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1 juin 2022
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William Hauvette (Asphalte): "Imaginez un monde où l'on ne consommerait que ce qui a été précommandé"

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AFP-Relaxnews
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1 juin 2022

Face au succès rencontré par ses collections masculines, la marque Asphalte vient de lancer sa première ligne femme. Des basiques du vestiaire féminin pensés main dans la main avec ses clientes, et vendus selon un système de précommande pour limiter la surproduction, le gaspillage et les déchets. William Hauvette, fondateur d'Asphalte, nous en dit plus sur ce modèle de "slow fashion" qui pourrait être l'une des réponses aux enjeux environnementaux auxquels est confrontée l'industrie de la mode.


William Hauvette - DR



Comment est née la marque Asphalte? 

William Hauvette: Elle est née cinq ans après avoir lancé ma toute première marque de mode pour homme Six et Sept. C'était une marque au fonctionnement 'traditionnel' avec plusieurs collections par an, un réseau de distribution, des présentations en showroom, etc. Ça a été très dur de la faire émerger. Ça n'avançait pas comme je le souhaitais. En se basant sur ce modèle 'traditionnel', il était très dur d'avoir de la rentabilité tout en proposant un bon rapport qualité/prix pour le client final. Avec Asphalte, j'ai voulu trouver une alternative pour apporter du sens et de la qualité à toutes les parties prenantes de l'équation. L'idée était de trouver une manière de rendre les vêtements éthiques, de qualité, et accessibles au plus grand nombre. Le but ultime d'Asphalte c'est de résoudre cette équation quasi impossible !

L'une des spécificités d'Asphalte est de fonctionner sur le principe de la précommande, un concept qui se développe mais qui est loin d'être la norme aujourd'hui. Pourquoi ce choix ?

WH: C'est justement lié à la volonté de trouver un autre modèle économique et de se recentrer sur la qualité plus que sur la quantité… Grâce à la précommande, on réduit les coûts liés au fameux modèle 'traditionnel': il y a moins d'intermédiaires, et moins de frais de stockage car moins d'invendus. L'objectif est de diminuer un maximum les coûts superflus pour que le produit final soit accessible au plus grand nombre. La précommande, c'est le modèle économique le plus 'pur' pour nous permettre de vendre peu cher un produit qui est cher à fabriquer.

La fast-fashion a habitué le public à renouveler fréquemment sa garde-robe. Vos clients ne sont-ils pas frustrés de devoir attendre deux mois avant de recevoir les produits précommandés?

WH: Bizarrement la réponse est plutôt non. Nous comptons déjà 128.000 clients pour l'homme, depuis le lancement en 2016, et 8.000 clientes depuis le lancement de la gamme femme en octobre 2021, et nous avons près de 20.000 followers sur Instagram chez la femme. Preuve que le modèle, la marque et la communication plaisent ! Pour vous donner encore quelques chiffres, nous avons vendu 25.000 pièces sur la gamme femme. Cela représente 8% de notre chiffre d'affaires. Ce sont des indicateurs qui tendent à montrer que l'attente n'est pas perçue de façon négative, bien au contraire! Celles et ceux qui sautent le pas de la précommande ne ressentent pas de frustration mais plutôt la satisfaction de consommer de manière différente.

Quels sont vos engagements en matière d'écologie et de droit du travail?

WH: Sur l'écologie nous avons trois grands piliers : la traçabilité, les matières labellisées et les tests de résistance.
Depuis dix-huit mois, nous mesurons l'impact écologique de chacun de nos vêtements. Une chose rendue possible car nous avons accès à des informations précises telles que sa consommation en eau, en énergie et éventuellement son taux de rejet de phosphate. Par exemple, la production d'un de nos T-shirts Ultime dégage 5,9kg de CO2 versus 10kg en moyenne pour un t-shirt du même poids venant d'Asie. Nous essayons tous les ans de réduire cet impact en utilisant, par exemple, plus de coton biologique ou des laines dont on s'assure que les bêtes ne soient pas maltraitées durant la tonte. Un autre point important, nos vêtements durent dans le temps. Nous effectuons des tests de résistance et ils peuvent être portés et passés à la machine des milliers de fois. Pour ce qui est du droit du travail, tous les produits sont fabriqués en Union européenne car le droit du travail y est strict, et nous effectuons des audits et des visites des usines avec lesquelles nous travaillons.

Les vêtements sont produits par des fabricants européens, dont 82% au Portugal, 14% en Roumanie, et 2% en France. Envisagez-vous à terme une production 100% française?

WH: Malheureusement à court terme non car notre challenge est de rendre la qualité accessible, et avec du 'made in France' il faudrait augmenter notre prix de 30 à 50%. Quand on peut le faire fabriquer en France sans que cela augmente trop le prix du produit fini, on le fait. C'est notamment le cas du pull marin homme qui est fabriqué chez Marcoux Lafay entre Lyon et Clermont-Ferrand. En revanche, quand on a le même grade de qualité pour un prix inférieur, on le fait fabriquer ailleurs, et notamment au Portugal.

Des 'focus group'  clients pour montrer les prototypes



Sur l'e-shop, Asphalte indique que les clients 'participent à la création des vêtements'. Qu'est-ce que cela signifie? 

WH: La co-création est notre outil pour garantir la réponse à un besoin et améliorer nos produits. Depuis le début d'Asphalte, nous avons envoyé près de 600 questionnaires, tous types confondus. Les clients nous informent sur les produits dont ils ont besoin, en amont de l'élaboration du plan de collection définitif. Cela nous permet d'établir le cahier des charges du produit et de créer le brief de lancement.

La seconde étape est d'envoyer un deuxième questionnaire, cette fois-ci avec les détails techniques et coloris dès lors qu'on a suffisamment avancé pour avoir des matières en tête et un premier prototype. En parallèle on réalise des 'focus group' pour faire intervenir sur place des clients et leur montrer nos premiers prototypes afin d'avoir un avis avec essayage sur la matière, la coupe, etc.

On utilise également les réseaux sociaux pour poster des 'stories' dès qu'une question se pose dans le process de développement afin de trancher avec les clients. Après réception du produit, on leur envoie un questionnaire de satisfaction. Cela permet d'améliorer le produit d'année en année, donc de diminuer les retours et d'améliorer la satisfaction client. On envoie ce questionnaire deux ans plus tard également pour vérifier la durabilité du produit.

La marque est née en 2016, soit près de quatre ans avant la pandémie… Avez-vous constaté un avant/après en termes de comportement des consommateurs?

WH: Oui! Avant la Covid-19, nous recevions essentiellement des messages pour nous remercier par rapport à la qualité des produits. Aujourd'hui, ce sont plutôt des messages de félicitations par rapport à l'approche globale de la marque, qu'il s'agisse de notre engagement, du fait de proposer un autre modèle de consommation, ou de rendre accessible des vêtements éthiques.

Vous vous engagez également à ne proposer que très peu de références, environ 200, en opposition à la fast-fashion. Est-ce que les plus jeunes, les Z, sont la cible d'Asphalte?

WH: Notre rêve c'est que tout le monde soit la cible d'Asphalte, de 7 à 77 ans! On a une vision 'mainstream' de notre clientèle et notamment grâce à nos vêtements qui sont intemporels : les bons basiques dont tout le monde a besoin. La moyenne d'âge du client Asphalte est de 35 ans. Il y a une autre réalité à prendre en compte et elle est économique: les jeunes ont moins de moyens financiers. Nos clients ont une variété d'âges assez large, entre 25 ans et 65 ans, et ça c'est intéressant.

La précommande peut-elle constituer la réponse, ou l'une des réponses, à l'urgence climatique?

WH: C'est l'une des réponses, j'en suis convaincu! Imaginez un monde où l'on ne consommerait que ce qui a été précommandé par le client final ! La précommande, c'est parfait pour l'environnement. Elle limite le gâchis, la surproduction et, en bout de chaîne, ça limite la production de déchets… C'est une super alternative au modèle existant.

Quelles sont les prochaines étapes pour développer la marque?

WH: Il y a deux grandes étapes. La première, c'est la ligne femme. Elle a été lancée il y a seulement six mois donc nous sommes encore au tout début de l'histoire. La seconde, c'est le développement à l'international. Nous venons de lancer notre site en anglais et en allemand, et avons plus de 9.000 clients étrangers qui ont commandé chez nous. En Allemagne tout particulièrement, la marque est vraiment bien accueillie!


(ETX Daily Up)
 

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