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Paul Kaplan
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27 sept. 2019
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Primark lorgne le marché américain, et envisage de s'approvisionner en Amérique centrale

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Paul Kaplan
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27 sept. 2019

Sûre de son potentiel sur le marché américain des vêtements et des chaussures, évalué à 300 milliards de dollars et où de nombreux autres détaillants étrangers ont échoué à s'implanter, l'enseigne discount britannique Primark veut mettre toutes les chances de son côté en dénichant de nouveaux fournisseurs de fast-fashion en Amérique centrale.


Reuters


Primark, avec ses prix extrêmement bas qui ont conquis les consommateurs britanniques, a ouvert ses portes à Boston en 2015 et compte désormais neuf magasins dans le Nord-Est des États-Unis, tous alimentés par un entrepôt en Pennsylvanie, qui serait en mesure de desservir trois fois plus de magasins.

Primark, qui a investi l'équivalent de 280 millions d'euros aux États-Unis, lui permettant d'atteindre un seuil de ventes satisfaisant, est présent depuis quatre ans sur ce marché encombré, où les détaillants se livrent une concurrence féroce pour exister dans un contexte de croissance rapide de l'e-commerce.

Aujourd'hui, son propriétaire, le conglomérat anglais Associated British Foods (AB Foods), est convaincu que l'approche disciplinée de Primark, qui progresse un magasin après l'autre, peut fonctionner dans un pays où certains des plus grands détaillants britanniques, comme Marks & Spencer, Tesco et plus récemment Topshop, ont échoué à s'enraciner.

« Je suis persuadé que Primark va réussir son implantation aux États-Unis », affirme John Bason, directeur financier d'AB Foods, à l'agence Reuters. Son optimisme a d'ailleurs été confirmé par la création d'une chaîne d'approvisionnement spéciale à proximité du marché américain.

Primark se procure actuellement tous ses produits destinés au marché américain auprès de ses fournisseurs historiques — la Chine, l'Inde, le Bangladesh, le Cambodge, le Vietnam et la Turquie — une démarche coûteuse car les stocks sont acheminés à travers le Pacifique par le canal de Panama et le long de la côte est des États-Unis.

L'idée serait de faire appel à des fournisseurs implantés dans des pays d'Amérique centrale, comme le Guatemala, le Costa Rica et le Mexique pour réduire les coûts de transport.

« Le volume de nos ventes aux États-Unis nous pousse à envisager ce changement de fournisseurs », explique John Bason, qui travaille depuis 20 ans pour le groupe britannique. « L'éventualité de faire appel à des pays d'Amérique centrale commence à se concrétiser. »

Fondée par Arthur Ryan (décédé en juillet dernier) à Dublin en 1969, Primark commercialise ses produits dans 373 magasins répartis dans 12 pays, réalisant un chiffre d'affaires de plus de 7,5 milliards de livres (8,5 milliards d'euros) et un bénéfice de 843 millions de livres (953 millions d'euros) au cours de son exercice 2017/18, soit une augmentation de près de 400 % en dix ans. Une progression impressionnante, d'autant plus que Primark ne s'est pas (encore) aventurée dans le domaine du e-commerce.

Premier détaillant de mode du Royaume-Uni par le nombre d'articles vendus, Primark, a réussi à se démarquer par sa politique de prix, proposant des t-shirts et des maillots de bain pour moins de cinq livres. Il n'est pas rare de voir ses clients chargés d'imposants sacs en papier estampillés "Primark". Ce modèle économique l'empêche d'ailleurs pour le moment de construire un circuit de distribution e-commerce.

"Cercle vertueux"

Primark engrange plus de la moitié des bénéfices de sa société-mère, qui possède également d'importantes filiales dans le domaine de l'alimentation, et peut se targuer d'une valeur boursière de 18 milliards de livres (plus de 20 milliards d'euros).

Certains analystes estiment que les forces combinées de Primark pourraient lui permettre de bâtir une filiale américaine solide, comparable à son homologue européenne, au cours de la prochaine décennie.

Cette expansion pourrait menacer plusieurs enseignes américaines comme Old Navy, American Eagle et Target sur leur propre territoire, ainsi que le suédois H&M, qui distribue ses produits dans 578 magasins aux États-Unis, et l'espagnol Inditex, qui exploite 102 magasins outre-Atlantique.

Le dixième magasin américain de Primark ouvrira ses portes cet automne dans le centre commercial American Dream, dans l'État du New Jersey, suivi d'un autre en Floride en 2020, qui sera le premier sur la côte ouest des États-Unis. Un contrat pour un magasin à Chicago est également en cours de discussion.

D'autres inauguration de magasins devraient suivre dans des villes très peuplées de la côte est.

Selon John Bason, la décision de réduire la surface de trois magasins Primark aux États-Unis — Freehold Raceway dans le New Jersey, Danbury Fair dans le Connecticut et King of Prussia en Pennsylvanie — était essentielle pour peaufiner son modèle économique américain.

La réduction de la surface des magasins n'a pas entraîné de déclin du côté des ventes, car ces dernières ont augmenté au mètre carré, tandis que les coûts d'exploitation ont baissé, conduisant même à une amélioration de la rentabilité. Inversement, la rentabilité du magasin de Boston a été stimulée par l'augmentation de sa taille.

« C'est vraiment la meilleure leçon que nous ayons apprise sur le marché américain », explique John Bason. « Si tous les nouveaux magasins qu'on ouvre sur un marché sont rentables, alors la rentabilité mondiale augmente... et on entre dans un cercle vertueux. »

AB Foods a déclaré ce mois-ci que Primark enregistrait une forte croissance de ses ventes aux États-Unis et prévoyait une réduction significative de sa perte opérationnelle pour 2018/19, ce qui reflète la sous-utilisation délibérée de son entrepôt de Pennsylvanie.

« Un jour ou l'autre, il faudra construire un deuxième entrepôt, et commencer à ouvrir des magasins en rayonnant depuis ce point », explique John Bason, tout en soulignant que toute expansion en Californie nécessiterait d'implanter un entrepôt à l'ouest des Rocheuses.

« Ce qui compte pour Primark, c'est d'observer et d'analyser en profondeur chaque marché — c'était le leitmotiv d'Arthur ».

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