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13 sept. 2022
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Orsola de Castro: "Le greenwashing est un langage marketing qui nie la connaissance"

Publié le
13 sept. 2022

Neuf ans après avoir cofondé le mouvement Fashion Revolution, Orsola de Castro se met en retrait pour se dédier à un nouveau projet. A l’occasion du concours pour jeunes créateurs ITS, qui vient de s’achever à Trieste et dont elle était membre du jury, la designer militante, pionnière de l’upcycling, fait le point sur mode et durabilité et évoque avec FashionNetwork.com son initiative Esthetica.


Orsola de Castro - istweb.org


FashionNetwork.com : Comment voyez-vous évoluer les jeunes designers ?

Orsola de Castro :
Les nouvelles générations de créateurs ont une manière de penser très différente par rapport à l’industrie de la mode, où une série de critères ne fonctionnent plus. A commencer par son esprit speed. Les jeunes créateurs ne veulent plus être exploités par le secteur, c’est-à-dire travailler sans horaires en étant payés très peu. De même, ils ne sont plus attirés par les grandes maisons, mais de plus en plus par des projets à plus petite dimension ou artisanaux. Le mythe du monde scintillant de la mode est en train de s’effriter.

FNW : Qu’est-ce qui est en train de changer dans la création ?

ODC :
Il y a plus de recherche. On parle davantage d’upcycling et de communautés, ainsi que de chaîne de production écodurable. Mais cela n'est pas traité en profondeur et reste à la superficie. Les jeunes stylistes ne sont pas vraiment aidés par une industrie, où tout va très vite et où les déchets ne sont pas pris en compte, ni valorisés. Ils ne sont pas soutenus par le secteur, surtout dans la partie de l’innovation, sans compter que les matières durables sont très chères et peu accessibles. Il est donc difficile de voir se concrétiser sur le marché ces nouvelles créations.

FNW : Quelle est votre vision par rapport aux engagements écologiques de l’industrie ?

ODC :
Si le secteur de la mode avait investi sur la récupération, autant qu’il l’a fait dans le recyclage chimique, nous aurions aujourd’hui une industrie capable d’affronter le dramatique problème des déchets textiles, qui a généré d’immenses décharges toxiques comme dans le désert d’Atacama au Chili ou au Ghana.

FNW : Pourquoi le recyclage chimique ne fonctionne pas, selon vous ?

ODC :
Le processus consiste à ramener la fibre à la fibre. Or, créer une fibre à partir des fibres des vêtements usés est impossible à faire, compte-tenu que 70% de nos vêtements sont réalisés à partir de fibres mélangées. Le recyclage est un mythe! Alors que la réutilisation d’un vêtement usé et l’upcylcling n’ont pas besoin de chimie. C’est un processus beaucoup plus propre et l’une des rares solutions que nous avons pour ralentir la pollution textile. La Gen Z le fait instinctivement. Ils achètent des pièces qu’ils revendent une fois utilisées, souvent en les personnalisant.

FNW : Que pensez-vous du greenwashing ?

ODC :
Le greenwashing constitue un problème énorme. C’est un langage marketing, qui nie la connaissance. Il faudrait faire des cours spécifiques sur le greenwashing dans les écoles. Malheureusement, dans notre monde super speed, les gens n’ont pas envie de s’informer. Le seul conseil que je puisse donner, c’est d’inviter les gens à lire entre les lignes, à réfléchir en se fiant à leur propre instinct. Par exemple, les matières en plastique, qui nous sont présentées comme écologiques, ne peuvent être éco-soutenables…

FNW : Quels sont vos nouveaux projets ?

ODC :
Après neuf ans de combat politique avec le mouvement Fashion Revolution, que j’ai cofondé avec Carry Somers, je me suis mise en retrait. J’ai assez hurlé. J’ai été beaucoup écoutée aussi, mais là, j’ai besoin d’être plus dans le concret en me consacrant de plain-pied à une industrie qui n’existe pas autour de jeunes designers s’inscrivant dans une nouvelle démarche. J’ai donc relancé Esthetica, que j’avais créé en 2006 et qui a été le premier espace éco-durable au sein de la Fashion Week de Londres. Je viens de débuter à la Semaine de la mode de Berlin, en présentant le travail de quatre stylistes allemands et de deux ukrainiens. Je serai aussi au Festival de Hyères pour m’occuper du prix écoresponsable promu par Mercedes-Benz.
 

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