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David Boullier (Gémo) : "Nous mettons en place un studio dédié à la prospective"

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9 oct. 2018

Passé par H&M et Louis Vuitton, David Boullier est directeur de l’offre et des collections de Gémo depuis un an. Il explique à FashionNetwork.com la mécanique mise en place pour faire évoluer les collections d’une chaîne de mode familiale de périphérie comptant près de 420 magasins. Lancée par le groupe Eram en 1991, elle a réalisé 884 millions d’euros de ventes en 2017 et doit sans cesse chercher de nouveaux leviers de croissance pour se maintenir sur un marché ultra-concurrentiel dominé par les mastodontes internationaux H&M, Zara ou encore Primark. Le lancement de collections  écoresponsables est en préparation, de même qu’une offre plus lifestyle (gadgets, cadeaux), tandis qu’un nouveau format de magasin est actuellement testé en centre commercial.


David Boullier - DR
FashionNetwork: Quel a été votre parcours avant d’entrer chez Gémo?

David Boullier: Pendant mes études de droit, j’étais ven


FashionNetwork : Quel a été votre parcours avant d’entrer chez Gémo ?

David Boullier : Pendant mes études de droit, j’étais vendeur chez H&M le samedi à Paris. Je suis finalement resté 12 ans au sein de l’enseigne, où j’ai évolué très vite. De visual merchandiser en région, je suis devenu directeur merchandising France. En 2009, j’ai rejoint les Galeries Lafayette comme directeur merchandising, une belle aventure durant laquelle j’ai accompagné la construction des collections côté marques propres. Trois ans plus tard, j’ai eu la chance d’être approché par Louis Vuitton pour travailler sur la partie identité visuelle, merchandising et vitrine, pour la France. J’ai monté mon cabinet de consulting en 2013, avec lequel j’ai par exemple conseillé Tally Weijl, Kookaï ou Celio. Contacté par des marques pour rejoindre leurs équipes, j’ai accepté l’offre de Gémo car c’est une enseigne mass-market, mais portée par une valeur d’entreprise et animée d’un vrai projet de transformation. J’y suis arrivé en tant que directeur merchandising, puis six mois plus tard, je reprenais la direction de l’offre et des collections. C’est un vrai challenge car, sur un marché qui se rétracte, il faut être capable de suivre au plus près les aspirations des consommateurs.

FNW : Quelle mission vous a-t-on confiée côté offre et style ?

DB : Gémo doit accompagner les mouvements de consommation et les traduire aussitôt dans l’offre. C’est une vision à 360 degrés du produit que j’essaie d’apporter, en insufflant un maximum de transversalité sur tous les métiers. Nous ne voulons pas surproduire, mais produire seulement en fonction des besoins. C’est un aspect fondamental du retail aujourd’hui. J’ai reconstitué une direction de l’offre incluant les équipes style, achats et merchandising, ce qui n’était pas le cas auparavant. Cela représente 180 personnes, dont notamment 50 côté style. On est en phase de transformation pour se placer plus en amont, connaître parfaitement le client, apporter plus de storytelling et créer de la valeur.

FNW : Comment se traduit concrètement ce travail pour le consommateur ?

DB : Nous devons rationaliser nos prises de parole, en fonction de ce qu’attendent les clients et non pas seulement se caler sur un calendrier linéaire (la rentrée, Noël…). Un exemple : l’intérêt des clients pour l’écoresponsabilité. Nous menons déjà une politique RSE au sein de l’entreprise, mais le client a besoin de preuves, en adéquation avec les promesses. Ce ne sera pas 100 % parfait, mais notre prise de parole "conscious" va arriver dès la saison prochaine, avec un vrai label et des produits dédiés, en commençant par ce qui touche directement la peau, au rayon bébé et lingerie notamment. Travailler le polyester recyclé ou le coton bio reste un vrai challenge pour un distributeur mass-market, pour garder l’accessibilité prix. Et offrir le choix au client.


Des membres du bureau de style au siège situé à Saint-Pierre-Montlimart. - Gémo


FNW : En termes de design, avez-vous fait évoluer le style Gémo ?

DB : Aujourd’hui, l’enseigne se doit d’avoir des partis pris tranchés d’un point de vue stylistique. C’est pour cela que j’ai embauché il y a trois mois un directeur artistique, et non pas un directeur du style. Il s’agit de Stephen Blomme, qui a travaillé chez Vivarte, Celio et Beaumanoir et a aussi été consultant dans le denim. Sa mission est de suivre les tendances, mais pas de copier les modèles de défilé. L’inspiration va venir beaucoup plus en amont, avec une vision très terrain et pragmatique. Nous allons mettre en place un studio dédié à la prospective côté consommation, graphisme, marketing, en allant voir ce qui se passe aujourd’hui dans le monde (voyages, expositions), mais aussi dans la rue et sur les réseaux sociaux. Cela engendre également toute une réflexion sur la partie lifestyle de l’offre : si Gémo va au-delà de la promesse textile, qu’est-ce que l’on peut proposer ?

FNW : L’enseigne possède déjà une offre de produits de décoration : vous comptez étendre cette gamme ?

DB :
Il existe en effet une offre de décoration, surtout présente sur le digital. Nous allons peut-être continuer de la déployer en magasin mais en liant beaucoup plus les différents univers, c’est-à-dire en lançant une traduction objet ou gadget d’une inspiration vêtement. Mais sans aller jusqu’au canapé.

FNW : Et donc proposer des articles à la Hema ?

DB :
Oui, ou à la Flying Tiger. C’est-à-dire pouvoir trouver en magasins des produits coups de cœur qui prolongent une gamme thématique côté habillement jusqu’à cette partie lifestyle. Nous allons également conserver les collaborations, comme celle nouée avec le chanteur Soprano. Cela permet de raconter des histoires et touche au lifestyle via la musique. Le client attend des aspérités dans l’offre, pas uniquement du besoin.


La blogueuse Lalaa Misaki, qui a conçu une capsule avec Gémo, compte plus de 61 000 abonnés sur Instagram. - Alix de Beer


FNW : Gémo possède une large offre vestimentaire, étant présente sur la grande taille, l’enfant, la lingerie… Comment appréhendez-vous cela aujourd’hui ?

DB : Gémo se doit de proposer une mode inclusive, en répondant à toutes les morphologies. Le propos principal reste la famille mais nous travaillons sur pas mal de projets, comme celui du "gender".  En parallèle, nous menons une stratégie de rationalisation de l’offre : certains domaines vont grandir (la grande taille, le bébé, la maternité…) et d’autres vont sans doute se réduire. C’est un travail en cours, qui porte déjà ses fruits puisque nous mettons au point aujourd’hui 13 400 références par an, contre 15 000 auparavant. Un important travail a également été mené avec le cabinet Peclers sur la chaussure, un marché difficile pour tout le monde. Là aussi, on introduit l’écoresponsabilité. Concernant les bassins de production, notre sandale best-seller à la Birkenstock est produite depuis cet été en Espagne, alors qu’elle l’était auparavant en Asie. Et nous avons conservé le même niveau de prix.

FNW : Le magasin évolue-t-il en adéquation avec le travail opéré sur le produit ?

DB : Oui, on ouvre aujourd’hui des points de vente en centre commercial. Un nouveau concept vraiment novateur, qui abrite une partie des essentiels Gémo ainsi que l’offre mode la plus pointue. C’est primordial, car le client y revient beaucoup plus régulièrement qu’en périphérie. Sur les petits magasins, l’omnicanal prendra le relais avec des bornes digitales.

L’expérience shopping doit également être accentuée. Pour introduire de la transparence, nous sommes en train de développer une sorte de "fashion factory" en plein cœur du magasin, dans laquelle le client pourra voir l’envers du décor, c’est-à-dire comment on construit une collection, participer à des tables rondes. Comme une salle de réunion au milieu du point de vente où l’on pourrait même effectuer notre bilan de collection. J’y tiens beaucoup.

FNW : Quand on entreprend ce type de changements dans une entreprise bien installée, est-ce parfois compliqué ?

DB :
Il faut répéter (rires). Et donner du temps, du sens, accompagner, ce sont de grosses transformations, mais qui sont nécessaires et vitales. Il faut qu’on avance. Je n’ai pas un management forcément "top and down". Il est important de discuter, de croiser les données. J’encourage une hiérarchie plutôt aplanie, et c’est assez nouveau chez Gémo. Je crois beaucoup aux profils atypiques, tout le monde a des choses à dire. Et chez Gémo, on a tous les moyens pour réussir.  

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