même dénoncé un "complot" contre l'économie turque.
"Nous voyons bien le jeu de certains avec le taux de change, les devises, les taux d’intérêt, l’augmentation des prix", a-t-il lancé.

Ces nouvelles déclarations ont enfoncé encore un peu plus la monnaie, alors que le coût de la vie est difficilement soutenable pour une grande partie de la population qui essaie de sauvegarder le peu qu'elle a en or, afin de contrer l'inflation qui atteint, officiellement, près de 20% depuis le début de l'année.

Pour le salarié turc, le salaire minimum net est passé de 380 dollars en janvier à 224 dollars, mardi au taux du jour.
Jeudi dernier, la banque centrale avait de nouveau abaissé son taux directeur - pour la troisième fois en moins de deux mois - de 16% à 15%, comme le souhaitait le chef de l'Etat, qui continue d'exprimer son hostilité aux taux d'intérêt élevés, qu'il voit - contre toute orthodoxie financière - comme un frein à la croissance.

Pour Timothy Ash, analyste à BlueBay Asset Management, spécialiste de la Turquie, le président "Erdogan a perdu le contrôle. Zéro gouvernance, zéro crédibilité. Il n'y pas plus de Banque centrale aux commandes".

Le président Erdogan, dont la popularité est au plus bas après 19 ans au pouvoir, semble faire le pari de la croissance économique à tout prix en vue d'une éventuelle réélection en 2023.

Manque d'indépendance



Mais sa politique monétaire très critiquée et le manque d'indépendance de la banque centrale font régulièrement chuter la monnaie qui atteint presque quotidiennement de nouveaux records à la baisse face au dollar, renchérissant le coût des importations.

"Il y a une raison pour laquelle les banques centrales sont indépendantes et voilà ce qui se passe lorsque le fossé est franchi. Une parfaite tempête monétaire, motivée par la politique, un mépris total pour l'inflation et pour les autres banques centrales adoptant une approche plus sensée", a commenté à Londres pour l'AFP Craig Erlam, analyste pour la plateforme d'investissements Oanda.

Pour lui, "il va falloir prendre des mesures drastiques pour changer les choses maintenant", sous peine de les voir "empirer et la pression devenir insupportable".

"Tant que je serai à ce poste, je continuerai mon combat contre les taux d'intérêt", avait pourtant réaffirmé le chef de l'Etat la semaine dernière devant le Parlement, invoquant même l'interdiction de l'usure dans le Coran, alors que certains économistes appelaient à relever le taux d'intérêt directeur.

La hausse des taux est l'un des principaux instruments permettant de lutter contre l'inflation.
Dans un communiqué, mardi soir, la Banque centrale de Turquie a défendu sa position, indiquant que "les taux de change sont déterminés par les conditions de l'offre et de la demande selon la dynamique du marché libre. La Banque centrale ne peut intervenir, sous certaines conditions, qu'en cas de volatilité excessive et sans viser une direction constante".
Elle dénonce enfin, "l'apparition, sur les marchés des changes, de formations de cours malsaines, irréalistes et complètement détachées des fondamentaux économiques".

Depuis 2019, Recep Tayyip Erdogan a limogé trois gouverneurs de la banque centrale qui s'opposaient à sa vision des choses, sapant la confiance des investisseurs.

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