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12 janv. 2022
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Fabien Allègre (PSG): "Ce qui intéresse aussi nos fans, c'est un mélange de musique, d’art et de mode"

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12 janv. 2022

Jordan, Levi's, Replay et maintenant Dior. Depuis une décennie, le club multisports de la capitale a multiplié les collaborations avec les marques de mode mais aussi les artistes et les labels lifestyle. Une stratégie qui a surpris à ses débuts mais qui en a fait un exemple dans l'univers du sport professionnel pour les stratégies de marque des clubs. Avec l'ouverture de son nouveau flagship au 92 Champs-Elysées en ce début janvier, le PSG renforce la visibilité de cette diversification. Bien sûr, les maillots de matchs, survêtements et ballons restent, comme pour toute boutique de club, une catégorie phare du lieu. Mais sur près de 400 mètres carrés, cette nouvelle boutique consacre tout un niveau à la mise en valeur de ses collaborations. Symbole de cette variété de segments couverts, le PSG installe un café avec le spécialiste des jus et alimentation "detox" Wild and the moon, qui a notamment déjà collaboré avec nombre de marques de luxe. Quelle est la recette de la diversification de la franchise PSG? Éléments de réponse avec Fabien Allègre qui mène depuis une décennie la stratégie marque de la société propriété de Qatar Sports Investments.


Fabien Allègre, directeur de la marque PSG - PSG



FashionNetwork.com : Qu'est-ce que ce nouveau flagship, deux fois plus vaste que l'ancienne boutique du PSG sur les Champs-Elysées, va vous permettre?

Fabien Alègre :
L'ouverture du flagship est un nouveau chapitre dans l'histoire initiée et la stratégie initiée depuis la reprise du club par notre président. En dix ans, le club a énormément évolué. Dès 2011, Nasser Al-Khelaïfi a impulsé cette vision de faire du PSG la plus forte franchise de sport au monde avec une création de marque lifestyle. Nous sommes l'un des seuls clubs au monde à avoir un positionnement sur le sport mais aussi de marque plus globale. Nous n'avons eu de cesse de mettre en avant sa capacité d'innover et d'avoir une collection plus large qu’un club de foot classique. 

Nous avons passé de belles années dans l'ancienne boutique, mais sa configuration ne permettait plus de garantir les critères qualitatifs en termes d'expérience pour nos fans venant de plus en plus nombreux et de l'étranger. Sans prendre 2.000 mètres carrés, nous voulions pouvoir exprimer la diversité d'offre développée par le club pour l'homme mais aussi pour la femme et l'enfant.

FNW : Quelle sera la place des collaborations dans ce nouvel espace?

FB :
Ces collections pouvaient paraître inaperçues dans l'ancienne boutique. Nous avons créé un parcours client valorisant les différentes gammes. Sur la mezzanine, nous avons la partie personnalisation des maillots et plus, mais aussi une mise en avant des collaborations avec un espace volontairement dédié et qui va permettre un roulement régulier de celles-ci. Par exemple dans notre expansion retail, nous avons ouvert au Japon des gammes spécifiques sur ces marchés. Nous n'avions pas l'espace à Paris pour les présenter.

A présent, nous pourrons proposer certaines de ces pièces iconiques faites avec des designers ou des artistes au Japon ou en Corée-du-Sud, où nous avons des collections différentes. Des produits qui seront aussi développés aux États-Unis car, avec l'ouverture en mai dernier à Los Angeles et bientôt dans d'autres villes, nous suivrons la même logique de création de gammes pour ces pays. Cela donnera accès à ces produits à nos fans qui ne voyagent pas dans ces différentes villes.


Intérieur du nouveau flagship du PSG - PSG



FNW : Ces consommateurs sont forcément fans du club de foot?

FA : É
videmment nous nous adressons à une base de fans plus large qu'un club classique. Parce que nous avons réussi avec ces collaborations, nos valeurs et le fait d'être lié à la ville de Paris, à être une marque en dehors du terrain. Cela tient au fait d’avoir en même temps des joueurs iconiques qui attirent une typologie de fans mais aussi en parallèle de pouvoir construire une logique en termes de lignes de produits, pour répondre aux différents profils de fans en France mais aussi à l'international.


Pour l'automne 2018, Koché avait revisité les codes du PSG - Koché



FNW : Sur les Champs-Elysées, vous installez un café Wild and the Moon et ses jus de fruits "detox", vous avez multiplié les collaborations mode et lifestyle, grand public comme pointues. Comment avez-vous réussi à construire cette image de marque du PSG qui va bien au-delà du sport?

FA :
Depuis la prise en main du club par Nasser Al-Khelaïfi, nous avons avancé sur la même stratégie de créer cette marque lifestyle. L’un des premiers mouvements qui a été le plus visible cela a été d'initier des collaborations dans le domaine de la mode avec Christelle Kocher et de jeunes marques talentueuses de niche. Et nous avons déroulé sur les autres verticales qui composent le projet. Ce qui intéresse nos fans, c'est un mélange de musique, d’art et de mode. Et la dernière pierre c'est la nourriture "Healthy", que nous avons initiée avec Wild and the moon. Cela permet de couvrir tous les centres d’intérêt de nos fans. La vocation du Paris-Saint-Germain est d'être le club de la nouvelle génération. Notre responsabilité est de couvrir ceci.

FNW : Quelles peuvent être les limites de cette diversification, de ces collaborations?

FA :
Il n’y a pas forcément de limites. Avec le travail depuis dix ans, nous avons couvert l’ensemble de la chaine de valeur au travers de ces collaborations. La marque a pour rôle d’attirer, de convertir et retenir ces consommateurs et ces fans. Si on veut être le club de la nouvelle génération, il faut que l'on arrive toujours à attirer de nouveaux fans. Cela implique d'essayer au maximum de comprendre leurs codes et de les traduire sur des produits ou des idées.

Quand on va dans l’e-sport, cela nous permet d'être en contact avec un autre type d’audience. Nous réfléchissons bien sûr à des développements sur le phénomène métaverse. Nous avons déjà lancé un NFT sur la partie artistique. Le métaverse peut être une nouvelle aire de jeu, on y retrouvera la mode, l’art, la musique. Cela implique d'avoir l’œil sur les tendances dans le monde réel comme virtuel. Il faut qu'ils soient fiers de consommer un produit du Paris Saint-Germain et qu'ils deviennent des ambassadeurs de la marque sur le long terme.


En avril 2021, le club a proposé une première oeuvre NFT, baptisée Lucky Buddy, associée à son image - PSG



FNW : Le club a des équipes d'e-sport, qui est un énorme marché en devenir, avec déjà des millions de fans. Le métaverse est le sujet qui préoccupe de nombreuses marques actuellement. Quel peut être le rôle du PSG sur ces thèmes?

FA :
Pour moi, l'e-sport est un axe de développement, comme il l’était avant 2016. Je suis convaincu que sur le long terme c’était la bonne direction à prendre. Certains qualifient de bulle l'activité économique autour de ces mondes parallèles, notamment avec la vente de skins exclusives pour les personnages. Personnellement je ne pense pas qu'il s'agisse d'une bulle. Mais je ne pense pas que nous passons du tout physique au tout digital. Il y a un équilibre mais aussi des évolutions.

Par rapport à cette nouvelle génération dont nous revendiquons être le club, le rapport à l’objet dans sa possession a changé. Le concept de posséder une œuvre digitale n'est pas antinomique avec la volonté de se constituer un actif qui pourrait, demain, avoir une valeur supplémentaire. Je crois que ce qui s’est fait sur un produit comme les sneakers peut faire sens dans ce nouveau mode de consommation, avec un système de collection de produits et d'œuvres digitales. Et je pense que le club a toute sa place dans le métaverse en étant créateur d'un pont avec ses fans dans le digital. Demain nous pouvons tout à fait avoir une œuvre digitale liée à un produit physique. Nous avons l'opportunité d'être à l'angle du digital et du physique. Nous avons engagé des réflexions avec des partenaires de pointe et des experts sur ces sujets.

FNW : Dans le monde réel, le club a signé un partenariat avec Dior Men. Est-ce que pour la prochaine Fashion Week ou à moyen terme cela donnera des collaborations spéciales ou des évènements?

FA :
Le rythme des grandes maisons impose du temps. Mais notre objectif est de proposer tous les outils pour aller plus loin dans notre collaboration. Habiller les joueurs c'est un premier sujet. Mais l'accès à des shootings c'est un autre point. Nous avons créé ce lien avec une grande maison qui partage une vision d'excellence. Nous allons prendre le temps nécessaire pour imaginer le dispositif qui viendra amplifier notre collaboration.


Dior habille les joueurs du PSG hors du terrain - Dior



FNW : Avec le recul, est-ce que vous avez trouvé le bon rythme pour le lancement de collaborations?

FA :
Nous n'avons pas réellement de planification à la différence d'autres marques qui peuvent avoir des drops réguliers de collaborations. Les collaborations ne nous servent pas à remplir un business plan. Ce n'est pas du tout notre approche. Il faut que les choses aient un sens, que ce soit avec un designer une marque ou un artiste.

Nous avons cette chance d'avoir avec notre partenaire Nike et Jordan entre 100 et 200 références par collection. Donc nous ne sommes pas obligés de faire des collaborations pour proposer des produits. Ensuite, nous savons que nous devons planifier le temps de production mais aussi le plan de communication qui va s'aligner avec le calendrier sportif.

FNW : C'est-à-dire?

FA :
En termes de lancement de collection, nous savons que nous avons déjà des rendez-vous pour quatre maillots entre septembre et mai avec des prises de parole très structurantes car cela représente un poids très important dans notre chiffre d'affaires avec les trois gammes, de la compétition au lifestyle, et les temps de parole de la partie sportive entre les tournées. Le mercato, la signature de sponsors ou les matches de champions league: le calendrier global de la communication du club est très chargé. Cela fait beaucoup de messages. Donc nous n'allons pas sortir une collection si nous n'avons pas l'espace pour la présenter et potentiellement ouvrir l'univers du club à d'autres horizons.

FNW : Aujourd'hui, que représente la diversification des activités du club dans son chiffre d'affaires et quelle a été son évolution depuis la reprise du club?

FA :
L'évolution a été très importante. L'activité de diversification qui intègre les académies, l'e-sport, le retail, l'e-commerce, la gestion de nos licences représente 60 millions d'euros. Il y a onze ans cela faisait un peu plus de 8 millions. Mais cela reste moins de 10% du chiffre d'affaires global du club, donc je reste humble sur notre rôle. Mais ce que l'on fait cela permet de gagner une valeur de marque au niveau international et d'avoir un positionnement différent des autres clubs.


En collaborant avec Wild and the Moon, le PSG explore une nouvelle verticale - PSG



FNW : Sur l'international justement, quelle est l'ambition d'expansion retail du PSG?

FA :
Nous suivons notre feuille de route. L'expansion de la marque sur les États-Unis est importante ces dernières années. Nous savons que nous avons une poche de développement importante et que l'implantation de la marque ne se résume pas aux maillots-shorts-chaussettes-jogging. C'est un ensemble qui doit répondre aux différents fans, qu'ils le soient pour le foot ou pour le côté cool et nouvelle génération de la marque. Quand nous avons un partenaire local qui a envie de construire une histoire de long terme, nous commençons à déployer.

Nous avons Doha, trois magasins au Japon, Séoul depuis deux ans. Et depuis mai, nous avons débuté aux États-Unis et nous allons dérouler sur quatre ou cinq autres villes avec le groupe Lids, professionnel du retail qui a plus de 1.300 magasins sur le territoire américain. Ces ouvertures sont liées aux bases de fans dans les villes mais aussi éventuellement des relais que nous pouvons avoir avec nos académies dans quinze pays. Nous sommes présents en Chine, qui est un marché très important pour nous, avec nos deux équipes e-sport.

FNW : Comment préparez-vous cette arrivée en Chine?

FA :
Ce sont des projets sur le long terme. Cela tient au fait d'identifier les bons partenaires, mais aussi que nous avons des sujets d'implantation par rapport à la stratégie d'ouverture de comptes de notre partenaire Nike sur différents territoires. Le gros focus est actuellement sur les États-Unis mais nous avons initié ce développement futur sur la Chine.

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