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2 juil. 2020
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Pour les fédérations, le plan de relance du commerce de proximité n'est pas à la hauteur

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2 juil. 2020

Que ce soit du côté des grandes enseignes ou des magasins indépendants de l'habillement, le plan de soutien au commerce de proximité et à l'artisanat annoncé lundi par Bercy laisse un goût amer. Les premières se sentent une nouvelle fois oubliées, tandis que les seconds pointent l'inadéquation des mesures à leur modèle, comme ils l'ont confié à FashionNetwork.com. Et ceci à l'heure où la fédération du commerce spécialisé Procos met en garde contre la fermeture possible de 50 000 magasins en France (sur 350.000) dans les prochains mois, qui entraînerait la suppression de 150.000 à 300.000 emplois.


Bercy


"On a un plan de relance du commerce, c'est un bon début. Mais je considère que cela ne suffit pas pour le secteur du textile qui, depuis le départ, est le grand oublié de cette crise", explique Eric Mertz, président de la Fédération nationale de l'habillement (FNH) représentant les commerces indépendants du secteur.

Des indépendants de proximité qui sont pourtant les premiers ciblés par les mesures annoncées par Bercy, mais dont la particularité liée aux rythmes des collections et à la rotation des stocks reste un frein dans ses rapports avec l'exécutif. "On a des spécificités mal comprises par les services de l'Etat, qui les découvre enfin. Je note que la secrétaire d'Etat Agnès Pannier-Runacher a bien retenu nos chiffres (la ministre a évoqué directement la FNH lors du points presse organisé lundi, ndlr). Mais tout notre combat est là : faire comprendre aux services de l'Etat le bienfondé de nos demandes spécifiques", relève le représentant, qui estime que la mesure annoncée sur le fonds de solidarité "ne nous sert à rien".

Du côté des enseignes, l'accueil n'est pas plus chaleureux, comme nous le confie le directeur général de l'Alliance du commerce Yohann Petiot, qui rassemble les grands magasins et enseignes de mode et de chaussure. "Ce plan ne répond pas aux problématiques des acteurs organisés de la distribution. Des acteurs qui n'ont en ce moment aucune marque de soutien du gouvernement", indique le porte-parole. "Or il n'y a pas que le commerce de proximité qui souffre, mais tout le commerce. On voit s'enchaîner les mauvaises nouvelles chez les enseignes d'habillement (Naf NaF, Orchesta, La Halle, André, camaïeu, Un jour Ailleurs, Verywear, Celio…), donc nous attendons la suite : un second 'plan commerce' qui est annoncé par Bercy pour la rentrée, et dont on espère qu'il ira plus loin".

Le souhait d'avoir plus de souplesse en matière d'ouvertures dominicales



Qu'il s'agisse des indépendants ou des enseignes, les attentes portant sur ce second volet sont aussi grandes que la déception amenée par le premier plan. La FNH réclame par exemple que les aides au maintien de l'emploi soient étendues jusqu'au 31 décembre, comme cela a été accordé à l'hôtellerie/restauration. L'organisme demande également des exonérations de cotisations sociales et patronales pour les périodes de fermeture et que le fonds de solidarité soit lui aussi prolongé jusqu'à la fin de l'année, et surtout porté à deux millions d'euros. "Ce montant n'est pas un hasard : nous fonctionnons sur un ratio de 250.000 euros par personne, donc une TPE à 10 personnes arrive rapidement à ce montant", explique Eric Mertz. Quant au prêt garanti par l'Etat (PGE), est demandé un report de deux ans du différé de remboursement, et un report de cinq ans de l'amortissement, pour faire face aux difficultés attendues de remboursement.

Du côté de l'Alliance du commerce sont également réclamés des baisses de cotisations sociales et patronales, ainsi que le renforcement de dispositif de soutien à l'emploi. Les attentes portent aussi sur l'assouplissement des ouvertures dominicales, et ceci dès les soldes de cet été, et sur la remise en question de la Tascom, taxe sur les surfaces commerciales.

Est également espéré pour la rentrée un soutien de l'Etat dans la transformation numérique et durable des commerces. Là encore, indépendants enseignes considèrent ceci comme un point critique pour la revitalisation et la pérennisation du secteur. "Le niveau de digitalisation n'est pas celui que pense l'Etat", lâche Eric Mertz, qui avance que 78% des indépendants de mode ne sont pas encore informatisés.

Les foncières locales, une mesure curative plus que préventive



En attendant ce deuxième volet du plan, le premier apparaît à contretemps de l'urgence, pour Yohann Petiot. "L'idée de créer des foncières pour repeupler les centres-villes, c'est curatif et non préventif", s'agace le responsable. "Reprendre, moderniser et louer ces surfaces implique que cela va concerner des commerces qui vont fermer, au lieu de les aider à rester ouverts. Pire : durant le temps où ces commerces seront en travaux, cela risque de faire à nouveau exploser les taux de vacance en villes moyennes", estime le représentant pour qui l'urgence dans laquelle ce plan a été mis sur pied n'est pas étranger au résultat final. "Les réunions de préparation sont intervenues une semaine avant l'annonce du plan, ce qui ne permet pas un échange constructif", déplore-t-il. 

La crise du Covid-19 continue donc de rapprocher les points de vue de réseaux éloignés, parfois même antagonisés. La production de masques a ainsi été l'occasion de renouer le dialogue entre tisseurs et façonniers ou de faire d'Internet le radeau de survie d'un commerce de proximité qui voyait en lui auparavant son fossoyeur. Les indépendants de l'habillement ont quant à eux trouvé dans les enseignes, qu'ils accusent régulièrement d'alimenter une course au prix destructrice pour le secteur, un compagnon de lutte face aux bailleurs commerciaux sur la question des loyers.


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Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances, expliquait lundi à la presse qu'une multiplication des défaillances dans le commerce pourrait rapidement générer "le plus gros plan social de France". Toutes les fédérations confient en effet s'attendre à de mauvaises nouvelles dans les prochaines semaines. En juin, les indépendants de l'habillement afficheraient toujours en moyenne des chiffres inférieurs de 20 à 30 % à la normale, et de -40 à -50 % pour les plus touchés. Après un mieux, les enseignes ont à nouveau vu sur la dernière semaine de juin leurs ventes chuter à 40 % des niveaux habituels.

Une chute attribuée au report des soldes, qui débuteront le 15 juillet. "Pas sûr qu'elles rattraperont quoi que ce soit" pour Yohann Petiot. De son côté, Eric Mertz voit dans le report de cette période de rabais un signe d'espoir : "En acceptant de repousser la période, quand les plus gros acteurs voulaient des soldes au plus tôt, Bruno Le Maire nous a envoyé un message fort", indique le président de la FNH. "J'espère que ce n'est pas qu'un effet d'annonce".

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