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25 févr. 2022
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Sanctions contre la Russie: répercussions "contenues" pour l'économie française

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25 févr. 2022

Avec leur activité globalisée, nombre des grands groupes français du CAC 40 ont des activités en Russie. Trente-cinq d'entre eux sont présents sur le marché, selon les statistiques 2020 du ministère de l'Economie et des Finances. Et quelque 500 entreprises françaises avaient une activité dans ce pays qui était le 7ème marché export, hors pays de l'UE, de la France.


Moscou - AFP



Avec l'ouverture de la guerre entre l'Ukraine et la Russie décidée par le président russe Vladimir Poutine, ce jeudi 24 février, les sanctions contre les oligarques et les intérêts russes doivent s'affermir. "Les sanctions portées à la Russie seront à la hauteur de l'agression dont elle se rend coupable. Sur le plan militaire, économique, autant que dans le domaine de l’énergie", a déclaré à la mi-journée le chef de l'Etat français.

Quel sera l'impact pour l'économie française et ses entreprises? Mardi, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire apportait une appréciation des conséquences devant la commission des Finances du Sénat. "Notre évaluation est que les conséquences de cette crise en Ukraine seront contenues". "L'économie française est peu exposée à la Russie", a justifié le ministre, expliquant que "la France exporte moins de 7 milliards d'euros par an vers la Russie", soit "à peine plus de 1% des exportations françaises". Et "nous importons moins de 10 milliards d'euros par an de Russie, c'est moins de 2% des importations françaises", a-t-il encore ajouté.

Par ailleurs, alors que la crise fait flamber davantage les cours du pétrole, entraînant les prix du gaz dans leur sillage, Bruno Le Maire a assuré que le gouvernement maintiendrait "le gel du prix du gaz pour les particuliers en toutes circonstances".



Un homme drapé dans un drapeau ukrainien regarde les informations sur son téléphone assis sur la place Maidan, le 24 février 2022 à Kiev. - Sergei Supinsky / AFP



Bruno Le Maire a enfin tenu à "assurer toutes les entreprises françaises qui sont installées en Russie" du "soutien" du gouvernement, ajoutant que Bercy allait faire la liste des petites et moyennes entreprises qui "pourraient être indirectement touchées" afin de "leur apporter le soutien dont elles ont besoin".

Les services de Bercy estime que la France est le premier employeur étranger en Russie avec quelque 160.000 salariés. Ses parts de marchés sont en revanche limitées, culminant à 3,5%, loin derrière l'Italie et l'Allemagne. "Présentes dans des domaines variés, les entreprises françaises sont particulièrement bien implantées dans l’agroalimentaire, la finance, la distribution, l’énergie, l’automobile, la construction / services urbains, les transports, l’aéronautique-spatial et la pharmacie".

Les secteurs les plus malmenés vont être ceux de l'énergie, Engie étant notamment impliqué dans le gazoduc Nord Stream 2. Dans l'automobile, Renault est le propriétaire de Lada et la Russie est son deuxième marché dans le monde. Dans le secteur de la distribution, Auchan apparaît exposé avec plus de 300 magasins sur place. Reste que le domaine de la mode et du luxe apparaît affecté à la marge, sa présence sur le marché russe restant limitée. Installé depuis 2006 dans le pays, Decathlon est bien présent avec une soixantaine de magasins.

Les grands noms du luxe français sont aussi actifs auprès de la clientèle russe, mais leur proportion de chiffre d'affaires y est moindre. Jean-Marc Duplaix, directeur financier de Kering précisait d'ailleurs la semaine passée que le poids du marché russe était modéré au regard des activités du groupe propriétaire de Gucci et Saint Laurent. Mardi, Bernard Arnault craignait plus les contrecoups de "l'arrivée, après une crise sanitaire mondiale, d'une crise géopolitique majeure". En effet, la Russie ne pèserait, selon plusieurs études qu'entre 1% et 2% du marché mondial du luxe.

Pour un certain nombre d'acteurs de la mode et du luxe, l'impact pourrait d'ailleurs être plus important en terme de supply-chain ukrainienne qu'en termes de débouchés commerciaux russes. La guerre atteint en effet un pays qui, au gré des rapatriements de production de vêtements de l'Asie vers l'Europe, était devenu une terre de sourcing pour de nombreuses marques pour la confection de pièces de prêt-à-porter. Une industrie de 2.500 sociétés textiles, employant plus de 200.000 personnes, réalisant des produits dédiés à la très grande majorité pour l'export et en particulier l'Allemagne.

Et l'impact sur l'économie mondiale risque en effet de se faire sentir. La Bourse de Moscou a accusé un recul de 35%, mais, ce jeudi, l'ensemble des Bourses européennes ont connu des reculs quasi-aussi importants que lors des annonces de confinements du début 2020. Les cours des matières premières agricoles ont aussi flambé, le prix de la tonne de blé augmentant de plus de 30%. Côté hydrocarbures les cours du gaz et du pétrole se sont envolés. Le prix du baril de pétrole a dépassé les 100 dollars, plus haut qu'en 2014. 

L'Europe lorgne le gaz et le pétrole du Golfe en quête d'alternatives aux hydrocarbures russes. Proches des Etats-Unis et l'UE qui sont engagés dans un bras de fer diplomatique avec la Russie, Riyad et Doha "sont confrontées à une forte demande de leurs exportations" d'hydrocarbures, confirme à l'AFP Karen Young, directrice du programme sur l'économie et l'énergie au Middle East Institute, basé à Washington. Mais, comme leurs voisins du Golfe, Riyad et Doha font preuve de prudence. Le Qatar a ainsi fait savoir n'avoir que peu de capacité de production supplémentaire de GNL et que la quantité de gaz pouvant être détournée des contrats existants était limitée.

Lors d'un sommet des exportateurs de gaz à Doha en début de semaine, les principaux producteurs, dont la Russie, ont déclaré ne pouvoir garantir ni les prix ni les approvisionnements.
Quant à l'Arabie saoudite, elle n'a fait preuve d'aucun signe d'intérêt pour augmenter sa production de pétrole alors qu'elle est un acteur clé de l'OPEP+, aux côtés de la Russie.

Dans un contexte de pression déjà importante des prix sur l'énergie, la tension devrait donc grandir encore sur nombre d'industrie qui ont vu leurs coûts de production sensiblement augmenter.

Pour les acteurs du textile, la pression sur les prix avec des coûts matières, de production et de transport déjà élevés devrait donc s'intensifier. Confrontées à la hausse des prix du coton et de nombreuses matières depuis plusieurs mois, les marques pourraient devoir faire face à l'impact de l'augmentation des prix des fibres synthétiques issues du pétrole... Pas une mince affaire: celles-ci représentent 62% de la production textile.

Avec AFP

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