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Tigre ou dragon? Les montres suisses se mettent à l'heure chinoise

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11 nov. 2012

GENEVE, 11 nov 2012 (AFP) - Les Chinois aiment les montres suisses, signe de réussite. Malgré tout, les horlogers suisses se posent une question: faut-il multiplier les éditions spéciales pour conquérir ce marché ou faut-il attendre que leurs goûts s'adaptent aux modes européennes?

A Nyon, une commune entre Genève et Lausanne, les ouvrières horlogères de la marque suisse Hublot s'affairent, en blouse blanche et en silence, autour d'une montre extra-plate, équipée d'un mouvement d'une épaisseur de seulement 2,90 mm. Elles montent manuellement les aiguilles de ce garde-temps conçu pour les Chinois.

Pour Anaïs Tréand, représentante de Hublot, les Chinois, "amateurs des montres traditionnelles, classiques" aiment cette montre car elle est "légère et fine".

Cette année, la part de la Chine dans les exportations horlogères suisses a atteint 7,8% (en valeur) selon la Fédération horlogère helvétique. La marge de progression est donc de taille.

"Mon fils, 32 ans, est depuis 10 ans là-bas, il commence à sentir les 'trends' chinois", explique à l'AFP Jean-Claude Biver, président de Hublot, qui depuis 2008 appartient au groupe français LVMH.

Pour Jean-Claude Biver, ce "marketing" est essentiel: les Suisses doivent s'adapter aux Chinois. Et de citer la couleur jade qui orne le fond d'une montre fabriquée uniquement pour les Chinois.

D'autres font aussi référence à la culture chinoise à travers des modèles souvent fabriqués en éditions très limitées.

L'horloger genevois Vacheron Constantin vient ainsi de lancer "La Légende du Zodiaque Chinois", une série de garde-temps déclinés sur un cycle de douze ans qui débute avec le modèle Année du Serpent. Réalisé en or rose ou en platine, chaque modèle est limité à 12 pièces: au fond du cadran surgit un serpent bleu ou marron.

De son côté, dans la cité horlogère de La Chaux-de-Fonds, Jaquet Droz, qui appartient au groupe suisse Swatch, affirme avoir été la première marque horlogère importée dans la Cité Interdite au XVIIIe siècle, grâce à un bureau ouvert à Londres pour exploiter la route des Indes.

Les marques européennes, comme Hublot, s'interrogent sur le marché chinois. VIsuel Hublot


La marque vient de lancer deux séries limitées avec deux tigres oranges et deux dragons jaunes peints à la main sur de l'émail blanc cassé cuit dans des fours à plus de 800 degrés -- une technique chinoise.

Reste que les goûts des Chinois évoluent à une vitesse exceptionnelle.

"Il faut ne pas trop s'adapter à eux parce que quand eux auront évolué, vous ne serez plus à leur rendez-vous", commente le président de Hublot, qui ne fabrique ainsi chaque année que 2 ou 3 modèles -- sur une centaine -- pour les Chinois.

Le président de la manufacture horlogère genevoise Patek Philippe, Thierry Stern, expliquait lui aussi en juin au journal suisse Le Temps que "la focalisation outrancière sur la Chine est dangereuse".

D'autant que la région n'est pas insensible aux difficultés économiques mondiales. Ainsi, les marchés asiatiques ont été les plus touchés dans le mouvement général de baisse des exportations horlogères suisses enregistrée en septembre, avec les diminutions les plus marquées à Hong Kong, en Chine et Singapour, pointe la Fédération horlogère.

Pour Jean-Claude Biver, c'est un "tassement naturel", auquel vient s'ajouter une "sorte d'arrêt" du fait des récentes élections: "beaucoup de montres très chères sont achetées pour faire un cadeau".

Série limitée à 20 exemplaires

Pour Marc Hayek, CEO et président de Blancpain, une autre marque horlogère suisse appartenant à Swatch, le futur des ventes dépend aussi des achats des touristes chinois.

Selon les estimations du journal suisse Handelszeitung, chaque Chinois en visite dans la ville suisse de Lucerne -- considérée comme le troisième supermarché horloger de la planète -- dépense en moyenne 2.000 francs suisses (1.657 euros) pour une montre suisse.

"Là il y a plus de progression qu'on aurait pensé", indique à l'AFP Marc Hayek, avec au poignet une montre faite spécialement pour les Chinois en série très limitée (une vingtaine d'exemplaires).

Cette montre, en platine ou en or rose, est dotée des heures et du calendrier chinois traditionnels (une heure chinoise équivaut à deux heures occidentales), ainsi que des signes du zodiaque et des phases de la lune.

Mais pour le petit-fils du fondateur de Swatch, faire des produits pour les Chinois n'a pas été une évidence, car à ses yeux, les montres doivent "rester vraiment 100% dans l'ADN de la marque".

Il a finalement donné son feu vert lorsqu'il a compris qu'il ne s'agissait pas d'une simple montre ornée du dessin d'un animal chinois, mais d'une véritable révolution technique qui a nécessité cinq années de recherche.

Reste que les horlogers suisses pourraient bien avoir à craindre la concurrence des produits chinois. Ainsi, dans une interview à Watch Around, le directeur général de la marque chinoise FIYTA, Bruce Du, explique ainsi qu'il entend miser sur la qualité. Une concurrence à venir donc pour les Suisses, d'autant plus que la holding qui détient FIYTA vient de racheter Montres Chouriet, une marque genevoise.Par Agnes PEDRERO OSTERTAG

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