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24 nov. 2021
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Sourcing: la crise a-t-elle profité aux matériaux responsables ?

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24 nov. 2021

La flambée du prix du pétrole, du coton et des transports va entrainer chez de nombreuses marques des hausses de prix en 2022. Aussi sur le marché français, où marques et enseignes veulent notamment réduire les volumes de commandes. Face aux défis d'approvisionnement que la crise sanitaire laisse dans son sillage, se pose donc la question de l'impact qu'a eu celle-ci sur la production de matériaux répondant à des exigences sociales et environnementales. FashionNetwork.com se penche sur le rapport de Textile Exchange pour l'exercice 2020.


Textile Exchange



Une année de triste mémoire durant laquelle la production mondiale de fibre a naturellement connu une inflexion, avec 109 millions de tonnes contre 111 l'année précédente. Sur l'année, ce sont ainsi 8,4 kilos de fibre par personne qui ont été produits. Si les analystes de Textile Exchange notent que la part des "preferred materials" (matériaux "privilégiés" répondant à des normes sociales et/ou environnementales définies) a augmenté, l'organisation souligne cependant que ces derniers ne représentent encore que moins d'un cinquième de la production mondiale de fibres. Tandis que moins de 0,5% de la production portait sur des matériaux recyclés.

"L'intérêt accru des marques pour l'utilisation de fibres et de matériaux 'preferred' a également été démontré par une augmentation impressionnante de 75% du nombre total d'installations (à 30.000) dans le monde entier qui seront certifiées selon le portefeuille de normes de l'organisation en 2020", explique la CEO, La Rhea Pepper. "Bien que l'on ne sache pas encore clairement comment la pandémie et d'autres facteurs influenceront le développement futur, la production mondiale de fibres devrait encore augmenter de 34% pour atteindre 146 millions de tonnes en 2030 si l'industrie reprend ses activités habituelles. Si cette croissance se poursuit, il sera de plus en plus difficile pour l'industrie d'atteindre les objectifs scientifiques en matière de climat et de nature".

Sur les 109 millions tonnes produites, le rapport livre comme chaque année un détail fibre par fibre. Les fibres synthétiques sont sans surprise majoritaires, avec 62% des productions, dont 52% à lui seul pour le polyester. Ce dernier est suivi par: polyamide (5%), polypropylène (2,7%), acrylique (1,6 %), élasthanne (environ 1%) et autres synthétiques (5%). Viennent ensuite les fibres naturelles, représentant 29,9% des productions, dont 24,2% pour le coton. Les fibres cellulosiques ont quant à elles représenté 5,9% de la production mondiale, avec une domination persistante de la viscose (4,73%). Quant aux fibres animales, elles ont pesé 1,57% du marché, dont 0,94% pour la laine de mouton.

Quelle place pour les matériaux responsables ?



A y regarder de plus près, il ressort que la part du marché des "preferred cotton*" est passée en un an de 24% à 30%, avec une production qui est passée en un an de 6,4 à 7,8 millions de tonnes. Le rapport relève au passage que les cotons "Better Cotton Initiative" et équivalents (ABRAPA, CmiA et myBMP), représentent à eux-seuls 23,64% des fibres de coton produites sur la saison 2019/20. Dont 12% à lui-seul pour le BCI. Tous les autres programmes de "preferred cotton" analysés ne pèseraient que 5% du marché. En termes de géographie, ces cotons seraient produits à 37,45% en Amérique du sud (Brésil, Pérou), qui arrive ainsi devant l'Asie du Sud (28,68%), l'Asie de l'Est et du Sud-est (11,90%), ou les États-Unis (8,47%).


Textile Exchange



Du côté de la laine, le rapport pointe une croissance de 1,25% de la laine responsable, à 24.000 tonnes. Le "Responsible Wool Standard" serait désormais adopté à 25% par la production sud-africaine, contre 11% pour l'Uruguay et 9% par l'Argentine. Le programme serait passé en un an de 745 à 1.519 fermes certifiées. Seules 1% des fermes australiennes auraient rejoint le programme. Pour rappel, toutes laines de mouton confondues, l'Australie domine la production mondiale avec 22% de parts de marché, devant la Chine (14%), Nouvelle Zélande (10%) et Turquie (3%). Du côté du cachemire, la part du "preferred" est passée en un an de 0,8% à 7% sur les 25.208 tonnes produites. Dans le mohair, ce sont 27% des 4.320 tonnes produites qui répondent à des critères responsables.

Du côté des fibres cellulosiques, 6,5 millions de tonnes ont été produites l'an passé (-8%). Dans ce domaine, les standards RSE comme FSC ou PEFC auraient en revanche renforcé leurs parts de marché, pour représenter désormais entre 55 et 60% du marché des cellulosiques, selon Textile Exchange.

Dans ces catégories se pose également la question du recyclage. Seul 0,96% du coton produit l'an passé était issu du recyclage, avec 255.000 tonnes. Mais Textile Exchange anticipe une forte hausse à venir. Avec 70.000 tonnes produites, la laine recyclée représentait quant à elle l'an passé 6% de la production mondiale de laine. Du côté des fibres cellulosiques, il ressort que les matériaux recyclés ne représentent que 0,4% du marché. Le projet Canopy estime que recycler 25% du coton et 25% des cellulosiques permettrait de remplacer toutes les fibres de bois actuellement utilisées par le marché des fibres à base de pulpe de bois.

Quelles évolutions responsables pour les synthétiques ?



Viennent ensuite les fibres synthétiques. Majoritaires, avec le polyester comme leader incontesté. Sur une production qui s'est contractée en passant de 57,7 à 57,1 millions de tonnes en 2020, la production du polyester recyclé s'est pour sa part renforcée, passant de 7,9 à 8,4 millions de tonnes. Faisant passer la part de marché du polyester recyclé de 13,7 à 14,7%. Dans 99% des cas, ces productions sont issues de bouteilles recyclées. Les polyesters biosourcés ne pèsent encore pour l'heure que 0,03% du marché.


Textile Exchange



Sur le marché des polyamides, dont la production a légèrement vacillé l'an passé, les fibres recyclées ne représentent encore que 1,9% du marché. "Le marché des fibres de polyamide recyclées est en pleine croissance mais à un rythme plutôt lent", pointe Textile Exchange, qui relève les défis techniques présentés par les recyclages mécaniques ou chimiques impulsés. Quant aux polyamides biosourcés, ils ne pèseraient que 0,4% du marché.

"Que ce soit pour les activités actuelles ou post-pandémiques, la production et l'utilisation de fibres et de matériaux privilégiés doivent être une décision non négociable", insiste La Rhea Pepper, qui rappelle que la production de fibre est en vingt ans passée de 58 à 109 millions de tonnes. "Il est temps d'accélérer la transition vers des pratiques de plus en plus durables afin de réduire l'empreinte de la production de fibres et de matériaux conventionnels sur la planète".

Par ailleurs véritable annuaire des programmes et projets responsables matière par matière, le rapport de Textile Exchange est librement accessible sur le portail de l'organisation.


* Les "Preferred cotton" incluent les labels et appellations ABRAPA, BASF e3, Better Cotton Initiative (BCI), Cleaner Cotton, Cotton made in Africa (CmiA), Fairtrade, Fairtrade Organic, Field to Market, In-Conversion Cotton (Transitional in USA), ISCC, myBMP, Organic, REEL Cotton, Regenerative Organic Certified (ROC), et le United States Cotton Trust Protocol (USCTP)

 

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