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19 janv. 2022
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Quatre multimarques parisiens se confient sur leur situation en temps de Covid

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19 janv. 2022

Largement impactés par les contrecoups de la pandémie mondiale, les multimarques parisiens font le point sur la crise sanitaire et ses conséquences. De la baisse du chiffre d'affaires aux problématiques de recrutement en passant par la baisse du tourisme, quatre acteurs de référence – The Broken Arm, Archives 18-20, French Trotters et Beige Habilleur*- partagent leurs visions sur la situation actuelle.


Le concept-store Archives 18-20 - DR


Archives 18-20: un appel au soutien
 
C’est un cri du cœur qu’adresse aujourd’hui Séverine Lahyani, la fondatrice du concept-store Archives 18-20, situé au 20, rue des Archives, dans le quartier du Marais parisien, aux acteurs du prêt-à-porter. "L’impact a été terrible à Paris, explique-t-elle. L’étalement délibéré des terrasses, les travaux incessants de la rue des Archives, les manifestations à répétition ont fait chuter le trafic du quartier et le chiffre d'affaires du magasin, même si l’on constate quelques signes de reprise depuis l’arrêt des terrasses sauvages. Les acteurs de l’industrie de la mode ont été aux abonnés absents, personne n’a levé le petit doigt pour prendre la défense des commerçants indépendants de la mode, aucune indemnité n’a été proposée pour sauver nos stocks... Un état dramatique auquel il faut ajouter l’état peu reluisant de Paris qui ne fait franchement plus rêver les touristes."

Croyant dur comme fer à la nécessité des boutiques physiques, Séverine Lahyani veut continuer à résister. "Les clients veulent aujourd’hui une offre alternative que seuls les multimarques sont capables d’offrir, poursuit-elle. Cliquer sur un bouton sur son ordinateur n’a jamais excité personne et notre vocation est de surprendre, de prendre le temps d’expliquer les marques, de raconter des histoires, ce que les grands magasins ont du mal à faire... mais personne ne nous soutient."
 
Après avoir renforcé sa présence sur les réseaux sociaux et sur son e-shop, Archives 18-20 lançait en 2020 une nouvelle offre dédiée à la femme, venant s’ajouter à la large sélection masculine. "On veut continuer mais on fait le dos rond", conclut-elle. 
 

The Broken Arm au Carreau du Temple - DR


The Broken Arm: ne pas changer de modèle

 
L’impact a été aussi dur chez The Broken Arm, le concept-store du quartier du Carreau du Temple fondé par Romain Joste, Guillaume Steinmetz et Anaïs Lafarge. "Une période où nous aurions pu changer radicalement notre offre et notre modèle, explique Romain Joste, et opérer des choix plus commerciaux, ce que nous avons refusé de faire. Au contraire, on a souhaité poursuivre sur la même lancée, même s’il est vrai que de nombreuses marques ont souhaité prendre moins de risques question coupes et matières."
 
Ayant commencé à investir davantage sur la partie e-shop, et ce juste avant le début de la crise, l’équipe de The Broken Arm reconnait ne pas avoir atteint ses meilleurs scores ces deux dernières années. "Nous souffrons à la fois de l’absence de la clientèle internationale, malgré le retour d’une petite clientèle chinoise, celle qui vit en Europe, des Américains et des touriste d’Europe du Nord, de la concurrence sur les soldes, à l’image des multimarques britanniques qui soldent deux mois avant nous, et d’un trafic devenu complètement aléatoire. Mais nous ne sommes pas les plus à plaindre, regardez du côté des designers et des jeunes créateurs qui, sans showrooms ni salons, se retrouvent dans une situation plus que compliquée", développe Romain Joste.
 
Après un mois de décembre positif, "marqué par le retour de la clientèle française et internationale", The Broken Arm vient d’ouvrir sa phase de soldes et espère écouler une partie de ses stocks. D’ici fin mars, la boutique du 12, rue Perrée devrait transformer son espace café en boutique dédiée aux produits et accessoires cadeaux et coups de cœur. "Nous conservons néanmoins la terrasse et le service café, précise Romain Joste, car The Broken Arm est d’abord un lieu de vie."
 

French Trotters - DR


French Trotters: la crise du recrutement

 
Reconnaissant un impact terrible sur les ventes, Clarent Dehlouz, le fondateur de French Trotters, voit dans cette crise "l’occasion d'avoir conforté notre modèle, celui d’un multimarque indépendant qui mise sur le contact et l’expérience, explique-t-il. Comme beaucoup, nous avons profité de cette phase pour repenser notre offre en ligne et refondre notre site qui propose désormais 100% de l’offre en magasin, mais notre identité est d’abord physique".
 
Un modèle qui, dès la réouverture des boutiques, renouait avec le succès."Dès que l’on a pu ouvrir, les clients sont revenus chez nous de façon instantanée dans nos adresses de la rue de Charonne et de la rue Vieille-du-Temple, poursuit Clarent Dehlouz. 2021 a permis de rétablir la balance sur 2020, et cette saison d’hiver a été très positive avec le retour des Américains, des Italiens et des Scandinaves dans nos boutiques. Les gens dépensent comme avant, ont envie de se faire plaisir. Et le problème des stocks invendus ne va pas entraîner chez nous de vagues de promotions ou des soldes monstres. Nos clients ne viennent pas chercher cela!"
 
Optimiste quant à un retour à la normale, Clarent Dehlouz pointe, en revanche, une nouvelle difficulté directement liée à la crise: la question du recrutement. "Nous arrivons à des situations effrayantes, indique-t-il. Un vrai casse-tête qui s’explique par la démotivation des gens à se remettre au travail, par l’assistanat toujours organisé, par la détresse et le manque d’efficacité des bureaux de recrutement. Pour la période des soldes, nous serons en sous-effectif. Le monde se plaint de l’ubérisation générale du travail mais nous y courons tout droit."
 

Beige Habilleur, rue Chardon Lagache - DR


Beige Habilleur: jouer les marques intemporelles

 
Lancé en 2015 sur le digital, le multimarque masculin Beige Habilleur, également à la tête d’une boutique physique au 83, rue Chardon Lagache, dans le XVIe arrondissement, connaît depuis le début de la crise une nouvelle attention des consommateurs.

"Nous avons eu la chance de s'être lancés d’abord sur le net, explique Basile Khadiry. Et notre offre de produits majoritairement intemporels, de classiques authentiques, était parfaitement en phase avec les nouvelles attentes des consommateurs. Pour résumer, nous étions Covid ready ! Nous avons donc survécu même si notre chiffre d’affaires n’a pas été multiplié par dix."
 
Souffrant depuis quelques semaines de l’absence de la clientèle internationale, "celle habituée à venir nous voir", le cofondateur de Beige Habilleur (il est associé à Jean-Baptiste Ménétrier, ndlr) constate néanmoins le retour de clients européens, allemands et suisses principalement, et d’Américains en petit nombre. "L’épargne réalisée ces derniers mois n’encourage pas nos clients à dépenser plus, ajoute-t-il, et l’incertitude de la crise sanitaire fait stagner le panier moyen. Mais nous nous y retrouvons."
 
Regrettant le manque d’aides accordées aux entreprises en souffrance, les fondateurs de Beige Habilleur ont pu souscrire au PGE (prêt garanti par l'Etat), "un prêt avantageux pour nous, poursuit Basile Khadiry, qui nous a permis d’augmenter notre trésorerie et d’accélérer certains projets, dont le développement de notre ligne en propre".

En attendant l’arrivée de nouveaux produits, Beige Habilleur ouvre sa période de soldes, "une opération toujours limitée, même en temps de Covid. 50% de notre offre est intemporelle et peut se reporter d’une saison à l’autre."


*The Broken Arm (12 rue Perrée, Paris IIIe); Archives 18-20 (20 rue des Archives, Paris IVe); French Trotters (128 rue Vieille-du-Temple, Paris IIIe, et 30 rue de Charonne, Paris XIe); Beige Habilleur (83 Rue Chardon Lagache, Paris XVIe)
 

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