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3 janv. 2022
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RCEP: que va changer l'accord de libre-échange en Asie-Pacifique ?

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3 janv. 2022

Le Partenariat régional économique global (Regional Comprehensive Economic Partnership ou RCEP, en anglais) est entré en vigueur au 1er janvier, donnant naissance à la plus vaste zone de libre-échange au monde. Rassemblant quinze pays, depuis la Chine et le Japon au nord jusqu'à l'Australie et la Nouvelle Zélande au sud, l'accord abolit les droits de douane sur 91% des articles échangés. Si certains donneurs d'ordres occidentaux espèrent que le dispositif permettra de réduire les coûts de production, le calendrier et des dispositions spécifiques de l'accord pourraient cependant en décider autrement. 


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Outre la Chine, l'Australie, le Japon, la Corée du Sud et la Nouvelle-Zélande, l'accord est signé par les dix pays de l'ASEAN (Association des nations d'Asie du Sud-Est), à savoir le Vietnam, le Cambodge, l'Indonésie, le Laos, la Malaisie, la Birmanie, les Philippines, la Thaïlande, Singapour et le Brunei.

Une zone qui, d'après les chiffres des Nations unies, pesait en 2019 pas moins de la moitié des exportations mondiales de textile-habillement, avec 374 milliards de dollars de marchandises. La zone du RCEP importait sur la même période pour 139 milliards de dollars de textile-habillement, soit 20% des importations mondiales du secteur.

Nombre des pays de la zone voient leur production de textile-habillement dépendre des matières premières, fils, tissus ou peaux produites par leurs voisins. Avant crise, pas moins de 72,8 % des importations textiles de ces pays venaient d'autres pays de la zone. Et 40 % des exportations textiles de la zone se destinaient à la zone des quinze. Conséquence: le RCEP ouvre donc potentiellement la voie à une contraction des coûts de production pour les fabricants du fait de la disparition des droits de douane. 

Plusieurs associations industrielles locales ont d'ailleurs évoqué le fait que des donneurs d'ordres occidentaux utilisent déjà cet argument pour négocier des tarifs à la baisse. Mais la détaxe annoncée ne s'en heurte pas moins aux réalités du moment: les économies permises par les frais de douane font face à l'explosion des coûts de transport, ainsi qu'au prix de l'énergie sur les sites industriels.

Par ailleurs, chaque pays du RCEP reste maître du périmètre et du calendrier de sa détaxe. Un calendrier qui peut s'étaler sur vingt ans dans le cas du Japon et près de trente-cinq ans dans celui de la Corée du Sud.

En outre, le libre-échange ne sera pas uniforme sur la zone, comme peuvent l'être les accords centrés autour des Etats-Unis ou de l'Union européenne: chaque pays peut décider d'un calendrier de détaxe spécifique pour chacun des pays partenaires. Une liberté qui doit notamment préparer certaines des industries locales à la concurrence croissante qu'implique l'accord de libre-échange.

Un autre aspect clé du RCEP est son application de la règle d'origine, peu contraignante. Les fabricants pourront faire venir leurs fils et tissus de partout sur la planète, mais les produits finis qu'ils en tireront pourront malgré tout profiter de la détaxe à l'export vers les pays voisins.

Une évaluation menée par l'Organisation mondiale du commerce en 2017 estimait que ce fait allait progressivement ramener de quelque 30% à environ 20% la part des importations textiles de la zone du RCEP venant de pays extérieurs à l'accord. En outre, l'accord pourrait amener la zone à faire chuter ses importations d'habillement venant de pays hors RCEP de 25% à 17%.

Victoire chinoise?



Le RCEP pourrait donc jouer contre certaines productions américaines ou européennes ciblant l'Asie-Pacifique, en matériaux comme en produits finis. A l'inverse, l'accord va très vraisemblablement consolider encore un peu plus la position dominante de l'Asie dans le sourcing mondial de textile-habillement. Avant la crise sanitaire, les quinze pays représentaient à eux seuls 59,2% des importations américaines de textile-habillement en 2019, selon les données UN Comtrade. Ils représentaient sur la même période 28,1% des importations européennes.

A tout ceci s'ajoute la question politique. En préparation depuis le début des années 2000, le RCEP fait notamment figure de victoire pour la Chine. Alors que l'administration Trump avait bruyamment enterré le projet de libre-échange transatlantique porté par l'administration Obama, l'empire du Milieu avait clairement indiqué voir dans l'affaire une opportunité de consolider sa domination sur la zone.

Un projet de libre-échange séparé entre la Chine, la Corée du Sud et le Japon est ainsi toujours en négociation. De nombreux pays fournisseurs des Etats-Unis espèrent désormais que le RCEP fera pression sur Washington pour que ce dernier rejoigne les négociations du CPTPP (Comprehensive and Progressive Agreement of the Trans-Pacific Partnership). Projet qui réunit déjà Canada, Mexique, Pérou, Chili, Australie, Japon ou encore Vietnam. Et dont l'un des objectifs est de renforcer la position des signataires face à puissance industrielle chinoise. 

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