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22 oct. 2020
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Commerce spécialisé: les magasins franciliens toujours en souffrance

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22 oct. 2020

"J’espère ne plus jamais revoir ce type de graphique". C’est avec ces mots évoquant le creux d’activité du printemps qu’Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, dresse un premier bilan de l’activité du commerce spécialisé sur le marché français, dont le chiffre d’affaires tous secteurs confondus est en chute de 20% de janvier à septembre 2020. "La reprise est meilleure qu’anticipé, mais elle cache beaucoup d'hétérogénéité: l’été a été positif, mais le mois de septembre impulse un tassement d’activité (+0,6%). On peut s’inquiéter du fait qu’il continue, voire s’accélère", introduit-il. Une polarité se dessine également: celle de Paris et des grandes métropoles, en difficulté, et des villes moyennes de province qui parviennent à limiter la casse.


La courbe du commerce en 2020 - Procos


Si l’on se concentre sur le mois de septembre, l’appétence des clients se confirme pour les secteurs de la maison et du sport. Ce dernier a d’ailleurs rattrapé tout son retard par rapport à 2019. Une prouesse par rapport au secteur de l’équipement de la personne, qui affiche une baisse des ventes en magasin de 8,5% le mois dernier, et cumule un repli de 25,9% sur neuf mois. D’autre part, les ventes en ligne ont pu soutenir certaines enseignes, avec un bond global d’activité de 87% depuis le début de l’année, mais n’ont pas pu compenser les pertes enregistrées en magasin pour la plupart.


Certains secteurs s'en sortent mieux que d'autres, comme le sport et la maison - Procos


Les analyses géographiques montrent en outre une disparité selon les régions et le type de commerces: "les moyennes surfaces de périphérie et les retail park sont favorisés, les consommateurs se tournent vers des endroits où ils vont se sentir selon eux plus en sécurité", pointe Emmanuel Le Roch, observant de plus que les grands centres commerciaux de centre-ville continuent de connaître des difficultés, enregistrant une baisse de 25% de visiteurs en septembre. 

Un fossé entre les grandes métropoles et la province



"Le taux de transformation est meilleur qu’à l’accoutumée dans les magasins, mais la chute de fréquentation des commerces se situe autour de -30% aujourd’hui à Paris et dans les grandes métropoles, alors que les centres-villes plus petits se sont largement rapprochés d’un trafic normal, autour de -10%", poursuit-il. Philippe Jambon, dirigeant Jeff de Bruges et vice-président de Procos, appuie ce constat: "Nous voyons depuis la réouverture des écarts énormes entre nos boutiques situées dans les petites villes et celles situées en grands centres-villes, de l’ordre de -15 à -20% de différence alors que d’ordinaire, ils se tenaient à 1 ou 2%".


Evolution des ventes et de la fréquentation dans les zones commerciales de la capitale - Procos


Très impactés par l’absence des touristes, par la pratique du télétravail, ou la moindre fréquentation des transports en commun, certains quartiers de Paris accusent toujours le coup cet automne. En septembre, la fréquentation est en repli de 89,2% dans le Marais (pour une baisse de chiffre d’affaires de 28,7%), en chute de 64,8% aux Champs-Elysées (-60,1% de ventes), ou de 48,4% dans la zone Odéon/Saint-Michel (-39,1% de ventes). Les magasins installés rue de Rivoli accusent eux un repli assez semblable de leur fréquentation (-22,5%) et de leurs ventes (-25,7%). Même les rues beaucoup moins dépendantes des touristes et dont l’activité est plus locale réalisent un mois difficile, comme la rue du Commerce (-23,6 %). En revanche, les zones commerciales des Ternes, de Beaugrenelle et du Passage du Havre s’en sortent mieux, même si leur activité reste négative.

En moyenne, les magasins d’Ile-de-France affichent un recul de visiteurs de -16,7%. Les centres commerciaux franciliens les plus impactés sont Créteil Soleil (-32%), Les Quatre Temps (-32,9%), et Evry2. "Les boutiques des centres commerciaux d’Ile-de-France accusent un retard de ventes supérieur à 30% depuis début 2020, or ces emplacements ont un impact très fort sur la santé des enseignes car ils pèsent lourd en matière de coût d’exploitation et de loyer", exprime Emmanuel Le Roch.


Evolution des ventes et du nombre de visiteurs dans les centres commerciaux d'Ile de France - Procos


La concentration urbaine va-t-elle être remise en cause durablement ? Les villes moyennes vont-elles en profiter sur le long terme ? Procos évoque la possible évolution des modèles économiques des enseignes pour s’adapter à ces changements, et martèle le problème des relations avec les bailleurs.

Pendant la crise, la fédération a mesuré que ses adhérents ont trouvé une solution de principe pour 60% de leurs baux (suspension ou annulation négociée), mais seulement 40% de ceux-ci ont été finalisées juridiquement, en raison des contreparties exigées (des bailleurs qui demandaient par exemple une reconduction de bail en échange).


Les enseignes ont tenté de négocier des reports et annulations de loyer pendant la crise - Procos


Etablir de nouveaux liens avec les bailleurs



"Les enseignes ne souhaitent pas faire du contentieux, mais les relations peuvent malheureusement se dégrader dans les mois qui viennent. Nous sommes déçus et surpris que certains acteurs restent dans le déni, comme s’il n’y avait aucune baisse de trafic ou que le sujet du covid-19 était réglé", regrette Emmanuel Le Roch, qui plaide pour une adaptation des loyers à la réalité de l’activité. "Or une crise économique se profile, le PIB devrait baisser de 10% en 2020, le chômage devrait subir une forte hausse, associée à une baisse du pouvoir d’achat, et à un attentisme des investisseurs".

C’est selon Procos le moment opportun pour imaginer nouvelle relation entre bailleurs et preneurs, et de renforcer le volet commerce du plan de relance présenté par le gouvernement. Philippe Jambon, vice-président de la fédération estime que, pour passer les prochains mois, "les enseignes sont condamnées à investir, pour accompagner les attentes des consommateurs, mais ont pour cela besoin de l’aide de certains des bailleurs qui ne tiennent pas compte de la situation actuelle. Sinon, ce sera une catastrophe sociale. Nous demandons simplement l’équité, on ne peut pas imaginer que le taux d’effort pour un loyer soit le même aujourd’hui qu’avant la crise. Je pense que le gouvernement devrait aider les foncières, qui elles devraient nous épauler". Selon nos informations, le dossier fait partie des sujets actuellement ausculté de près par Bercy, la problématique étant d'avoir une stratégie globale sur le sujet alors que les foncières ne représentent aujourd'hui qu'une part minime (environ 10%) des propriétaires de locaux commerciaux.

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