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Paul Kaplan
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4 janv. 2019
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États-Unis : retour de bâton pour Trump et sa guerre commerciale contre la Chine

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Reuters
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Paul Kaplan
Publié le
4 janv. 2019

Aux États-Unis, la faiblesse des ventes des géants de la technologie et de l'agriculture Apple et Cargill témoigne des effets négatifs de la guerre commerciale menée par le président Donald Trump contre la Chine. Celui-ci souhaite réorganiser les dynamiques du commerce mondial, ce qui pourrait isoler et fragiliser les États-Unis sur la scène internationale.



Apple, mastodonte mondial de la technologie très prisé pour l'élégance de ses produits, a annoncé mercredi des revenus trimestriels décevants en raison de mauvaises ventes en Chine. Jeudi, Cargill, négociant en grains, a par ailleurs annoncé des résultats moins bons que prévu en Chine.

La Chine, deuxième économie mondiale, aurait enregistré une croissance de 6 % l'an dernier, marquant un ralentissement par rapport aux années passées - au cours des derniers mois, elle a par ailleurs connu son taux de croissance le plus faible depuis la crise financière mondiale, il y a une décennie. 

La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine ternit l'espoir vieux de dix ans, cultivé par les chefs d'entreprise et les grands dirigeants économiques, que l'augmentation du pouvoir d'achat des consommateurs chinois favorisera une nouvelle ère de croissance mondiale synchronisée.

Le ralentissement marqué de l'économie chinoise et la faiblesse de plusieurs autres pays pourraient également faire des consommateurs américains, dont les dépenses représentent plus des deux tiers de l'activité économique aux États-Unis et qui, jusqu'à présent, ont eu tendance à dépenser généreusement leurs revenus en pleine augmentation, le principal rempart contre un ralentissement mondial généralisé.

« Il y a une incohérence entre le rôle des États-Unis comme locomotive de l'économie mondiale et l'objectif politique de l'administration Trump, qui vise à réduire le déficit commercial », décrypte Catherine Mann, économiste en chef chez Citi et ancienne économiste en chef de l'OCDE.

« Nous examinons de près cet équilibre entre la vigueur de l'activité intérieure et la faiblesse de l'activité extérieure » aux États-Unis, en Allemagne et ailleurs, explique-t-elle, ainsi que « l'efficacité de la politique chinoise pour inverser la tendance suivie actuellement par son économie intérieure ».

D'autres moteurs de la croissance américaine, notamment les dépenses des gouvernements et des entreprises et les exportations nettes, sont tous en déclin - ou devraient l'être au cours des prochains mois.

Selon les spécialistes, l'économie américaine, la plus performante de la planète, devrait ralentir après cette année 2018 très solide, tout en demeurant d'aplomb jusqu'au milieu de l'année 2020 environ : à cette date, les économistes interrogés par Reuters s'attendent à un taux de croissance de 1,8 %. En octobre, le Fonds monétaire international a réduit ses prévisions de croissance mondiale pour 2019 à 3,7 %, justifiant cette baisse par la guerre commerciale, et en décembre, Citi a réduit ses prévisions à 3,1 %.

Il y a encore un an, on pensait que les principales économies du monde allaient se développer ensemble - finalement, la route semble plus instable que prévu, les consommateurs américains étant favorisés par les réductions d'impôts et les dépenses gouvernementales, tandis que le reste du monde a plus de mal à tenir le rythme.

Dans ce climat d'incertitude, les entreprises ont freiné leurs investissements - qui auraient pourtant pu stimuler la croissance à long terme -, tandis que les gouvernements du monde entier sont aux prises avec leurs niveaux d'endettement élevés et des besoins croissants en infrastructures.

Un marché en alerte

Les hausses des taux d'intérêt de la réserve fédérale américaine ont incité les investisseurs à entrer et à sortir de divers marchés, frappant durement certains marchés émergents, tout en déclenchant une forte volatilité sur le marché boursier américain et une période de vente qui, selon les analystes, a duré des mois et fait craindre une récession imminente.

Les actions d'Apple Inc. ont chuté de 9,96 % jeudi, à leur plus bas niveau depuis le milieu de l'année 2017, après que l'entreprise a réduit ses prévisions de ventes.

L'annonce d'Apple a rappelé le déclin du marché technologique en 2000, qui avait précédé une légère récession. « Cela me rappelle vraiment quelque chose », avoue d'ailleurs David Rosenberg, économiste chez Gluskin Sheff + Associates Inc, affirmant que la détérioration des perspectives du secteur manufacturier chinois pèsera sur l'économie mondiale.

Jeudi, un représentant de la réserve fédérale a déclaré que les nouvelles hausses de taux prévues devraient être suspendues, du moins jusqu'à ce que cette série de problèmes soit résolue à l'échelle mondiale. « Je serais partisan de l'inaction... au cours des deux premiers trimestres de l'année », affirme Robert Kaplan, président de la réserve fédérale de Dallas. En décembre, les cadres de la réserve fédérale avaient prévu deux autres hausses au cours de cette nouvelle année.

Les Etats-Unis à l'écart

Bien que Trump ait fixé au 1er mars la date limite pour conclure un accord commercial avec Pékin, les préoccupations s'étendent au-delà de la Chine - notamment à l'Europe, où aucun accord sur le Brexit n'a été conclu à moins de trois mois avant la date fatidique du 29 mars.

Mais l'impact de la Chine est énorme. La croissance chinoise alimente une variété d'indicateurs mondiaux tels que le pétrole, les métaux et les puces électroniques, qui orientent les décisions d'investissement et de dépenses dans le monde entier. Il est de plus en plus évident que les tensions entre les deux plus grandes économies du monde ont ébranlé la confiance des entreprises et affaibli les volontés d'investissement.

Cela pourrait marquer un tournant par rapport à la majeure partie de 2018, quand la plupart des économistes déclaraient que les tarifs douaniers plus élevés mis en place par l'administration Trump n'avaient pas encore affecté la croissance américaine. Kevin Hassett, le conseiller économique de la Maison-Blanche, a déclaré jeudi que la forte chute de la croissance économique chinoise affectera les bénéfices américains, mais que les ventes d'Apple et d'autres entreprises devraient rebondir une fois l'accord commercial conclu.

Le secteur manufacturier américain a commencé à ralentir et l'enquête menée lundi par l'Institute of Supply Management auprès des directeurs des achats des entreprises a révélé la plus forte baisse mensuelle depuis le creux de la récession en décembre 2008. Une enquête trimestrielle de la réserve fédérale de Dallas sur les entreprises du secteur de l'énergie a mis en évidence un ralentissement marqué à la fin 2018.

« Le reste du monde ralentit, en particulier l'Europe et la Chine, mais les États-Unis ont suffisamment d'élan pour le moment », assure Mohamed El-Erian, conseiller économique principal chez Allianz. « Le problème, c'est que les décideurs n'ont pas assez conscience que la volatilité des marchés pourrait avoir un impact négatif sur l'économie globale. »

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